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Publié le 01 mai 2008 par Untel
J’annonçais hier à un pote que j’étais sur le point de terminer la lecture du bouquin, et quand il me demandait si ça me semblait toujours aussi bien que les précédentes fois où on en avait parlé, je lui répondais que oui, mais que je craignais que ça finisse, comment dire, en queue de poisson. J’aurais pu ajouter que je n’en voyais pas la fin, qu’il n’y en a sûrement pas, ou répéter que de toute façon, on s’en fout de la fin, ce qui n’est pas tout à fait vrai car quand même, le goût qui te reste dans la bouche une fois le bouquin fermé filtre aussi les sensations que tu avais reçues jusque là. Et il s’agit bien de goût, et de ce qui reste. Car si moi la lecture m’a demandé des semaines, à force de mettre bouts à bouts des moments éparses de lecture, son écriture a pris des années, alors il est logique que le moment de terminer le livre soit aussi celui de se poser la question de ce qui va en rester, de l’héritage que va léguer l’auteur au lecteur. On aimerait être digne de ce genre d’héritage, et on s’imagine qu’il faudrait, pour ça, connaître en détail l’œuvre, prendre pour la lire le temps qu’il a mis pour l’écrire, et non se contenter de seulement passer d’un mot à l’autre en attendant la fin. Est-ce qu’on peut voir, depuis le point de vue de la dernière page, une fois lue, dans ce formidable amoncellement de mots, forts et quotidiens, de gestes, de décors et de réflexions, quelque chose comme une farce ? Le narrateur, souvent, ne laisse pas ses personnages se prendre trop au sérieux. Dans la première partie par exemple, le plus souvent les histoires que racontent les personnages (qui racontent leur vie) sont racontées de façon indirecte, par le narrateur, qui bride ironiquement les élans et les tentations lyriques du conteur. C’est un trait de pas mal de grands, d’insister sur la nécessité, de parler parle de l’essentiel, du fondamental, du tragique, du sanglant du douloureux, mais de chercher à ne pas le faire trop sérieusement parce que de toute façon on est au final bien incapable de dire quoi que ce soit de décisif ou définitif à ces questions mystérieuses et de toute façon manifestement absurdes, à moins de consentir à s’abandonner à la platitude, c’est pour ça qu’il vaut mieux encore faire un pied de nez à tout cette gravité, ou un bras d’honneur j’en sais rien, bref tout sauf avoir l’air d’un professeur de philosophie (comme on s’imagine parfois les vieux professeurs de philosophie bien à l’abri de l’air ambiant dans leur système bien clos en bois dur). Le roman évoque plusieurs types de littérature, le premier est l’objet universitaire, qui n’est pas l’œuvre écrite, qui n’est pas non plus celle du lecteur à qui on s’adresse. Quatre pauvres types, trouvent à regonfler leur amour propre dans la production de théories littéraires, trouvent dans l’exercice du commentaire le moyen d’exister, et surtout d’effacer leurs tares, leur vie concrète, sexuelle, les conditions véritables de leur survie. Ils dressent donc, au début, entre eux et le monde un voile de mots et de conceptions, qu’ils devront abandonner, ou qu’ils laisseront naturellement tomber, quand reprendront le dessus leurs pulsions, leur besoin d’exister autrement, avec leur corps, de vivre un peu plus. Il y a aussi les littérateurs professionnels, à la recherche de sujets pour faire un succès, mais c’est aussi à leur vie, à leur survie, que B. s’intéresse, pas à leurs œuvres, pas plus qu’on ne sait en quoi consistent les théories littéraires des universitaires pédants qu’on a, pendant un certain temps, juste envie de gifler comme on a souvent envie de se frapper soi-même, pas seulement histoire de se donner un coup de pied au cul pour repartir de l’avant, mais plutôt pour s’envoyer bien loin de ce qui constitue notre quotidien, et ses saletés d’obligations et contraintes, car on a toujours l’impression qu’on ferait vraiment quelque chose, si on n’était plutôt obligé de faire ça. Si on nous montrait la chaîne des actions à accomplir pour faire ce qu’on veut ou ce que, finalement, on doit, et donc qu’il n’y aurait plus qu’à s’y mettre, est-ce qu’on ne mettrait pas justement en avant les obligations pour masquer notre lâcheté. Tout casser et en même temps mettre hors d’état de marche la machine à bonne conscience. Dans le roman on voit les flics se planter, et notre expérience en matière d’enquêtes policières, acquise par le visionnage d’heures de séries, téléfilms ou films policiers, sans parler des livres, nous souffle bien que là il se trompe dans sa déduction et qu’il ne résoudra pas l’affaire en s’y prenant comme ça, et le narrateur s’amuse à nous montrer les faux raisonnements et la négligence, l’indifférence et parfois le cynisme de ces flics, ou des autres, des narrateurs peut-être qui, comme les voyantes séniles à la télévision, se contentent de signaler l’existence du mal, sans s’impliquer physiquement dans le combat. On voudrait bien ce dire que les livres qui se coltinent avec la violence et la beauté servent à autre chose qu’à tromper notre ennui, qu’elles nous donnent autre chose que ça, qu’elle ne nous fasse pas seulement rire ou pleurer ou tu vois ce que je veux dire. En fait je ne sais pas ce que j’en attends. Le sentiment d’avoir fait quelque chose ?

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