J’ai fait comme elle a dit par Pascal Thiriet

Au départ il y a eu elle, Saha, qui s’est imposée. Venue au monde, à notre monde, dans un sampan surchargé, Moise, au moins, avait eu un panier pour lui tout seul. Ses origines elle les porte sur sa figure, elle est asiatique, c’est vague, asiatique, c’est juste la moitié de l’humanité et au moins dix cultures et cent langues. Donc elle est tout ça. Pour compenser elle se retrouve bio clef. C’est-à-dire qu’une dizaine de ses paramètres biologiques ont été enregistrés et constituent la clef d’un coffre qui enferme un secret scientifique à faire exploser Wall Street. Dans ce rôle elle n’est pas vague du tout, elle est même tout ce qu’il y a d’unique. Elle a un but dans la vie : la retraite à trente ans avec beaucoup d’argent.

Pour pas qu’elle soit seule il y a eu lui. Pierre son ami d’enfance et chevalier servant. Il est genre bronzé arabe ou corse. Enfin un truc comme ça. Comme sa mère se prostitue, il est fils de pute aussi. Pas honteux mais pas fier non plus. La seule chose qui ressemble un peu à quelque chose dans sa vie à lui c’est elle.

Ces deux-là, comme ils m’étaient sympathiques, je les ai fait voyager en Europe. En Suisse, en Allemagne, en Belgique et en Italie. Je les ai fait voyager au sol. Pas le droit de prendre l’avion à cause des traces. Une Europe pleine de fuyards sans-papier, une Europe presque vide d’Etats et de Polices, une Europe pleine de Banquiers et d’Assureurs, l’Europe des Euros, la nôtre en somme. Je les ai fait voyager parmi les miséreux et les puissants. Je les ai fait dériver dans l’absurdité de ce monde des marchés et des marchands.
A la fin j’avais ce livre et d’autres.