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Un livre de Philippe Cornu

Publié le 23 septembre 2013 par Joseleroy

Voici un bon livre de Philippe Cornu sur le bouddhisme:

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Quatrième :

"Le bouddhisme est l’objet de toutes sortes de malentendus : il ne serait pas une religion mais une philosophie ; la méditation se réduirait à la pleine conscience ; la compassion ne serait qu’ une velléité du coeur - et lorsque nous évoquons l'ego, nous le confondons avec celui des psychologues.

S'employant à défaire ces croyances, ce livre fait aussi la lumière sur des notions délicates comme celle du karma, interprété à tort comme une prédestination, ou celle de réincarnation, terme en fait inapproprié. Il s’interroge sur l’importance de la relation maître-disciple, sur l’éthique de la non-violence et le végétarisme. Et il s'arrête sur cette question essentielle : le bouddhisme est-il réductible à un outil de développement personnel ? Quel bonheur vise-t-il au juste ? Car tel est l'enjeu : le bouddhisme ne court-il pas le risque d’être victime d’une instrumentalisation ? Sait-on encore en Occident ce qu’implique l’engagement dans une quête spirituelle ? En d’autres termes : comment transmettre au monde contemporain la sagesse libératrice du Bouddha sans la diluer, la déformer ou la figer ?

À travers une série de questions remettant en cause lieux communs et a priori, cet ouvrage passionnant propose une lecture éclairée et éclairante du bouddhisme afin d’en restaurer la force et d’en affiner la connaissance.


Philippe Cornu, l’un des spécialistes universitaires du bouddhisme les plus reconnus en France, est professeur à l’UCL (Belgique). Il est notamment l’auteur de La Terre du Bouddha (Seuil, 2004), du Dictionnaire encyclopédique du Bouddhisme (Seuil, 2006), et de plusieurs traductions du tibétain dont celle du Livre des morts tibétain (Buchet-Chastel, 2009)"

extrait :

"Si nous sommes déjà dés bouddhas, pourquoi faut-il pratiquer?

Le Mahâyâna et le Vajrayâna affirment que tous les êtres ont en eux la nature de bouddha (tathâgatagarbha). C'est-à-dire que depuis toujours ils ont en eux cette nature éveillée et inconditionnée. N'étant pas conditionnée, leur nature ultime est pure, et rien dans nos agissements ou nos pra­tiques ne saurait la dégrader ni l'améliorer. Pourtant, si les enseignements nous disent qu'au fond de nous-mêmes nous sommes des bouddhas déjà parfaits, notre quotidien montre sans mal que nous n'avons rien d'un Éveillé libéré de la souffrance !

Pourquoi en est-il ainsi ? Parce que notre nature ultime ou nature de bouddha nous est occultée par la masse de nos tendances habituelles et par deux voiles, celui des émotions et celui de l'ignorance. À cause de cela, nous n'avons pu jusqu'à présent nous identifier qu'à un soi illusoire et lui porter crédit. Cette cohabitation de l'ignorance et de la sagesse en notre esprit fait qu'en pratique nous n'avons jamais pu exprimer notre nature éveillée. Ainsi conçu, le cheminement spirituel se présente comme le dévoilement de notre nature profonde au prix de l'abandon de toutes nos anciennes structures et tendances égotiques. L'Éveil n'est pas quelque chose de nouveau à construire, il n'est pas un but à atteindre dans un avenir hypothétique mais un trésor caché en nous que nous n'avons jamais pu découvrir jusqu'à présent. Il n'y a rien à édifier pour vivre cette nature éveillée qui ne résulte d'aucun activisme spirituel. On ne peut donc aborder la voie vers l'Éveil comme on aborde la vie, avec des espoirs, des craintes ou des stratégies sécuri­santes. Toute tentative en ce sens reviendrait à consolider l'illusion d'un ego conquérant et à bloquer l'accès à notre vraie nature. Le but spirituel n'est pas lointain, il est déjà là, en nous depuis toujours. C'est le projet même d'Éveil qui est suspect. Faut-il alors stopper tout pratique, s'asseoir tranquillement et attendre que l'Éveil se produise tout seul ? Cette attente serait une passivité sans vertu.

Telle est l'apparente aporie. D'un côté, s'activer pour progresser sur la voie paraît voué à l'échec. De l'autre, il faudrait ne rien faire, mais alors rien ne se passe. Dans un cas comme dans l'autre, on ne peut que prolonger l'illusion d'un soi tantôt affairé tantôt passif. Comment dès lors envi­sager le cheminement spirituel?

Cette apparente contradiction est liée à la confusion entre deux perspectives. Du point de vue de la nature éveillée, celle-ci est en nous depuis toujours, inconditionnée et donc au-delà du temps. Les textes nous disent que cette nature de bouddha, primordialement pure et parfaite, ne peut être ni améliorée par une quelconque pratique vertueuse ni dégra­dée par nos actes négatifs. Rien ne la perturbe. Elle n'est ni nouvellement apparue ni sujette à évolution : elle est ce qui en nous est primordialement éveillé, la sagesse née d'elle-même. Mais du point de vue du pratiquant, cette nature est pour le moment inaccessible parce que recouverte par les productions de l'esprit ordinaire entièrement captivé par les objets des sens et la préoccupation de soi. Elle n'est donc pas manifeste et tout se passe comme si elle n'existait pas. S'il veut favoriser son émergence et sa pleine mani­festation, le pratiquant doit donc suivre un enseignement et en appliquer les méthodes. Tout véhicule comporte trois volets : la Base, la Voie et le Fruit. La Base est le potentiel, qui doit être actualisé en Fruit au moyen de la Voie. Ici, la Base à actualiser est la nature ultime de l'esprit. La Voie consiste, dans l'optique du Chan/Zen comme dans celle du Vajrayâna et du Dzogchen, à reconnaître la Vue, c'est-à-dire à découvrir directement en soi cette nature, puis à stabiliser la Vue grâce à la méditation. «Stabiliser» l'état naturel ne concerne évidemment pas la nature elle-même, laquelle est immuable, mais le pratiquant, qui n'est pas stable au regard de sa nature. A tout moment les distractions l'en éloignent et seul l'exercice de l'attention lui permet de la retrouver. En veillant à y revenir et à s'y maintenir, il finira par y demeurer sans effort. Simple en apparence, cette pratique exige beaucoup de persévérance de la part du méditant. Il n'est pas facile de ne plus être distrait de sa vraie nature, car depuis des temps immémoriaux, notre esprit est entière­ment tourné vers le monde extérieur et non vers sa source, la nature éveillée. Pour renverser cette habitude, il faut, après s'être assuré d'avoir reconnu cette nature, appliquer à tout moment une attention et une vigilance telles que ni les objets des sens ni les pensées ni les émotions ne nous en éloignent.

Quand il retrouve cet état, le méditant ne doit plus rien modifier ni corriger, car toute activité volontaire l'en ferait sortir. Le Fruit, l'Éveil, est atteint quand la Base est plei­nement actualisée : alors seulement on peut parler de non-méditation, de détente sans effort, d'état inaltéré et sans artifices...


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