Masculin/masculin. L'homme nu dans l'Art de 1800 à nos jours, exposition au Musée d'Orsay

28 septembre 2013

Après « Désirs et volupté à l’époque victorienne » actuellement à l'affiche du musée Jacquemart-André, voici en vis-à-vis la nouvelle exposition qui fait débat au musée d'Orsay (et qui suit "Nackte Männer" du Leopold Museum de Vienne).

Encore une fois, celle-ci a eu droit le 26 septembre à une critique assassine de Philippe Dagen dans Le Monde. Bien évidemment, ce battage procure une publicité d'enfer à cette rétrospective de la représentation du corps de l'homme dans toute sa vérité, une mise en valeur médiatique qui ne mérite à mon sens ni cet excès d'honneur, ni cette indignité.

Comme lors de la polémique initiée par ce même journaliste au sujet de l'exposition « L'Impressionnisme et la Mode», je ne suis pas du tout en accord avec son interprétation hargneuse de la nouvelle exposition du musée d'Orsay.

L'homme objet du désir, la tentation du mâle, voici un panorama de la nudité masculine qui va du nu académique d’après modèle vivant au culte du héros, même torturé (Prométhée, Saint Sébastien, le Christ) ou déchu : rien de très choquant dans tout ça, à part sans doute (et le secteur concerné est signalé par un panneau destiné à écarter les âmes sensibles) quelques oeuvres de Jean Cocteau ou Paul Cadmus (Le bain – 1951), les autoportraits d'Egon Schiele ou les grands tableaux de Lucian Freud. Mais c'est du déjà vu, tout ça ...

La valeur ajoutée de l'exposition réside dans la juxtaposition des œuvres classées par thèmes, à travers le temps. Exemple : L'académie d'homme de Jacques Louis David (1780) à côté de l'Achille de Pierre et Gilles.

Ce sont d'ailleurs ces deux artistes qui sont particulièrement mis en valeur puisque présentant un nombre d'œuvres significatif. Des photographies kitschissimes minutieusement recomposées et pleines d'humour, présentant de jeunes éphèbes super-bien bâtis. Le « Vive la France », avec son cadre tout en paillettes bleu-blanc-rouge attire naturellement le sourire. Mais j'ai surtout apprécié le triptyque évoquant le mythe de Jupiter transformé en aigle séduisant le beau Ganymède, dont on retrouve le rappel dans le tableau classique d'Eustache Le Sueur qui date, lui, de 1644.

Une approche muséale pédagogique, qui montre les courants et les tabous, les obsessions aussi. Progressivement, le visiteur entre dans le domaine de l'émotion, sans doute plus sensible chez les hommes que chez les femmes. Je l'avoue, je me sens plus profondément émue à la vue d'un torse musclé – avec les « tablettes de chocolat » - qu'à celle d'un pénis humain. Mais cela n'est sans doute pas le cas de certains visiteurs, souvent en couples, que l'on ne peut pas ne pas remarquer. Et après tout, on nous a montré si complaisamment des nudités féminines que j'apprécie cette mise à nu comme une sorte de revanche.

Ce que je retiendrai de cette visite – qui demande environ 1 heure et demie – c'est la beauté agressive de la sculpture d'Arno Breker (1939) intitulée « La vie active », à apprécier en dehors de toute connotation politique, la représentation hyperréaliste, à taille mystérieusement rétrécie de son Père mort par Ron Mueck (1996), ainsi que « Les tireurs à l’arc » de George Desvallière, surréaliste et oublié .... Et la contradiction apparente de la beauté formelle, hors du temps, comme l'Etude de nu d'Hippolyte Flandrin avec le sujet complètement « pompier » d'Alexandre Cabanel avec son Ange déchu.

Mais c'est une mise en abîme très intéressante pour comprendre le côté parfois sombre de l'Art, de la Mode et de ses amateurs....

Un dernier clin d’œil : parmi les sponsors de l’exposition : Francesco Smalto, Harley-Davidson et … Slendertone !

Masculin/masculin. L'homme nu dans l'Art de 1800 à nos jours, exposition au Musée d'Orsay jusqu'au 2 janvier, à partir de 9h 30 - 12€