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Capitale de la douleur (c’est grave, Docteur ?)

Par Borokoff

A propos de Tirez la langue, mademoiselle d’Axelle Ropert ★★★☆☆

Paula Denis, Louise Bourgoin - Tirez la langue, mademoiselle d'Axelle Ropert - Borokoff / Blog de critique cinéma

Paula Denis, Louise Bourgoin

A Paris, Dimitri et Boris, deux frères médecins célibataires, habitent l’un en face de l’autre dans le quartier chinois (le XIIIème arrondissement, pour ne pas le nommer) et exercent au même cabinet. Très proches, les deux frérots n’en éprouvent pas moins un certain ennui (dégoût ?) de la vie, un désabusement et une lassitude liés à leur solitude et à l’absence de tout évènement capable de briser la routine de leur existence de vieux garçons. Un jour, Dimitri (Laurent Stocker) et Boris (Cédric Kahn) sont appelés au chevet d’une jeune diabétique. Presque instantanément, ils tombent amoureux de la maman, Judith (Louise Bourgoin)…

Laurent Stocker, Cédric Kahn - Tirez la langue, mademoiselle d'Axelle Ropert - Borokoff / Blog de critique cinéma

Ecrit par la réalisatrice elle-même, Tirez la langue, mademoiselle est une chronique parisienne douce-amère, une fable teintée d’humour et de saugrenu, mais qui capte surtout bien l’époque et l’un de ses fléaux principaux ; la solitude, qui contamine de plus en plus et en silence notre société. La solitude, compagne sourde et aveugle, maîtresse sournoise et sans pitié qui ronge le quotidien des deux médecins.

Boris, le grand brun taiseux et un brin austère est à l’opposé de son frère Dimitri, petit blond en proie à des problèmes d’alcool mais qui, derrière sa timidité, semble beaucoup plus ouvert et chaleureux, spontané et sympathique.

Louise Bourgoin, Cédric Kahn - Tirez la langue, mademoiselle d'Axelle Ropert - Borokoff / Blog de critique cinéma

Louise Bourgoin, Cédric Kahn

C’est pourtant de la même femme que Boris et Dimitri vont tomber fous amoureux : Judith. Une femme seule, elle aussi. Seule depuis que son mari l’a quitté pour aller vivre en Italie. Ces trois-là vont bientôt former un trio amoureux aussi improbable qu’impossible. Trois papillons de nuit qui chercheront à s’épargner le mal et la souffrance malgré les sentiments qu’ils nourrissent les uns pour les autres.

Dans ce triple et beau portrait de solitudes contemporaines, on retiendra l’élégante composition de Louise Bourgoin, décidément surprenante dans ses choix de films, après L’autre monde de Gilles Marchand ou encore La religieuse de Guillaume Nicloux (on lui pardonne L’amour dure trois ans de Frédéric Beigbeder), et qui confirme tout le bien que l’on pense d’elle.

Louise Bourgoin, Laurent Stocker - Tirez la langue, mademoiselle d'Axelle Ropert - Borokoff / Blog de critique cinéma

Louise Bourgoin, Laurent Stocker

Bourgoin campe ici avec conviction et profondeur une femme forte qui doit affronter seule son existence comme la maladie de sa fille. A la différence des deux frérots qui errent la nuit dans les rues de la capitale, pour tenter de noyer leur solitude et leurs angoisses, celles qui précéderont leurs affres amoureux et le sentiment d’une rivalité inconfortable mais surtout impensable entre eux, Judith est une créature qui travaille de nuit dans un bar proche de son domicile.

Autour de ce trio gravitent des personnages secondaires tout aussi déprimés ou désabusés mais qui ont gardé un certain humour, un certain sens de la dérision et du recul. C’est le cas de Charles (Serge Bozon), l’ami de Boris et Dimitri, qui souffre d’une pathologie étrange pour son âge (du moins non identifiée dans le film) et qui se manifeste par des épisodes d’incontinence brutaux et inattendus…

Louise Bourgoin - Tirez la langue, mademoiselle d'Axelle Ropert - Borokoff / Blog de critique cinéma

Louise Bourgoin

De même, l’ex-mari de Judith qui refait son apparition, ne semble pas en très grande forme physique ni psychologique.

De là à dire qu’on est là face à une galerie de gens dépressifs et malades, il y a un grand pas qu’on ne franchira pas dans ce film au contraire truffé d’incongruités (à l’image des surprises étranges et contradictoires, à la fois belles et cruelles que la vie et les rencontres nous réservent), plein aussi de sensibilité et d’attention. Axelle Ropert filme ses personnages sans misérabilisme ni commisération, mais avec compassion. Si la vie n’a pas épargné Boris, Dimitri et Judith, la réalisatrice semble nourrir pour ce trio un espoir secret, une flamme ténue et vacillante mais toujours vivante. Symbole d’une relance possible, d’un rebond optimiste pour ces trois-là.

Dans la foulée d’Une place sur la TerreTirez la langue, mademoiselle est en tout cas un film qui, à l’image des déclarations directes d’amour de ces personnages, va droit au but et au cœur. Celui de la solitude dont ces êtres semblent souffrir le plus au final…

http://www.youtube.com/watch?v=1dfzMcVlMC0

Film français d’Axelle Ropert avec Louise Bourgoin, Cédric Kahn, Laurent Stocker (01 h 42)

Scénario d’Axelle Ropert  : 

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Mise en scène : 

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Acteurs : 

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½
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Compositions de Benjamin Esdraffo : 

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