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Le Grand Alibi de Pascal Bonitzer

Publié le 03 mai 2008 par Ariane_

Le Grand Alibi, BonitzerMais où est-il ? Après le film, on s’interroge encore. L’amour ? L’un des personnages ? Peut-être. Mais le film n’est pas à la hauteur de l’annonce du titre.
Pascal Bonitzer, en adaptant Le Vallon d’Agatha Christie, fait des choix très marqués : Hercule Poirot plus ou moins éjecté, remplacé par un flic sans vrai charisme, et presque tout à fait absent du film.
L’Angleterre du passé s’efface au profit de Paris, et la jeune fille du film, sans doute dans la recherche -ratée- d’une fougue à inoculer au film, khâgneuse et sans vraie autre caractéristique, accumule les

gros mots. Pour actualiser l'un des romans de la dame du suspense, on pouvait trouver mieux…
Le film ne fait pas peur, pas plus qu’il n’arrive à installer un vrai suspense. Pire encore, aucun des personnages n’est vraiment attachant : un alcoolique fini, un coureur de jupon incarné par Lambert Wilson, une italienne très caricaturale, etc. L’absence de huis clos, qui est peut être, à l’origine, un choix d’Agatha Christie, passe mal dans le film : l’intrigue est diluée (qui a tué Pierre, le chouchou de ces dames?), les personnages manquent de soupçons les uns envers les autres, dans un enchainement de scènes décousues puisqu’il faut suivre chacun, et en quittant toujours le personnage précédent, rendre impossible une quelconque identification avec l’un des protagonistes.
La distance, c’était peut-être ce que Pascal Bonitzer cherchait, mais en tenant compte du livre, le choix est bien étrange : Agatha Christie disait s’être penchée sur la psychologie des personnages, leur intériorité, davantage que sur le meurtre lui-même. Difficulté d’adaptation, que de transcrire un état d’esprit, des émotions. Alors les personnages passent leur temps à qualifier les autres : celle-ci n’est pas dans son assiette, cet autre devrait arrêter de boire, etc.
On se lasse, on s’ennuie, pour en arriver à un dénouement relativement kitsch, où le dévoilement des faits laisse la place à un revenant, ainsi qu’à une poursuite pleine de suspense et bien filmée. On en oublie un peu le long début du film qui retardait sans cesse le meurtre, et la scène du meurtre elle-même, relativement courte et emmêlée. Une enquête active du spectateur est bien improbable tant, d’ailleurs, qui a tué ce coureur de jupon importe peu.
Le meilleur du film s’incarne chez deux personnages féminins : Eliane, la propriétaire du domaine, jouée par Miou-Miou, machine à phrases qui vont jusqu’à l’absurde, sans cesse rabrouée par son mari et sa fille, maniant le langage sans trop se rendre compte de sa portée (ses week end se passaient relativement bien avant, explique-t-elle, car, au moins, il n’y avait pas de meurtres… Ce soir, on ne mangera pas le canard, quand même, après ce qu’il vient de se passer !).
Le deuxième personnage finement dessiné, jamais caricatural, et magistralement interprété par Valéria Bruni Tedeschi, est Esther, une sculptrice amoureuse de Pierre, qu’elle sait pourtant marié, dont elle connaît la femme, et pour laquelle elle cultive une jalousie aussi grande qu’une étrange amitié.
Les hommes, quant à eux, ne sont bons qu’à tromper, mourir, et rester machistes, toujours envers celles qu’ils disent aimer. Ajouté au Paris moderne et au langage contemporain, le film joue à prendre le pire de chaque époque. On en arrive à regretter l’atmosphère anglaise des maisons de campagne et l’indéniable classicisme des romans d’une écrivain souvent adaptée, pas toujours comme on l’aurait souhaité.


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