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Back in the Dayz: Jay-Z – The Blueprint [Chronique Anniversaire]

Publié le 11 septembre 2013 par Wtfru @romain_wtfru

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Le 11 septembre 2001 restera une date gravée dans toutes les mémoires pour les raisons que l’on sait. Mais pour les amoureux de musique, cette date-ci représente également une facette plus heureuse: la sortie de The Blueprint, le chef d’oeuvre de Jay-Z et l’un des meilleurs albums rap de l’Histoire. Pour l’occasion on s’offre un retour en arrière avec une chronique anniversaire.

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Outre l’aspect purement musical, les plus grands disques ont souvent une histoire particulière. Prenez le White Album des Beatles - considéré comme l’un de leurs meilleurs disques-  composé alors que le groupe explose et qui a fait la controverse après l’affaire Charles Manson. Pour The Blueprint, sixième album de la carrière de Jay-Z, il reste associé à l’une des pages les plus sombres de l’histoire moderne des Etats-Unis, les attentats du 11 septembre 2001, sa date de sortie. 
Alors, évidemment, nul doute que le disque aurait eu le même impact, même sorti un an avant ou après, mais il rajoute une dimension légendaire, la marque des grands opus. 

Pour re-contextualiser, à cette époque Jay-Z n’est pas le businessman accompli d’aujourd’hui. Anecdote, au moment de la publication de l’album, Shawn Carter est en bisbille avec la justice pour une histoire de possession d’armes à feu. Quelque chose d’impensable douze ans après. Il sort tout juste de sa trilogie des Volume (si on ne prend pas en compte son The Dynasty, plus album collectif que solo) qui l’ont installé comme l’un des pontes du rap new-yorkais aussi bien au niveau commercial que qualitatif. Mais il n’est qu’un excellent rappeur parmi d’autres dont la grosse pomme regorge. Chose qu’il va s’empresser de corriger avec The Blueprint.

Car quand on parle de cet album, la première chose qui vient à l’esprit est ce violent Takeover dans la tronche de deux autres légendes de NYC, à savoir Nas et Mobb Deep. A titre de comparaison pour les kids qui n’auraient pas connu cette glorieuse époque, ce titre c’est le Control de Kendrick Lamar, mais puissance mille. Sur un sample électrique des Doors, Hova sort le lance-flamme pour s’assoir seul sur le trône de la ville. Si Nas s’en sortira plutôt bien (mais qui peut dire que les deux évoluent dans la même catégorie aujourd’hui ?), le duo de Queensbridge ne sera plus jamais aussi clinquant après ça.

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Jay-Z – Takeover

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Les intentions de Jay-Z sont extrêmement claires sur ce disque. Il est là pour montrer la voie, il veut s’installer en messie avec ce qu’on appellera plus communément le « rap-champagne ». On est loin de l’ambiance lugubre des années 90, bien loin des revendications de la rue. Ici, l’argent coule à flot, le rap se satine à base de samples de soul qui vont révéler à la face du monde deux des futurs meilleurs producteurs: Just Blaze, déjà apparu dans l’équipe Roc-a-Fella auparavant, et un petit nouveau qui a tout à prouver, un certain Kanye West. Si The Blueprint pose définitivement Jigga dans l’Histoire du rap US et de la musique contemporaine, il lancera tout autant la carrière des deux faiseurs de sons.
Just Blaze crée un style épique sur lequel Jay-Z ne sera jamais aussi fort. U Don’t Know et son célèbre gimmick « I WILL NOT LOOSE, EVER », en est peut être l’exemple le plus criant. Il déroule, tel un hummer, sans avoir besoin d’user d’une technicité extraordinaire. Il n’est plus un MC à proprement parlé, il se transforme en une entité qui n’a plus rien à prouver, sûr de sa force et de ses convictions, le charisme faisant le reste.
Kanye, lui, impose sa marque de l’époque, à savoir les samples ultra-grillés retravaillés en fond et là encore, Hov’ et son style 4×4 excelle mieux que quiconque dans le domaine (et notamment mieux que Yeezy qui, malgré la qualité de ces deux premiers opus, souffrira toujours de la comparaison au micro avec son mentor).

On dépasse le cadre du rap ici, on est sur l’album le plus soul depuis des berges, plus même que certains disques de soul eux-mêmes! On est quelque part dans le luxe Motown d’antan (Heart of the City, Girls Girls Girls), aux côtés des plus grands artistes afro-américains. Rien de la sorte n’a jamais été sorti dans la sphère hiphop jusque là et aucune copie future n’y arrivera à la cheville. On a un condensé de tout ce que sait faire Jay-Z, des tubes (IZZO, Hola Hovito produit par Timbaland), des titres pour l’amour (Girls Girls Girls, Song Cry), des tracks marquantes (Takeover, Never Change, U Don’t Know).

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Jay-Z – U Don’t Know

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Jay-Z – Heart of the City (Ain’t No Change)

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Tant de facilité, c’est limite indécent. Mais c’est aussi une posture parfaitement réfléchie par le protagoniste. Parce que lorsqu’il faut sortir l’artillerie, Jay-Z redevient ce fabuleux rappeur qu’il est avant tout. C’est le cas pour le pluri-cité Takoeover et sur Renegade où l’arrivée d’Eminem, encore rappeur de génie à cette époque, oblige le Jigga man à un peu de tenu. Ce titre, pour le clin d’oeil, c’est les twin towers qui surplombent le reste du monde. Et surtout un super doigt d’honneur à ceux qui pensent qu’on ne peut pas être un putain de MC et faire de rap mainstream.

On a souvent reproché à Jay-Z de ne jamais donner de ligne conductrice à ses disques, privilégiant les coups d’éclat à la régularité. Cet opus sera sa meilleure réponse. Si on peut y déceler différents genres, ils sont tout liés les uns aux autres ici, tirant dans le même sens, dégageant la même ambiance fumeuse, grandiose qui se recroisent entre les productions de Blaze, West et Bink!, ce dernier qui clôt merveilleusement l’opus avec Blueprint (Momma Loves Me). Le fait de n’avoir fait confiance qu’à quelques employés maison (mis à part Eminem) au lieu d’acheter un catalogue de feats et de producteurs, c’est aussi une marque d’évolution de la part de Jay-Z qui mettait sur patte son meilleur plan: devenir un rappeur-businessman au sens des affaires aiguisées qui sait déléguer pour mieux en profiter. Il allait y perdre au fil des années sa street credibility pour mieux y gagner la reconnaissance éternelle et une place au panthéon des artistes.

Ce Blueprint est un tournant majeur de la carrière d’un homme, d’un genre musical qui allait y trouver ses nouveaux codes, ses nouveaux génies de demain. Le 11 septembre 2001 était définitivement un virage historique.

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Jay-Z – Renegade (feat. Eminem)

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Tracklist:
1. The Ruler's Back 3:50
2. Takeover 5:15
3. IZZO (H.O.V.A.) 4:01
4. Girls Girls Girls 4:35
5. Jigga That Nigga 3:24
6. U Don't Know 3:19
7. Hola' Hovito 4:33
8. Heart of the City (Ain't no Love) 3:43
9. Never Change 3:59
10. Song Cry 5:04
11. All I Need 4:29
12. Renegade (feat. Eminem) 5:38
13. Blueprint (Momma Loves Me + 2 bonus track) 12:06

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