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Les pays émergents malades de nos erreurs

Publié le 11 septembre 2013 par Copeau @Contrepoints

Les difficultés actuelles des pays émergents ont une origine principale : les politiques monétaires menées par les banques centrales occidentales.

Par Jean-Yves Naudet.
Un article de l'aleps.

Les pays émergents malades de nos erreurs
Que se passe-t-il dans les pays émergents ? Le ralentissement économique y est sensible. Les investisseurs se détournent d’eux. Leurs bourses et leurs devises plongent. Certains se hâtent de conclure à l’échec du marché et aux méfaits des échanges internationaux.

Mais en fait les difficultés de ces pays ont une origine principale : les politiques monétaires menées par les banques centrales occidentales. Les politiques laxistes menées depuis des années pourraient imposer maintenant un revirement et des politiques plus restrictives, ce qui entraîne les craintes actuelles.

Les pays émergents ont tiré la croissance mondiale

Pour apprécier la situation des économies émergentes, il faut mesurer le chemin qu’ils ont parcouru. Il est loin le temps du « tiers-monde » condamné au « sous-développement ». Toutes les économies qui ont choisi le marché, la liberté économique et les échanges commerciaux ont connu un développement rapide, spectaculaire. C’est le cas des grands pays émergents, comme la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud, auxquels on ajoute habituellement la Russie, bien qu’elle vienne d’un contexte différent : les fameux BRICS. Mais c’est aussi le cas des « dragons » d’Asie du Sud-Est, Corée du Sud en tête, Taiwan, Hong Kong, Singapour ou de bien d’autres, comme l’île Maurice.

Ce sont ces pays émergents qui tirent la croissance mondiale, au moment où les pays occidentaux étaient frappés de plein fouet par la crise et, surtout en Europe, par la récession. La croissance n’est pas arrivée par hasard : elle n’a concerné que les pays qui ont su privatiser, développer les libertés économiques et surtout s’ouvrir aux échanges mondiaux. Finies les farces qui attribuaient le sous-développement au commerce, au marché et initiaient les pays pauvres à planifier et fermer les frontières ! Finies les élucubrations sur la « dégradation des termes de l’échange » et le pillage de l’Afrique, de l’Asie et de l’Amérique latine. Il y a 24 ans, les produits bruts représentaient 80% de leurs exportations, aujourd’hui c’est moins de 20% et ils sont devenus des concurrents des pays riches – on s’en plaint ! Des peuples entiers sont ainsi sortis de la misère, une large classe moyenne s’est développée, accédant à la consommation, le niveau de vie a considérablement progressé.

La croissance ralentit

Bien entendu, le processus de développement se poursuit. Mais, depuis quelque temps, des signes d’inquiétude apparaissent et il n’en faut pas plus pour que tous les ennemis de la liberté économique y voient, une nouvelle fois, la faillite du système libéral, dont ils annoncent, depuis Marx, le prochain décès.

Il est vrai que depuis peu les pays émergents donnent des signes d’inquiétude et de nervosité visibles sur les différents marchés.

La première manifestation est celle du ralentissement économique. La croissance mondiale est moins forte depuis le début de la crise ; elle devrait être en 2013 de 3,1%. Bien sûr elle reste forte dans les pays émergents, mais loin des taux antérieurs. Pour l’année 2013, selon le FMI, la Chine serait à 7,8%, loin des 10% des années fastes. L’Inde à 5,6%, le Brésil à 2,5%, le Mexique à 2,9%, l’Afrique du sud à 2%, la Russie à 2,5%. C’est mieux que la récession européenne, mais c’est indiscutablement un tassement sensible.

Dans une économie mondialisée, le ralentissement des uns se répercute sur les autres. Les uns, ce sont les pays riches, victimes d’une crise qui ne doit rien au marché mais tout aux interventions étatiques dans le domaine du crédit (subprimes) et de la monnaie (stimulus financé par des émissions de dette publique). Ce sont bien les pays hautement développés qui ont semé le désordre dans les pays émergents.

