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Chronique: Earl Sweatshirt – Doris

Publié le 22 août 2013 par Wtfru @romain_wtfru

folder(Columbia Records)

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Odd Future clôt sa sainte trinité. Après Tyler en 2011 et Frank Ocean l’an passé, c’est au tour d’Earl Sweatshirt de plonger dans le grand bain du premier album. Si la galaxie O.F compte d’autres fous furieux, ces trois-là restent très largement au-dessus de la mêlée. Et si « le créateur » représente l’essence même du crew et Ocean le talent le plus pur, Earl est sans doute le plus fascinant de tous. Parce que sa cruauté lyricale additionnée à son très jeune âge (né en 94…) font de lui un personnage aussi malsain qu’attachant au final.
Et son histoire récente ne fait qu’aller dans ce sens. Alors qu’il pisse du balcon sur tout le monde à tout juste 16 ans avec sa mixtape Earl encensée par les critiques, sa mère décide qu’il est trop jeune pour toutes ces conneries et l’envoie deux ans loin de toute sa bande de drogués, aux îles Samoa plus précisément. Rumeur censée alimenter la légende ou vraie histoire, on ne sait pas trop mais visiblement tout les moyens sont bons pour entretenir le buzz autour de l’enfant prodige.

Trois ans entre son entrée fracassante et la sortie de son premier album, c’est un délai qui laisse du temps pour penser et préparer au mieux ce très attendu Doris. Et de bien choisir le single qui lancera la promotion. Là dessus, il ne s’est pas trompé en publiant Chum en fin d’année 2012, titre largement relayé par la presse spécialisée qui s’est amourachée de cette production et de ce texte tristes au possible. Juste ce qu’il fallait pour redémarrer la machine. Et l’ambiance sombre et inquiétante de demeurer la base du succès du gamin.
Que l’on retrouve bien évidemment tout du long des trois quarts d’heure qui font l’album. La comparaison avec Tyler est alors inévitable. De la voix, au flow en passant par les productions (il met lui même la main à la pâte aussi), on retrouve l’ADN de son aîné et mentor. Il suffit d’écouter des titres comme Hive, 20 Waves Caps ou Centurion pour se rendre compte de l’analogie.

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Earl Sweatshirt – Chum

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Earl Sweatshirt – Hive (feat. Vince Staples & Casey Viggies)

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Toutefois, et heureusement, des différences subsistent. Ce qui permet de détacher Earl de de l’ombre du leader, c’est son côté moins fou, moins provoc’ – quoique…- et plus terre à terre qui le rend encore plus « terrifiant ». 
Et le fait qu’il laisse volontiers place dans la lumière aux autres, notamment des membres extérieurs à la troupe. On retrouve forcément Ocean, Domo Genesis, Tyler, Casey Viggies mais également des Mac Miller, RZA en feat ou The Neptunes et d’autres à la production. Ce qui permet d’aérer un peu et montre les capacités d’adaptation du gosse ainsi que sa facilité à être au niveau avec quiconque.
Il n’est pas le plus grand des rappeurs c’est une certitude, mais il a un charisme naturel couplé à un calme à tout épreuve qui suffisent à ne jamais le voir dépasser par les événements. Une sorte d’insolence comme on les aime.

Parfois cette insolence devient de l’indolence et Earl tombe dans les travers de ces surdoués qui décident de temps à autres de ne rien branler. Exemple sur la production dantesque de Pharrell et Hugo du titre Burgundy où il ne rend pas forcément hommage au boulot du duo, préférant « parler » plutôt que de se sortir les doigts. Pareil avec Mac Miller sur Guild où l’alchimie entre les deux tarés devient rapidement agaçante par cette envie de rapper à deux à l’heure toute pourrie. Mais visiblement, Earl nous emmerde et fait ce qu’il veux, comme Sunday, un morceau mielleux avec son poto Frank Ocean.

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Earl Sweatshirt – Burgundy (feat. Vince Staples)

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Et puis de l’autre côté, il est capable d’éclairs de génie formidable. Le texte d’une lucidité cruelle de Chum sus-nommé, son premier couplet sur Hive où il sort une série d’assonances d’enculé, son alchimie avec Tyler sur Whoa qui crée un cassage de nuque en règle et la merveille outro Knight. En fait, Earl est le Javier Pastore du rap. Il pue le talent mais il s’en fout de la constance, il préfère le distribuer à sa guise. C’est forcément énervant mais c’est ce qui fait également son charme dans le même temps.

Il a des lacunes (on le redit, c’est pas franchement ce qu’on peut appeler un rappeur technique…), mais on préfère se concentrer sur ses forces et voir le verre à moitié plein. Pareil pour l’album. Il a des titres fortement dispensables, quelques longueurs – dû aussi à cette ambiance morbide qui, pour quelqu’un de non suicidaire, a forcément ses limites- et pourtant on y revient parce qu’on sait qu’on va également passer un bon moment quand Earl lâche la bride.

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Earl Sweatshirt – Whoa (feat. Tyler the Creator)

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Est-ce qu’on a face à nous un épiphénomène ou un type sur qui on peut compter sur le long terme ? On serait tenté de choisir la première solution. Parce que son style et son environnement s’y prête. Parler drogues, filles, mort quand on a 20 ans, c’est facile. Aura-t-il l’envie de se parfaire ensuite avec le temps ? Rien de moins sûr. S’il la joue facile maintenant, pourquoi en serait-il autrement dans dix ans ? Mais peu importe du futur, à l’heure actuelle il joue son rôle de petit enculé plein d’humour noir à la perfection et on ne lui en demande pas plus aujourd’hui.

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3.5

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Tracklist:
1. Pre (feat. SK La' Flare) 2:53
2. Burgundy (feat. Vince Staples) 2:08
3. 20 Waves Caps (feat. Domo Genesis) 2:12
4. Sunday (feat. Frank Ocean) 3:26
5. Hive (feat. Vince Staples & Casey Viggies) 4:37
6. Chum 4:04
7. Sasquatch (feat. Tyler the Creator) 2:48
8. Centurion (feat. Vince Staples) 3:04
9. 523 1:32
10. Uncle Al 0:53
11. Guild (feat. Mac Miller) 3:54
12. Molasses (feat. RZA) 2:17)
13. Whoa (feat. Tyler the Creator) 3:16
14. Hoarse 3:52
15. Knight (feat. Domo Genesis) 3:14

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