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Grand plan "Histoire" au Canada : un roman national qui ne dit pas son nom

Par Mbertrand @MIKL_Bertrand

Abstract: Canadian government launched a large project called "Promoting Canadian History" which includes a Canada History Week, a Government of Canada History Awards and a Canada History Fund endowed with 12 million dollars. All these projects can be however considered as rather defending national memory than history. 

James Moore, ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles, a présenté au mois de juin 2013 une série de nouvelles mesures visant à promouvoir l'histoire du Canada.

Cette annonce s'inscrit dans le cadre d'un phénomène récent de cristallisation autour des histoires nationales, ou plutôt du "roman national", qui s'illustre en France par de nouvelles polémiques sur l'enseignement de l'histoire française relancées à chaque rentrée depuis trois ans.

Force est de constater que le débat trouve des échos chez nos voisins britanniques,  au Quebec, en Italie, aux Etats-Unis et donc aussi au Canada.

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Parmi les mesures annoncées figurent :

- Un Prix d'histoire du gouvernement du Canada à l'intention des élèves et enseignants qui s'illustrent par leur intérêt pour la célébration de l'histoire nationale. La gestion de ce prix est confié à un organisme national indépendant intitulé " Histoire Canada".

- Deux nouvelles Minutes du patrimoine par année d'ici au 150e anniversaire du Canada, en 2017.

- Une Semaine de l'histoire du Canada (du 1er au 7 juillet)

- Un Fonds pour l'histoire du Canada doté de 12 millions de dollars permettant de financer ces projets nationaux et d'autres programmes locaux.

Il est assez révélateur d'observer l'absence de mention du mot "mémoire" dans les discours du ministre, sur le site du gouvernement et dans les documents officiels présentant ce projet global de promotion de l'Histoire du Canada.

En comparaison, la France peut paraître singulière avec ses Fondations pour la mémoire (de la Shoah, de la Déportation, de la Guerre d'Algérie), mais aussi son nouveau concours des Petits artistes de la mémoire dans le cadre du centenaire de la Grande Guerre, et son traditionnel "Devoir de Mémoire" retrouvé partout sur les sites des ministères et dans les discours des hommes et femmes politiques.

Cette apparente distinction n'est pourtant qu'une façade linguistique. Dans les détails, le plan annoncé par le ministre James Moore s'inscrit bien dans une perspective mémorielle. Il justifie d'ailleurs une telle avalanche de moyens en précisant que "c'est un objectif qui devient important à l'approche du 150e anniversaire du Canada en 2017. Cet anniversaire nous offre une occasion sans précédent de célébrer notre histoire et toutes les réalisations qui ont contribué à faire du Canada le pays libre, fort et uni dans lequel nous vivons aujourd'hui ». En somme, il s'agit bien de préparer une échéance commémorative importante, tout en valorisant le récit national.


John G. McAvity, directeur général de l'Association des musées canadiens, confirme d'ailleurs cette impression en commentant cette annonce gouvernementale : "L'histoire du Canada nous entoure. Toutefois, elle est rarement enseignée à l'école".

Les élèves canadiens ne bénéficient en effet que de deux années d'enseignement d'histoire-géographie en primaine (7ème et 8ème année). Avant, ils reçoivent un enseignement plus général intitulé "Etudes sociales" ; Après, dans le secondaire, l'histoire est intégrée dans un conglomérat appelé "Sciences humaines et sociales" qui rassemble de la philosophie, de la psychologique, de la sociologie, de l'anthropologie à travers l'étude d'entrées thématiques telles que "Alimentation et nutrition", "Développement humain et vie familiale", "mode et habitation", etc.

Cette approche très anglo-saxonne de l'enseignement de l'histoire ferait s'évanouir en France les mignons de Louis XIV et provoquerait une révolte chez les généraux de Napoléon qui défendent encore aujourd'hui de toutes leurs forces la mémoire de leurs héros nationaux par l'intermédiaire de livres, de jeux vidéos, de parcs à thème, d'opéra-rock, de films... mais surtout à travers les programmes scolaires qui constituent à leurs yeux un sanctuaire dont la dimension sacrée impose le respect et l'intangibilité. 

A l'inverse, au Canada, toute tentative de réécriture des programmes au profit du roman national serait interprété comme une forme d'instrumentalisation politique dénoncée par les professionnels de l'enseignement. C'est pourquoi le gouvernement limite pour l'instant son action à d'autres secteurs en insistant lourdement sur son caractère "historien" alors qu'il s'agit essentiellement d'une entreprise "mémorielle".

Entre le modèle canadien et le modèle français, il serait peut-être possible de trouver un compromis satisfaisant ?


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