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Emeutes de la faim - une fatalité ?

Publié le 29 avril 2008 par Claire Et Greg

Alors que nous sommes en pleine crise de la faim, les pays riches donnent “généreusement” quelques centaines de millions de dollars (à comparer aux 1200 milliards de dollars de budget militaire mondial) tout en continuant à piller les ressources et à détruire les outils de production agricole des pays pauvres. Nous vous proposons sur ce sujet, quelques pensées de Jean Ziegler, l’actuel rapporteur général sur le droit à l’alimentation auprès des Nations Unies.

Toutes les cinq secondes, un enfant de moins de dix ans meurt de faim ou de ses suites immédiates. Plus de 6 millions en 2007. Toutes les quatre minutes, quelqu’un perd la vue à cause du manque de vitamines A. Ce sont 854 millions d’êtres qui sont gravement sous-alimentés, mutilés par la faim en permanence.

Cela se passe sur une planète qui regorge de richesses. La FAO est dirigée par un homme de courage et de grande compétence, Jacques Diouf. Il constate qu’au stade du développement actuel de ses forces de production agricoles, la planète pourrait nourrir sans problème 12 milliards d’êtres humains, soit le double de l’actuelle population mondiale.

Conclusion : ce massacre quotidien par la faim n’obéit à aucune fatalité. Derrière chaque victime, il y a un assassin. L’actuel ordre du monde n’est pas seulement meurtrier. Il est aussi absurde. Le massacre a bien lieu dans une normalité glacée.

L’équation est simple : quiconque a de l’argent mange et vit. Qui n’en a pas souffre, devient invalide ou meurt. Il n’y a pas de fatalité. Quiconque meurt de faim est assassiné.

Image de Kevin Carter 1993

Le constat de Jean Ziegler est clair, nous avons la capacité de nourrir la planète. Seulement, il semblerait que “Le marché” en ait décidé autrement. On aura vu que ce marché est incapable d’assurer la sécurité alimentaire mondiale.

  • Ce n’est pas en oppressant les pays pauvres par leur dette que nous les aiderons à sortir de la crise1;
  • Ce n’est pas en spéculant sur les productions agricoles qu’on améliorera la gestion des ressources en quantité et à des prix accessibles aux plus démunis.
  • Ce n’est pas en promettant des OGM dont les résultats sont plus que douteux que la planète sera nourrie ;
  • Ce n’est pas en consacrant de plus en plus de surface cultivable aux agrocarburants dont le bilan énergétique est très controversé qu’on parviendra à endiguer la faim dans le monde ;
  • Ce n’est pas en exportant nos produits excessivement subventionnés2 qu’on aidera les pays pauvres - à qui on a demandé de supprimer toutes leurs barrières douanières - à développer leur propre production ;
  • Ce n’est pas en continuant à consommer à outrance tel qu’on le fait qu’on parviendra à limiter le réchauffement climatique dont les conséquences sont plus dramatiques encore pour l’agriculture des pays de l’hémisphère sud3.

Mais bien sûr, on pourrait avoir une vision très simpliste, très coloniale en disant que …

[…] Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles.

Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine, ni pour l’idée de progrès.

Dans cet univers où la nature commande tout, l’homme échappe à l’angoisse de l’histoire qui tenaille l’homme moderne mais l’homme reste immobile au milieu d’un ordre immuable où tout semble être écrit d’avance.

Jamais l’homme ne s’élance vers l’avenir. Jamais il ne lui vient à l’idée de sortir de la répétition pour s’inventer un destin.

Le problème de l’Afrique et permettez à un ami de l’Afrique de le dire, il est là. Le défi de l’Afrique, c’est d’entrer davantage dans l’histoire. C’est de puiser en elle l’énergie, la force, l’envie, la volonté d’écouter et d’épouser sa propre histoire. […]

(discours de Nicolas Sarkozy à l’Université de Dakar, 26 juillet 2007)

Sic et re Sic !

A propos de la photo

Il s’agit d’une photo de Kevin Carter, un photographe sud-africain de 33 ans. Cette photo fort controversée a été fprise en 1993 et lui a valu le prix Pulitzer en 1994. Nous avons découvert cette terrifiante photo dans le Monde 2 de ce week-end. Le magazine nous apprend que l’auteur de cette photo, accablé par la vision qu’il a eu de la misère, de la famine, de massacre… c’est suicidé après avoir reçu son prix. Concernant le contenu de la photo, il s’agit d’une petite fille qui se traine péniblement vers un centre d’alimentation, à proximité du village d’Ayod. Le monde 2 explique qu’après avoir pris cette photo, Kévin Carter chasse le charognard et s’éloigne, avant de s’écrouler en larmes. L’image a été publiée pour la première fois le 26 mars 1993 dans le New York Times.

Pour en savoir plus

  • Interview de Jean Ziegler sur France Inter dans l’émission de Daniel Mermet, Là-bas si j’y suis sur France Inter

  • Droit à l’alimentation, note de Jean Ziegler, rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation du Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies.

  • L’empire de la honte, Jean Ziegler, Ed. Fayard. -2005. -323p.

  • Le marché de la faim, Erwin Wagenhofer. -Ed. Acte Sud, 2007. -191 p.

  • L’agriculture biologique pour nourrir la planète

  1. L’essentiel des dettes sont détenues par les créancier du Club de Paris. Si vous voulez comprendre les mécanismes emprisonnant de la dette du tiers-monde, on vous conseille d’aller sur le site du CADTM (Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde. [↩]
  2. ”[…] chaque année, les subventions des pays du Nord à leur agriculture s’élèvent à 350 milliards de dollars […]” (J.P. Besset, Comment ne plus être progressiste sans devenir réactionnaire, Ed. Fayard, 2005 [↩]
  3. Le 4ème rapport du GIEC précise que le réchauffement climatique aura un impact sur l’agriculture et que la sécurité alimentaire sera sérieusement compromise, avec 80 à 200 millions de personnes supplémentaires confrontées à la famine d’ici 2080. Les récoltes pourraient diminuer dans certains pays africains de 50% en 2020 et même de 90% en 2100. Or, l’agriculture représente jusqu’à 70% du produit intérieur brut pour certaines nations, sans compter les revenus d’appoint pour de nombreuses familles. Les populations pauvres, même dans des sociétés prospères, sont les plus vulnérables au changement climatique, ont souligné les experts [↩]

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