Magazine Culture

Esprit d'hiver de Laura Kasischke

Par Sylvie

ETATS-UNIS

esprit d'hiver

RENTREE LITTERAIRE- Editions Christian Bourgois, parution août 2013

 

Voici en avant première ce qui devrait être l'un des grands romans étrangers de cette rentrée. De cette auteur, je vous avais déjà chroniqué Un oiseau blanc dans le blizzard et Les revenants , des récits envoûtants et ont pour thème commun la disparition et une atmosphère en même temps aseptisée et inquiétante.

 

On retrouve la même atmosphère dans ce dernier opus mais cette fois-ci, au sein d'un huis-clos mère-fille. Nous sommes le jour de Noël, le matin. Holly est toute seule dans une maison avec sa fille adoptive, Tatiana, ramenée de Sibérie treize ans plus tôt. Son mari a pris la voiture pour aller chercher ses parents. Elle doit donc préparer le repas pour ses invités. 

Mais ce matin, elle a une étrange sensation : ele sent que "quelque chose les avait suivis depuis la Russie jusque chez eux". Un malaise, une étrange sensation et des signes avants coureurs : une bosse sur le dos de son mari, une poule tuée, une tache d'humidité au plafond invincible....Une envie de paresser au lit mais aussi d'écrire ses sensations...cela fat si longtemps qu'elle n'a pas écrit de poèmes....Mais il faut préparer le repas...

 

Tatiana n'est pas comme d'habitude. Une agressivité latente, un regard froid...Et les invités qui décommandent, bloqués par le blizzard.Tout en préparant le repas, Holly se remémore l'adoption de Tatiana dans les plaines sibériennes. La jolie Tatiana que l'on surnomme Raiponce Noire de Jais.

 

Un conte de noël glaçant placé sous le signe de la neige et du blizzard : la tempête semble tout aseptiser et isoler pour rendre encore plus inquiétant le conflit entre mère et sa fille.

 

Au lieu de livrer un monologue à la première personne, Kasischke choisit une narration à la troisième personne osmnisciente pour mieux encore rendre l'atmosphère froide du récit...et sans doute aussi pour rendre un effet de vérité.

 

Nous sommes dans un univers hitchcockien où le suspense est avant tout psychologique, créé par la folie de personnages victimes de refoulements.

 

Tout le talent est dans la mise en scène, dans la création de ce décor tout de blanc et de glace, où se glissent subrepticement quelques gouttes de sang : celui du rôti de Noël ou celui d'un doigt coupé. Kashischke use aussi des métaphores organiques comme pour mieux matérialiser le malaise....

 

Un récit déroutant mené d'une main d'orfèvre, dont je vous offre une phrase des plus déroutantes...

 

"Elle avait déjà ressenti ça plus jeune, l'envie presque paniquée d'écrire à propos d'une chose qu'elle avait entraperçue, de la fixer sur la page avant qu'elle ne file à nouveau. Certaines fois, il avait failli lui soulever le coeur , ce désir d'arracher d'un coup sec cette chose d'elle et de la transposer en mots avant qu'elle ne se dissimule derrière un organe un peu bordeaux qui ressemblerait à un foie ou à des ouïes et qu'elle devrait extirper parl 'arrière, comme si elle le sortait du bout des doigts d'une carcasse de dinde.

 

...elle imagina vomir cette chose hors d'elle, comme vomir un cygne -une créature au long coup entortillé nichant dans sa gorge à elle-, s'étrangler avec ses plumes et tous les calamus décharnés. Comme elle se sentirait soulagée ensuite, allongée sur le sol de la chambre près du cygne qu'elle aurait vomi, hors d'elle, dans le monde.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Sylvie 700 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines