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Quel effet ça fait de… réécouter Difool, dix ans après

Publié le 13 septembre 2013 par Wtfru @romain_wtfru

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20h55. Fred Musa, le meilleur pote de Booba, passe le relai entre son Planète Rap et la « radio libre » de Difool et sa bande. Nous sommes en 2013 mais l’action aurait très bien se réaliser en 2003, quand nous étions jeunes, puceaux, boutonneux et qu’écouter des histoires de cul pendant 4h le soir représentait un aussi fort stimulant que le film du dimanche sur M6 en seconde partie de soirée. 
Oui, ce soir on regarde dans le rétro et on s’offre un rajeunissement de dix ans en réécoutant l’émission phare de la tranche 21h-00h depuis plus d’une décennie. Car quoiqu’on puisse en penser avec du recul, il faut reconnaître que David Massard (le vrai nom de Difool) est le psy pour ados le plus connu du pays et maitrise son sujet sur le bout des doigts depuis une vingtaine d’années. Que ce soit à l’époque de Fun Radio avec Doc’ au débuts des 90′s ou sur Skyrock depuis maintenant seize ans (!), le stéphanois demeure le leader absolu en la matière.

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On ne change pas une équipe qui gagne
Il ne faut pas plus d’une minute pour retrouver ses marques et pour cause, l’équipe n’a pas changé d’un iota. Dix ans plus tard, Difool est toujours entouré de Romano, la Marie, Cédric le Belge, Momo le parisien et Sami le marseillais. Seul Karim a rejoint l’équipe depuis (avec visiblement une tendance à la blague moisie).
Et les situations n’ont pas bougé d’un poil de fion: Romano le crevard pervers, Marie la voix féminine toujours prompte à parler de cul, Cédric le punchingball en clash contre le bourguignon chauve. Les mecs tiennent le rôle de composition de leur vie et on ne sait pas si on doit applaudir leur abnégation au fil des années ou pleurer de la tristesse de la chose. Parce que si la jeunesse se renouvelle, eux avancent dans l’âge et entendre des quadras (44 ans pour Difool) s’éclater sur des sujets pour teenage, c’est tout autant la loose que ces « vieux » qui s’habillent en émo au concert de Mylène Farmer.
Les vannes sont les mêmes (« pas de violence, peace… sur Cédric »), les fameuses voix prises par Romano ou Difool également. C’est franchement incroyable. Fonctionner sur un schéma identique cinq jours par semaine, dix mois par an depuis tant de temps, on se demande comment ils n’ont pas pu tous devenir fous ou se détester les uns les autres. Un peu comme le casting de Plus Belle la Vie – et encore, il y a des départs et des arrivées.
Pourquoi ne pas essayer de changer un peu de postulat de départ ou d’apporter de la chaire fraiche ? Un intervenant « extérieur » pour lire les messages à la place de Difool, jouer au community manager qui fait le relai entre réseaux sociaux et l’équipe par exemple.

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Les Psy 4 de la Rime avec Difool et son équipe. Deux sortes de psychiatrie.

Les Psy 4 de la Rime avec Difool et son équipe. Deux sortes de psychiatrie.

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…Ni le contenu
Dans le contenu, c’est exactement le même constat. La grande majorité des discussions tournent toujours autour du cul avec, par exemple, un quizz sur les fausses vérités du sexe. Et puis nous sommes jeudi, et jeudi c’est le problème du mois. Les auditeurs doivent choisir un sujet parmi cinq thèmes sexuels issus d’un magazine pour le traiter à l’antenne. Cette semaine c’est un jeune homme de Paris malheureux de sa situation amoureuse où ses conquêtes ne restent jamais longtemps. Et pour cause: il veut tout partager. Absolument tout. L’intimité des toilettes puisque son appartement n’a pas de portes entre les pièces et qu’il veut être présent pour la grosse commission ou même leurs ex pour avoir des relations avec. Tout un programme.
On retrouve aussi le clash de la drague le lundi où Romano et Cédric (encore eux) doivent séduire une personne au bout du fil puis le public vote pour son préféré, le top bug des phrases ratées de Romain (/Romano), le lotofoot avant une journée de championnat, Pamela/Romano qui s’amuse à appeler des pervers. Rien de nouveau en somme.
Niveau langage, on joue dans le registre soutenu, bien évidemment. On s’est amusé à chronométrer le temps entre la prise d’antenne et le premier mot sexe. Il a fallu moins de 120 secondes pour entendre « bite », suivi de près par « chatte ». Un grand classique. « Elle me pompe le chibre », « t’es un enculé », « je lui nique sa race », « Marie tu te ferais bien baiser sur du Drake ? », autant de phrases que l’on retrouve au bistrot du coin et qui colle parfaitement à l’ambiance. On cible la tranche 12-18 ans, il n’y a pas de secret.

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Un éternel recommencement
Et c’est peut être ça la clé de tout. Si les blagues, les animateurs, les situations ne changent pas, ce n’est pas le cas des générations. Si on fait la moyenne d’âge des appelants, on se cale entre 16 et 18 ans et il n’y en a pas un qui dépasse les 20 berges. Il est là le renouvellement continuel! Pas besoin d’évoluer si ta fanbase n’est jamais la même, il y en aura toujours d’autres qui viendront à toi. Parce qu’il y a eu un avant et aujourd’hui il y a un après nous, et oui. Il suffit d’écouter deux, trois auditeurs pour se rendre compte que les « problèmes » sont les mêmes d’une génération à l’autre. Exemples: « notre prof est bonne et a entendu qu’on parlait d’elle avec un collègue », « mon pote n’a pas voulu me prêter son jeu alors j’ai dis à sa meuf qu’il l’avait trompé », « j’ai un pote relou qui critique tout le monde », « mes parents sont déjà convoqués dans mon école ». Du menu fretin pour Difool & co qui en ont vu des milliards comme ça en vingt ans.
Alors on retourne sur la première interrogation: qu’est-ce qui peut bien motiver l’équipe à continuer à résoudre des tracas du quotidien d’adolescents ? On peut toujours répondre que chaque cas est différent, que ces problèmes arrivent de plus en plus jeunes, qu’il y a une manière sociologique de les appréhender qui évolue, qu’un psy aussi voit les mêmes choses ou presque pendant toute sa carrière professionnelle.

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C’est peut être ce dernier point le plus intéressant. Difool et les autres animateurs sont gracieusement payés au fil que l’émission perdure et cartonne avec plus d’un millions d’auditeurs chaque soir et une place de n°1 sur la tranche horaire 21h-00h (qui avait été remis en cause par Cauet sur NRJ ces derniers temps). Pourquoi changer alors ?
Ils se sont habitués à ce rôle de psy pour jeunes, de vieux tonton cool mais forcément balourd. C’est un métier à plein temps, qui demande un certain sacrifice horaire (avec la Matinale en plus) mais effectué à la rigolade par une bande atteinte du syndrome de Peter Pan. De vieux ados qui refusent de grandir qui répondent à de vrais ados, il est peut être là le succès de l’émission depuis toutes ces années.

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