Inflation et déséquilibres monétaires et financiers

Le désordre s’est traduit principalement par l’inflation. Elle a progressé dans tous ces pays. Selon l’OCDE, l’Inde est à 10,7% de hausse des prix à la consommation, le Brésil à 6,6%, l’Afrique du sud à 5,6%, de même que l’Indonésie. La Russie est à 7,3% et si la Chine semble faire un peu exception (2,4%), c’est après une forte poussée (5,4% en 2011) qui avait entraîné une politique monétaire plus restrictive dans ce pays.

Mais d’où vient l’inflation ? Dans les pays développés, les banques centrales, avec les politiques monétaires non conventionnelles d’inondation monétaire, n’ont pas encore entraîné chez nous une forte inflation. Les liquidités mises à la disposition des banques leur ont permis de se renflouer et de redonner vigueur aux bourses, ce qui explique la hausse des cours. Mais aussi une bonne partie s’en est allée dans les pays émergents, entraînant la hausse des prix : nous avons « exporté » notre inflation. Parallèlement les monnaies « occidentales », comme le dollar ou le yen, ont été volontairement dévaluées, alors que jusqu’à présent c’était plutôt le yuan chinois et la roupie indienne qui passaient pour sous-évalués. Quand on joue avec le feu, on finit par se brûler. Il ne faut pas reprocher à ceux qui reçoivent cette drogue monétaire de la consommer.

Depuis quelques semaines, tout le monde est devenu conscient de ces désordres monétaires. La crainte, c’est maintenant celle d’un assèchement de liquidités. Le signe le plus visible est sur les marchés obligataires, où la hausse des taux d’intérêt n’a cessé de progresser : les taux dépassent les 8% en Afrique du sud ou en Inde. La crainte d’une crise obligataire est forte. De même, pour les cours des devises qui dégringolent. Il en va de même pour les bourses des pays émergents qui connaissent une baisse d’activité.

Made in France ou Made in China ?

Tout cela n’est pas arrivé par hasard. Il y a une corrélation entre ces évolutions récentes et la publication d’annonces, par la Fed, laissant entendre que le laxisme monétaire allait prendre fin.

La monnaie peut être une drogue dangereuse. Les banques centrales occidentales ont pratiqué l’inondation monétaire, droguant les pays émergents à l’argent facile ; maintenant que ces pays sont accros, les dealers annoncent que le robinet va se refermer. Faut-il s’étonner que ceux qui ont bénéficié de l’argent facile s’inquiètent de la disparition prochaine de la manne monétaire ? Les capitaux, après avoir inondé ces pays, sont en train de les fuir, comme le montre le déficit de leur balance des paiements.

Les taux d’intérêt zéro, c’était bon pour les pays émergents, qui s’en sont régalés. Maintenant ils redoutent une hausse rapide des taux.

Là-dessus, sans aucun doute, sont venues se greffer des erreurs de politique économique. En Chine, la réalité économique est toujours complexe et des difficultés considérables sont liées à la coexistence d’une économie capitaliste et d’un régime totalitaire. De son côté le gouvernement indien hésite entre protectionnisme et libre-échange.

Toutefois la responsabilité majeure incombe aux politiques monétaires des pays occidentaux. L’Occident s’est tiré une balle dans le pied, car le désordre monétaire dans les pays émergents se prolonge sans nul doute par un ralentissement économique, or c’est la croissance des pays émergents qui soutenaient puissamment celle des pays occidentaux.

Avec un cinquième des échanges mondiaux, les pays émergents représentent nos premiers débouchés et nos premiers fournisseurs. Il est ridicule de proclamer que l’Europe et les États-Unis et le Japon sont auto-suffisants et encore plus ridicule de revenir au nationalisme économique le plus rétrograde. Le « made in France » fera long feu si on ne retrouve plus dans nos consommations le « made in China ».

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