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Russie : retour vers le passé ?

Publié le 26 août 2013 par Edelit @TransacEDHEC

Le gouvernement de Vladimir Poutine s’efforce depuis quelques mois d’améliorer l’image des ouvriers. Mais fait étonnant, les mesures proposées par le Kremlin ressemblent à s’y méprendre à celles prônées par les dirigeants communistes sous l’ère soviétique.

Vivre ou plutôt survivre

La plupart des ouvriers vivent aujourd’hui dans une situation délicate. Depuis le déclenchement de la crise économique en 2007, et son apogée en Russie début 2009, la situation est clairement devenue critique. En effet, certains patrons n’ont pas hésité à ne plus payer leurs salariés pendant plusieurs mois. Certains ouvriers ont même osé, fait rarissime en Russie, manifester pour réclamer leur argent. Ainsi en 2009 suite à une vague de manifestations, Vladimir Poutine, alors premier ministre, a dû obliger l’entreprise Basel Cement à verser les salaires dus, dont la somme avoisinait le million d’euros. Aujourd’hui, les turbulences économiques menacent de provoquer de nouvelles vagues de licenciements. Cependant, les ouvriers en sont conscients et la plupart tentent d’assurer leurs arrières comme sous l’ère soviétique. Nombreux sont ceux qui possèdent un lopin de terre en dehors des villes où ils cultivent leurs propres légumes.

Un double problème

Mais s’ils s’organisent pour survivre, les ouvriers ont perdu les avantages sociaux qu’ils possédaient lors de la période soviétique. En effet, ceux-ci pouvaient déposer leurs enfants dans des crèches collectives, pouvaient consulter des médecins ou bien étaient logés par leurs entreprises. Or ces avantages compensaient leurs bas salaires. « Je gagnais 14 000 roubles par mois, comme aujourd’hui au fait », indique Matouzova, ouvrière de 40 ans. « Nous vivions très bien avant les années 90. Même si j’étais issue d’une famille nombreuse et que mes parents ne gagnaient pas grand-chose, il existait des magasins adaptés à nos besoins. Nous avions tellement de nourriture que nous la partagions avec nos proches ». Mais aujourd’hui l’économie de marché semble incapable d’augmenter leurs revenus. Ces derniers n’ont généralement pas rattrapé leurs équivalents européens. Un autre facteur accentue le malaise social russe actuel : un fossé se creuse entre les différentes professions ouvrières. « Les ouvriers gagnent très bien leur vie dans certains domaines, tels que la métallurgie ou les ressources naturelles par exemple, avec des salaires pouvant aller jusqu’à 60 000 roubles (1 507 euros) par mois », explique Piotr Bizioukov, sociologue au Centre pour le droit social et le travail. « Mais ils ne représentent qu’une infime minorité. La plupart des ouvriers se trouvent dans une situation de dépendance ». De quoi en scandaliser plus d’un.

Comment remotiver les troupes ?

En redorant le blason des ouvriers bien sûr. Le gouvernement s’efforce à nouveau de renforcer le prestige de l’ouvrier via des initiatives publiques comme sous l’ère communiste. Igor Kholmanskikh, ouvrier d’une usine de chars devenu représentant de l’Etat, a proposé en décembre de réintroduire le titre de « héros du travail », récompense de l’ère soviétique qui n’était pas juste honorifique : elle offrait aussi un tas d’avantages sociaux. Le secrétaire de la Fédération des syndicats indépendants de Russie, Alexander Cherchoukov, a également récemment déclaré que le Kremlin est obligé de jouer un rôle plus important que ses homologues européens dans la protection des travailleurs à cause des spécificités sociales et historiques russes. C’est pourquoi l’âge du départ à la retraite des ouvriers n’a toujours pas été reculé malgré les difficultés économiques actuelles. L’idée de renforcer le soutien économique aux familles d’ouvriers ne séduit pas les Russes : nombreux sont ceux qui estiment que cela accentuerait leur dépendance vis-à-vis de l’Etat. Alors qu’au contraire, les récompenses honorifiques à la mode soviétique sont perçues comme des éléments de motivation puissants. Le Kremlin semble se tourner, une fois de plus, vers son passé pour mieux affronter son avenir…

AV


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