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« C’est l’Histoire d’un mot… » sur le pont de l’Alma

Publié le 21 septembre 2013 par Savatier

« C’est l’Histoire d’un mot… » sur le pont de l’AlmaEn juin 1855, exilé à Jersey, Victor Hugo composa un poème consacré au mot, qui prit sa place dans Les Contemplations (livre I, poème VIII) et commençait ainsi : « Car le mot, que l’on sache, est un être vivant. » Aujourd’hui, Jean-Loup Chiflet donne corps à cette affirmation dans un ouvrage érudit et savoureux, C’est l’Histoire d’un mot... (Chiflet et Cie, 160 pages, 12,95 €), qui se présente sous la forme d’un entretien. Un mot - dont on ignore la véritable identité - raconte sa vie, de sa conception à nos jours. Un mot que l’on pourrait imaginer sur le divan, en train de suivre une « analyse lexicale ».

Le principe, pour loufoque qu’il paraisse au premier abord, ne manque pas d’efficacité. Sous couvert de souvenirs, ce mot présente en effet au lecteur un vaste florilège de curiosités linguistiques qui s’étend de la syntaxe à l’orthographe, des étymologies aux aberrations, des règles aux exceptions, des palindromes aux barbarismes. Insistons sur ce point, cette confession n’engendre aucun ennui, car la méthode pédagogique de Jean-Loup Chiflet (dont plusieurs ouvrages firent l’objet de chroniques dans ces colonnes) se teinte toujours d’un humour aussi pertinent qu’impertinent. Il est vrai que la structure même de C’est l’Histoire d’un mot, invite à jouer cette carte sans modération, voire jusqu’au délire.

« C’est l’Histoire d’un mot… » sur le pont de l’Alma
Bien entendu, on pourra toujours discuter tel ou tel détail. Ainsi, lorsque le mot affirme à l’auteur : « A l’inverse, "Victuailles", "Fiançailles" et "Vivres" sont condamnés au pluriel », ce n’est pas tout à fait vrai. « Vivre », au singulier, bien que presque tombé en désuétude, désigne la nourriture, comme le rappelle La Fontaine dans Le Rat qui s’est retiré du monde : « Il fit tant, de pieds et de dents, / Qu’en peu de jours il eut au fond de l’ermitage / Le vivre et le couvert : que faut-il davantage ? » Le « vivre et le couvert » et non, comme il est de coutume de dire aujourd’hui, « le gîte et le couvert », expression redondante s’il en est, puisque « couvert » désigne ici, non pas les ustensiles de table, mais le toit.

Avouons toutefois que, face à tout l’intérêt du présent ouvrage, cette querelle relève de la futilité, sinon de la diptèrosodomie... Et puis, comment en vouloir un instant à un auteur qui fait un clin d'oeil de zouave à Coluche dans le titre de son livre, et surtout qui, évoquant le dictionnaire, a le bel esprit d’écrire : « On connaît l’histoire de mademoiselle "Pénitence", cette vieille fille très croyante mortifiée de se retrouver juste après "Pénis", membre actif, certes, mais pas de la même paroisse... » ?

Illustration : Le Zouave du pont de l'Alma lors des crues de 1910.


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