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Syrie : Ah, la belle colonie !

Publié le 05 septembre 2013 par Copeau @Contrepoints

Peu de Français savent qu'entre 1920 et 1945, la Syrie fut française. Retour sur quelques événements passés pour mieux comprendre le présent.

Par Guy Sorman.

Syrie : Ah, la belle colonie !

Peu de Français savent qu'entre 1920 et 1945, la Syrie fut française. Après le dépeçage de l'empire ottoman par les alliés victorieux, le Proche-Orient fut découpé au cordeau par deux diplomates français et anglais, Sykes et Picot : voici pourquoi, dans cette région, les frontières sont si droites, taillant dans les paysages et les tribus dont on ignorait alors l'existence et les conflits. L'Irak, la Transjordanie et la Palestine allèrent aux Britanniques. La Syrie et le Liban revinrent aux Français. Comme dans toutes les autres colonies, britanniques et françaises, l'armée d'occupation et les administrateurs locaux s'appuyèrent sur les minorités : Maronites au Liban, Alaouites en Syrie.

Les Alaouites, rudes montagnards – à l'instar des Kabyles en Afrique du Nord – fournirent les supplétifs de l'armée française. Ce mandat français ne fut pas paisible : il se construisit des écoles et des hôpitaux, mais les affrontements avec les Arabes sunnites furent constants et brutaux : en 1945, l'armée française bombarda Damas qui réclamait l'indépendance. Les Alaouites – à la manière des Harkis en Algérie – ne voulaient pas de cette indépendance : un certain Ali Suleyman, grand-père du Président actuel, Bachar el-Assad, sous-officier dans l'armée française, écrivit en 1936 une lettre au chef du gouvernement français, Léon Blum, pour que la Syrie reste sous mandat français. En vain. Mais Ali Suleyman y gagna le surnom de el Assad, le lion. Les "collaborateurs" alaouites, sous la direction de Hafaz el-Assad, prirent le pouvoir par les armes en 1966, soutenus par l'autre minorité – les chrétiens – et règnent depuis lors sur la majorité sunnite.

La lettre du grand-père Assad, conservée au ministère français des Affaires étrangères, a été récemment exhibée à l'ONU par le représentant français, Gérard Araud, en réponse à l'ambassadeur – alaouite – de Syrie, qui demandait à la France de ne pas s'ingérer dans les affaires intérieures syriennes.

Cet arrière-plan historique est bien connu des autorités militaires et diplomatiques françaises qui ont la mémoire longue, de même que par la bourgeoisie alaouite et chrétienne ; celle-ci comprend mal que la France ne soit pas de leur côté et fasse cause commune avec les Américains. Cette élite syrienne aurait peut-être eu l'oreille de Jacques Chirac, grand amateur d'histoire coloniale. Mais François Hollande, forcément du côté de la décolonisation, se doit d'abandonner les Alaouites à leur sort et de ne pas pardonner leur atteinte au Droit international. Hollande, en Syrie, a la mémoire courte, à bon droit.

C'est donc un peu par coïncidence que les Français et les Américains se retrouvent dans le même camp, celui de la décolonisation et du Droit international, à partir d'itinéraires distincts. De même qu'au temps de la guerre d'indépendance américaine, les Français vinrent à la rescousse des Treize colonies, par un mélange d'intérêts bien compris et de grands principes.

Il reste à persuader les opinions publiques dans les deux pays que la défense du Droit international, aussi ténu soit-il, mérite en soi une intervention sans concession.

En Syrie, le choix est entre le Droit et la Barbarie.

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