Magazine France

Retraites: les braillards et ... Moscovici

Publié le 30 août 2013 par Juan
On ne compte plus les commentaires anticipés sur cette énième réforme des retraites, dont les premiers contours ont finalement été dévoilés mardi soir. Quarante-huit heures après le premier "choc", la poussière est loin d'être retombée.
Refaire le film
Lundi, François Hollande avait promis de revaloriser les retraites des agriculteurs jusqu'à 75% du SMIC d'ici la fin du quinquennat. Même cela, Sarkozy l'avait oublié... Lundi 26 et mardi 27 août, Jean-Marc Ayrault avait reçu les "partenaires sociaux". Le CFDT était "ravie" de ce qu'elle n'avait pas entendu (aucun relèvement de la durée de cotisation avant 2020, aucune baisse des pensions). Elle suggéra la comptabilisation d'une année de retraite par tranches de 10 ans de pénibilité professionnelle. Rappelons qu'un ouvrier a 7 années d'espérance de vie de moins qu'un cadre. La CGT fut déçue, elle contestait même le principe de cette réforme. Le MEDEF fut heureux d'une "ouverture", la proposition d'augmenter la CSG contre une baisse des cotisations familiales. 
Mardi soir, donc, la messe commençait à être dite. Ayrault dévoile quelques heures après une intervention télévisée de François Hollande sur la politique étrangère et notamment la crise syrienne, des contours assez précis de la future réforme. Le texte sera présenté le 18 septembre en conseil des ministres. Il y aura ensuite d'autres textes, plus complets, débattus en commissions parlementaires, puis en séance plénière.
Ecouter les critiques
Depuis mardi soir, les critiques ont été nombreuses et discordantes. Les plus rapides furent les moins audibles.
Il y avait ceux pour qui la messe avait été dite depuis longtemps. A droite, quelques sarko-fans ne supportaient plus qu'on accuse leur ancien mentor d'avoir menti sur le caractère définitif de sa propre réforme. Ils sur-jouèrent avec hargne leur rôle d'opposants critiques, oubliant pourtant l'essentiel. Brice Hortefeux, jeudi matin sur Europe 1, fustige la "lâcheté". L'homme a conservé le vocabulaire insultant des grands moments de Sarkofrance.
Le Figaro, jeudi matin, relaye l'argument principal, avec trois économistes, dont deux experts en placements boursiers (sic!): cette réforme n'en serait pas une. L'un d'entre eux, s'étrangle contre la prétendue injustice d'avoir épargné les régimes spéciaux, qui "ne sont toujours pas alignés sur le régime général." Ces gens-là réclament-ils aux mineurs, par ailleurs licenciés en masse, de travailler 43 ans ? Au passage, on s'étonne, on s'agace, on s'amuse: Nicolas Sarkozy n'avait-il pas supprimé les régimes spéciaux dès l'automne 2007 ?
La critique, comme souvent, est globale et sans détail, discordante et amnésique.
A gauche, certains aussi avaient enterré la réforme avant de la lire. Cette réaction prévisible les empêchaient de comprendre les avancées du texte. Car, à la relecture, la véritable différence entre les réformes Sarkozy et Ayrault portait sur le volet des contreparties: comme nous l'avons détaillé jeudi dans ces colonnes, la réforme Sarkozy en avait deux: (1) moins de 20% de l'effort sur une hausse des prélèvements sociaux et fiscaux des revenus des plus aisés, et du capital ; (2) des avancées symboliques et/ou iniques: la retraite à 60 ans pour les handicapés du travail; une promesse de sanction plus forte pour les entreprises sans accord d'équité salariale hommes/femmes; un pécule pour 5.000 étudiants.  La réforme Ayrault "promet" largement plus: un gros tiers de l'effort est re-basculé en "avantages" (compte pénibilité, comptabilisation des maternités, études, etc); et les entreprises assumeront 20% du financement via le compte pénibilité. 
Ceci n'empêche nullement d'autres critiques (dont votre serviteur) de clamer que le compte n'y est pas (notamment en matière de rééquilibrage des prélèvements) ; et que cette réforme commet la grave heure de réclamer une durée de cotisations plus allongée encore alors même que (1) les déséquilibres financiers sont à court terme, et (2) la promesse d'une carrière pleine et sans heurt est un vœu largement pieux depuis trois décennies déjà.
Le show Mosco
Jeudi, le ministre de l'économie s'est précipité à l'université du MEDEF. Pierre Moscovici avait une bonne nouvelle, la confirmation de l'ouverture signifiée dès mardi: "La hausse des cotisations patronales conséquente à la réforme des retraites sera intégralement compensée par une baisse des cotisations famille dès 2014 et pour l'intégralité du mandat l'augmentation des cotisations vieillesse" (1 milliard d'euros l'an prochain; 3,2 milliards en 2020).
Le matin même sur France Inter, Marisol Touraine bafouillait maladroitement que les entreprises "participaient" même si l'opération serait blanche. L'arnaque sémantique était belle. Ne pouvait-elle pas assumer sa mesure ? A l'inverse, elle fut plus convaincante en chiffrant à 1000 euros l'aide par étudiant pour qu'ils rachètent un trimestre d'études (c'est à peu près le coût quand on s'y prend jeune).
Pierre Moscovici avait une autre belle nouvelle: le CICE, dont le coût initial semble finalement surévalué, serait exclu du champ des contrôles fiscaux.
Sourires, soupirs, nausée.
Le même ministre avait, plus heureusement, validé la réintégration de l'île anglo-normande de Jersey, des Bermudes, et des Iles Vierges Britanniques à sa liste des paradis fiscaux. Mais le choc des symboles restait terrifiant.
On pouvait tomber de sa chaise.
Le vrai tabou ? Les retraités d'aujourd'hui
Il y avait un terrain que d'aucuns évoquaient peu, la belle générosité de notre système pour ses retraités... d'aujourd'hui. Quel beau tabou ! Sur le sujet, Jean-Luc Mélenchon, pourtant bavard, était silencieux. Chez les critiques du PS, même son de cloche.
A droite, pas touche à nos seniors, électorat choyé. Le vieillissement général de la population a cet effet largement constaté qu'il fait de cette catégorie une exception fiscale, sociale et économique. "Globalement", notait le Monde, "les retraités ont, en France, un niveau de vie équivalent à celui de l'ensemble de la population." Et comparés aux seuls actifs, "on note un petit décalage de niveau de vie de 9 % en défaveur des retraités."
Puisque cette réforme ne plait pas, pouvions-nous espérer en débattre d'ici le débat parlementaire ?
Et tout mettre sur la table ?


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Juan 53884 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte