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Césaire, ce grand cri nègre (7)

Par Christian Tortel

Louis-Philippe Dalembert, écrivain franco-haïtien (Libération, 18/04/08)

Son rayonnement dépasse largement les frontières de l’archipel. J’étais au Mali la semaine dernière pour des interventions dans les universités, lycées, etc… Il n’y a pas un seul endroit où on ne m’ait posé une question sur Césaire. Et la plupart de mes interlocuteurs n’étaient pas au courant de son hospitalisation. Dix jours plus tôt, au Danemark, à l’université d’Aarhus, pareil, et aussi en Italie et aux Etats-unis. Partout où j’interviens, je sais que j’aurai une question sur Césaire, le Cahier d’un retour au pays natal, le Discours sur le colonialisme et la négritude. On a voulu parfois l’enfermer dans la négritude, par mauvaise foi, soit par ignorance de son œuvre.

Dany Laferrière, écrivain canado-haïtien (Le Point, 24/04/08)

je rentre sous les draps pour être avec Césaire. Le revoir au cours de ma vie. J’ai tardé à le fréquenter. Son territoire m’étant totalement inconnu. Les Antilles (Haïti, c’est la Caraïbe plus farouche), la métropole, la colonisation, pas trop ma tasse de thé. Je n’étais intéressé qu’au sexe et à l’Amérique. De plus, j’avais l’impression que Depestre l’avait lu à ma place. On ne vivait pas, Césaire et moi, sous le même fuseau horaire. Je me sentais plus proche d’un Miller. Je trouvais, à l’époque, le « Cahier » difficile à lire. J’étais ce lecteur souverain qui ne lisait que ce qui l’intéressait. Jamais par obligation. C’est pourtant dans un autobus, sur la route Montréal-New York (en traversant les Appalaches), que j’ai véritablement flairé le « Cahier ». Voyage de nuit. Je découvrais enfin le rire sauvage de Césaire, un rire que cache mal sa colère. Colère Césaire. Céline va au bout de la nuit. Césaire, selon son fameux vers, jusqu’au bout du petit matin. Un éclair d’optimisme, donc, chez Césaire, qui aperçoit l’aube. Un optimisme toujours tempéré par une intelligence finement aiguisée. Dès 1956, au premier congrès des écrivains noirs, le jeune Baldwin avait repéré chez lui ce sens de la ruse.

J’imagine l’oeuvre de Césaire comme une solide maison avec de multiples chambres. Architecture un peu carrée mais bien ensoleillée. J’ouvre cette pièce pour découvrir ces trois hommes en tête à tête : Senghor, Césaire et Damas. Breton, debout, dans le couloir. Toute une aile pour abriter le triumvirat : colonialisme, communisme et surréalisme. Sur une dernière porte, au fond de la cour, des lettres scintillantes : « Négritude ». L’affable maître de maison. Depuis sa mort, Césaire est devenu subitement lisse, propre, sans aspérités. Un classique, quoi ! Jusqu’à la prochaine explosion.

Florent Couao-Zotti, écrivain béninois (son blog du 22/04/08)

Et des quatre-vingt quatorze ans qu’a duré cette présence sur scène, de ces longues années pendant lesquelles ses écrits se sont fait autorité, on a pleuré en le lisant, on s’est mis en colère en le commentant, on s’est révolté en l’analysant. Puis, s’est imposé le besoin de se lever, de marcher, de lever haut la tête pour transformer les pertes nées de l’histoire en un combat de vie, en un idéal d’honneur pour faire du siècle à venir, de tous les siècles, le temps du nègre debout, le temps du nègre digne, le temps de l’homme libre.


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