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Reconnaître leurs droits fonciers aux pauvres : l’exemple indien

Publié le 16 août 2013 par Unmondelibre
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Lorsque l’on analyse le développement économique, peu d’exemples ont davantage d’attrait et d’impact que celui des réformes en Inde. Tout changement modeste dans un pays comptant plus de 1,2 milliards d’habitants a la capacité d’affecter le monde entier. C’est une chance de pouvoir effectuer un changement avec seulement 1 dollar.

Voilà plus de deux décennies l’Inde a commencé à libéraliser les échanges, les investissements et d’autres secteurs de son économie. Des politiques budgétaire et monétaire plus prudentes ont conduit à une inflation plus faible et le pays, qui avait l’habitude de mendier l’aide internationale, s’est transformé en une potentielle super-puissance. Il reste encore beaucoup à faire, et l’inflation est en hausse, mais la façon dont nous tournons notre regard vers l’Inde a bien changé.

L’un des principaux défis consiste à améliorer l’accès aux droits de propriété. De 2005 à 2010 la protection des droits de propriété est passée d’un indice de 7,88 à 5,49 dans la mesure compilée par l’Institut Fraser. Dans l’Indice de liberté économique préparé par la Fondation Heritage, l’Inde récolte toujours un 5 sur 10, comme il y a deux décennies.

La propriété privée est si essentielle que les auteurs de l’indice Fraser soutiennent que la liberté économique « devrait mesurer la mesure dans laquelle les biens justement acquis sont protégés et les individus sont engagés dans des transactions volontaires ». Mais la propriété ne libère sa puissance que lorsqu’elle est protégée par des titres de propriété sûrs et biens définis. C’est dans ce domaine où l’Inde doit beaucoup s’améliorer.

Le Liberty Institute, un think tank indien, en collaboration avec Action Research in Community Health (ARCH), une ONG basée à Gujarat spécialisée dans le développement rural, travaillent à l’autonomisation de millions de personnes par le biais des droits de propriété. Leur effort récent pour délivrer des titres de propriété bien définis repose sur trois piliers : une activité de terrain respectant le principe de subsidiarité (du bas vers le haut), une analyse économique de qualité et l’utilisation des nouvelles technologies. Comme ils l’indiquent dans leur matériel promotionnel, « le but de cette initiative est de cartographier les terres agricoles et communes des villageois, en collectant les coordonnées de latitude et longitude des parcelles, les informations sur leurs prétentions à la possession et sur l’usage des terres ».

Ils forment la population locale à l’utilisation des dispositifs GPS ainsi qu’à la lecture des cartes et des images satellites. L’information est utilisée pour documenter leurs revendications sur les terres, qui sont ensuite examinées lors des assemblées générales de village (les gram sabhas), et approuvées ou rejetées. Actuellement, environ 150 villages sont couverts par cette initiative. Il s’agit d’un effort pour mettre en œuvre la Loi sur les Droits de Forêt de 2006, qui, pour la première fois reconnaît les droits fonciers des communautés habitant les forêts, incluant environ 100 millions de personnes et au moins 25 millions de parcelles.

L’absence de titres de propriété clairs obstrue le système judiciaire. On estime qu’environ 80% des affaires, en particulier devant les juridictions de premier ressort dans presque chaque état, sont liés à la terre. Cet état de fait génère des opportunités pour la corruption. Si « les bonnes clôtures font les bons voisins », leur absence maximise au contraire les problèmes : plus de 10% des meurtres dans le pays sont liés à des litiges fonciers.

L’utilisation de cette technologie a déjà permis une amélioration spectaculaire dans l’approbation des revendications dans quelques villages. Barun Mitra, fondateur et dirigeant du Liberty Institute, qui a travaillé à mettre en œuvre des solutions de marché depuis près de deux décennies, semble enthousiaste comme jamais auparavant. Il évoque volontiers le cas d’Amarsingh Vasava, secrétaire du Comité des droits de Forêt du village d’Andu dans la taluka (groupe de villages) de Dediapada, un sous-district de Narmada, dans l’état du Gujarat : « Dans son village, les autorités du district avaient auparavant rejeté près de 70 demandes, sur un total de 117. Mais en soumettant ces cartes avec images satellites au cours des audiences d’appel, ils ont réussi à obtenir que 66 de ces demandes soient approuvées et aussi que la zone complète soit couverte par leurs cultures ! ».

Toutes ces familles qui ont reçu les titres de leurs terres n’auront plus à faire face au harcèlement quotidien des diverses bureaucraties. Des titres sécurisés ouvrent également les portes d’autorisations et d’assistance pour d’autres améliorations telles que le creusement de puits et le nivellement des terres. Voilà qui permettra ainsi d’aller plus loin dans l’amélioration de leur productivité et l’accroissement de leurs revenus. Somabhai Vasava du village Sagai, de la même taluka avaient une histoire similaire à raconter. Grâce à ces cartes, les villageois étaient en mesure de voir leurs 53 revendications approuvées, alors qu’elles étaient auparavant rejetées par les autorités du district. Ces taux élevés d’approbation ont suscité beaucoup d’enthousiasme dans d’autres villages voisins. Globalement, ARCH espère un taux de réussite moyen de 90%.

Grâce aux nouvelles technologies et à la libéralisation il est possible de vérifier le projet et d’identifier les villages en ligne, ou de faire un don directement ou par l’intermédiaire d’organismes de bienfaisance aux États-Unis. Barun Mitra et Anil Patel de ARCH facilitent les choses pour ceux qui souhaitent se joindre à cet effort. Ils résument leur approche libératrice : « Pour seulement 1 dollar cette terre pourrait appartenir à leur famille ; 250 dollars pourraient permettre à tout un village d’accéder à leurs droits fonciers ; 500 dollars pourraient permettre d’acheter deux instruments GPS pour arpenter village après village ».

Alex Chafuen, président de l’Atlas Network, le 16 août 2013.

Une version plus longue de cet article a paru en anglais sur Forbes.com.


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