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Masques d’Afrique dans l’œuvre de Wifredo Lam

Publié le 16 août 2013 par Aicasc @aica_sc
Wifredo Lam une

Wifredo Lam
une " femme – cheval"

masque heaume du Baoulé

masque heaume du Baoulé

Cela a été dit et répété : après son installation à Paris,  Lam a fait la connaissance de Picasso. Cette rencontre ainsi que certains épisodes douloureux de sa vie, la perte de sa femme et de son fils, son engagement pour l’Espagne Républicaine l’ont conduit à renouveler sa pratique plastique et à se détacher d’un certain académisme.  Il a alors exploré la voie de la revalorisation de l’esthétique africaine entre 1938 et 1940. Il a même été considéré par une certaine presse comme un « élève » ou un « protégé » de Picasso (voir l’article L’énigme du Titre Madame Lumumba). Lam répondait alors : Il a été un exemple mais je n’étais pas son élève (1).

Cependant les différents entretiens de Wifredo Lam  signalent   à la fois le rôle de l’art Africain et de Pablo Picasso :

Ce qui a vraiment élargi ma peinture, c’est la présence de la poésie africaine(2)

Ce qui me permettait d’éprouver tant de sympathie pour la peinture de Picasso, c’est la présence de l’art et de l’esprit africains que j’y découvrais(3)

Wifredo Lam rapporte encore l’anecdote suivante :  

Masque de mai Mumaraï  Sepik -Papouasie

Masque de mai
Mumaraï
Sepik -Papouasie

Picasso, après m’avoir salué me conduisit dans une pièce où il gardait ses sculptures africaines. Je fus aussitôt attiré par l’une d’elle, une tête de cheval. Elle était posée sur un fauteuil. En passant à coté, Picasso fit bouger habilement le meuble et la sculpture se balança comme si elle était vivante.

Wifredo Lam Figure 1942

Wifredo Lam
Figure
1942

Toutefois, plusieurs biographes, Pierre Mabille et Fernando Ortiz, affirment que Lam a contemplé des sculptures africaines avant son séjour à Paris, à

Madrid notamment. Lam lui-même évoque certains objets qu’il aurait entrevus dans son enfance chez sa marraine, Mantonica Wilson.

Plus tard, Lam deviendra collectionneur d’art africain.

Certaines caractéristiques  esthétiques de la statuaire africaine se retrouvent dans la peinture de Lam : frontalité, géométrisation, sobriété, structuration, synthèse dès 1938.  (voir l’article L’énigme du titre Madame Lumumba)

Wifredo Lam Ogun Féraille 1944

Wifredo Lam
Ogun Féraille
1944

Et des  réminiscences de formes africaines sont également  perceptibles dans l’œuvre de Lam postérieure à cette date ; Ainsi, les critiques et les amateurs décèlent et répertorient plusieurs formes :

Masque kplékplé cérémonie Goli Gaoulé- Côte d'ivoire

Masque kplékplé
cérémonie Goli
Gaoulé- Côte d’ivoire

Un petit masque cornu ( Ogun féraille 1944 ou Le vent chaud 1948  ) rappelle le masque kplékplé du goli du Baoulé mais peut aussi évoquer le culte cubain  ñàñigo.

Un visage en demi – lune (Femme ou Danseuse de 1942 par exemple ou encore Figure 1949), semble une déclinaison probable d’un masque Sepik mais entretient  également une relation avec un rite cubain lié à la lune.

Est – ce bien le socle en forme de losange des reliquaires kota du Gabon symbolisant le corps qui inspire à  Lam son fameux rhombe, tour à tour  visage (  Femme cheval 1950, Le quimboiseur 1945 ), œil, sexe, porte, bouclier (Umbral 1950). Son origine ne serait – elle pas à rechercher aussi dans un cryptogramme anaforuana, un losange doté de diagonales avec un petit cercle dans chacun des quarts ainsi défini, motif que Lam aurait pu apercevoir dans les salles d’initiation ?    Plusieurs de ses œuvres attestent en effet son intérêt pour ces rituels. Ou – qui sait ? – dans l’œil maçonnique des Lumières inscrit dans son triangle ?

Wifredo Lam Au défaut dujour 1945

Wifredo Lam
Au défaut dujour
1945

reliquaire Kota Gabon

reliquaire Kota
Gabon

Coiffure ornementale ( détail) Sepik, Papouasie Nouvelle Guinée

Coiffure ornementale ( détail) Sepik, Papouasie
Nouvelle Guinée

Les formes hérissées des sculptures Yipwon, bassin du Sepik, Papouasie, Nouvelle Guinée ont pu inspirer à Lam la série Canaïma (1947).

Wifredo Lam La réunion II  1947

Wifredo Lam
La réunion II
1947

La femme – cheval apparaît dans l’œuvre de Wifredo Lam dès les illustrations pour Fata Morgana et renvoie à l’anecdote de la visite chez Picasso et à la sculpture posée sur une berceuse. Une étude de 1942 Mujer santada con caballo  associe un corps de cheval à une silhouette de femme. Ce sera une constante du vocabulaire plastique de Wifredo Lam que l’on peut interpréter comme une réminiscence des masques Baoulé ou Senoufo de Côte d’ivoire ou encore du cheval de Guernica  mais aussi comme une évocation du phénomène de possession des rites afro – cubains ou vaudou.

La  richesse de l’œuvre réside dans ce langage plastique original et composite, né de la fusion d’ascendances diverses. Derrière ces formes récurrentes qui deviennent familières se cachent des mythologies et des sens multiples.

Dominique Brebion

(1)   Gérard Xuriguéra, Wifredo Lam, page 9

(2)   Max –Pol Fouchet,Wifredo Lam, 1976 page 206

(3)   Max –Pol Fouchet,Wifredo Lam, 1976 page 120


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