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La porte du ciel

Publié le 19 septembre 2013 par Adtraviata

La porte du ciel

Quatrième de couverture :

Sous un morceau de ciel de la Louisiane s’étirent les sillons brun et blanc d’un champ de coton. Deux fillettes grandissent, l’une dans l’ombre de l’autre. On construit au milieu d’un marais une impossible église, un village oublié s’endort dans un méandre du fleuve. Tout près monte la clameur d’une guerre où les frères affrontent leurs frères sous deux bannières étoilées.

Dans ce troisième roman plus grand que nature, l’auteure Du bon usage des étoiles et des Larmes de saint Laurent offre le portrait d’une Amérique de légende qui se déchire pour mieux s’inventer. Roman labyrinthe, livre kaléidoscope, La porte du ciel nous entraîne par cent chemins entre rêve et histoire.

Ouvrir La porte du ciel, c’est tirer sur un fil d’Ariane qui nous emmènera dans un labyrinthe de couleurs et de sentiments, c’est laisser Dominique Fortier semer un tas de petits cailloux blancs qui nous aideront à trouver notre chemin à travers les plantations et les marais de Louisiane. Elle va dérouler pour vous plusieurs fils différents, qui vont se croiser, s’entrecroiser, parfois risquer de se casser au coeur d’une courtepointe qui vous contera une histoire de douleur, de guerre, de résignation, et parfois de passion.

En Louisiane, au temps de la guerre de Sécession, une guerre civile, une guerre fratricide, deux petites filles se rencontrent : une Blanche presque insouciante, Eleanor, et une Noire arrachée à sa mère esclave, Eve. Elles ne se quitteront plus et croiseront sur leur chemin un fiancé malhabile, une belle-mère autoritaire, des fouets de contremaîtres, des esclaves courbés dans les champs de coton, des soldats exaltés, des soldats brisés, un prêtre bâtisseur qui rêve de droits pour tous, des membres du Ku Klux Klan, des couseuses de courtepointes, les méandres paresseux du Mississipi…

Ce roman patchwork ne veut pas raconter tout de la vie en Louisiane pendant la Sécession des Etats du Sud, mais il raconte la vie rude, rêvée, perturbée, rongée d’ennui ou de misère de quelques personnalités presque ordinaires. Le récit de Dominique Fortier a été fortement inspiré des courtepointes cousues par les femmes noires de l’époque, des courtepointes en forme de patchworks dont les morceaux disparates sont assemblés pour former des tableaux à la fois improbables et tellement réalistes.

L’auteur (pourtant née sous des latitudes plus fraîches) a le chic pour nous faire découvrir les choses lentement mais sûrement, dans une écriture élégante qui sait aussi faire ressentir la moiteur du climat et les dangers du bayou. C’est aussi la métaphore d’un jeu d’échecs qui constate avec précision combien les rêves de liberté des uns (les pions blancs) ont eu si peu de retentissement pour les autres (les noirs, bien entendu).

Un très très beau roman que j’avais (juste un peu) laissé dormir dans ma PAL et que j’ai lu avec enchantement !

"Je suis un et je suis mille.

Si, pour les siècles des siècles en ce pays, riches et pauvres, esclaves et maîtres, hommes, femmes et enfants, s’agenouillent devant une croix une fois la semaine,c’est chaque jour du matin au soir qu’ils se prosternent devant moi, n’osant me toucher qu’avec délicatesse, du bout des doigts, avec le même respect et la même crainte que ‘ils effleuraient l’hostie consacrée, en prenant soin de ne point me souiller, de ne pas me flétrir et de ne point se blesser à mon contact.

C’est à moi que les cueilleurs doivent leurs pauvres hardes, c’est dans la douceur de mes bras innombrables qu’ils emmaillotent leurs enfants, qu’ils se protègent comme ils le peuvent du froid de la nuit, c’est encore moi qui bois leurs larmes, le sang giclant de leurs blessures comme celui qui coule entre les cuisses des femmes, et les autres liqueurs qui s’échappent de leurs corps abrutis par le travail. Au lendemain du dernier jour de leur vie, c’est moi qui les enveloppe, protégeant leur peau du bois du cercueil et de la terre grasse où ils finiront par retourner me nourrir. Je suis là depuis bien avant eux, quand cette terre était jardin sous le soleil et la caresse de la pluie, et je serai là bien après que tous auront disparu.

D’un seul de mes plants, on tire assez de fil pour faire le tour de la terre, et c’est aussi de mes fruits qu’on tisse les voiles des navires, blanches comme le dessous des ailes des albatros, et la cagoule qu’on passe au condamné, non pas, comme on pourrait le croire, pour empêcher qu’il puisse regarder dans les yeux ceux par qui elle arrive, car de tout temps il est certains égards qu’on réserve aux bourreaux.

On m’appelle Roi Coton, je suis blanc comme neige, je suis mille et je suis un.

Suivez-moi maintenant, car nul ne saurait mieux vous guider en cette terre de fous, en ce pays de marécages, moitié boue et moitié eau, mangé par le soleil. Ne craignez rien. Simplement, ayez soin de mettre vos pas dans les miens, et prenez garde aux serpents." (p. 11-12)

Dominique FORTIER, La porte du ciel, Alto, 2011

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Québec et Louisiane en un roman !


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