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L'ouverture des grandes surfaces le dimanche est un scandale, mais il n'est pas facile de l'expliquer.

Publié le 29 septembre 2013 par Leunamme

La bataille judiciaire autour de l'ouverture le dimanche des grandes enseignes de bricolage aura au moins eu un mérite : relancer le débat autour de l'ouverture des magasins le dimanche. En effet, malgré l'interdiction par la loi, il y a de plus en plus de magasins ouverts ce jour dans toute la France, à cause du grand nombre de dérogations permises par le législateur.

Le dossier est complexe, et comme toujours la complexité est au service de ceux qui ont le plus à gagner dans cette affaire : les patrons de la grande distribution. En effet, il nous est expliqué sur tous les médias, que l'ouverture le dimanche de ces magasins créerait de l'emploi, beaucoup d'emplois même paraît-il, ce qui en ces temps de chômage massif n'est pas à négliger. Mieux, le travail le dimanche améliorerait le pouvoir d'achat des salariés, lesquels seraient volontaires pour travailler le dimanche. Quant aux consommateurs, si on en juge par l'importante fréquentation des centres commerciaux le dimanche, ils y trouveraient leur compte. Bref, tout est fait pour que vous compreniez que l'ouverture dominicale est une excellente chose et que la loi est scandaleuse et donc par conséquent, qu'il faut la changer, voire la supprimer.

Pourtant, la vérité est toute autre, et ce qui est présenté comme une nécessaire adaptation au monde moderne, voire comme un progrès, n'est en fait qu'une nouvelle régression sociale, une nouvelle atteinte au droit du travail. Une attaque d'autant plus perverse qu'elle se fait avec la complicité involontaire des salariés les plus fragiles qui ont besoin de ces heures travaillées le dimanche pour vivre.

Reprenons donc les arguments les uns après les autres.

Ainsi, ouvrir les magasins le dimanche créerait des emplois. Jusqu'à 100 000 ai-je entendu. Certes, mais où ? Ce que personne ne dit, c'est qu'à chaque fois qu'une grande surface ouvre ses portes, ce sont des dizaines de magasins de proximité qui ferment. Dans le cas des magasins de bricolage, qui se souvient qu'il y a encore 20 ans, chaque petite ville, chaque chef-lieu de canton avait encore sa petite quincaillerie de quartier. Ils ont tous disparu, et les emplois qui allaient avec aussi. Ce qu'aucun journaliste ne dit c'est qu'en fin de compte le nombre d'emplois détruits est plus importants que le nombre de ceux créés. C'est d'autant plus grave que dans la majeure partie des cas, ce sont des emplois de proximité qui disparaissent, créateurs de lien social.

Autre argument un brin fallacieux : le travail dominical permettrait de doper la croissance en favorisant la consommation. Foutaise ! En cette période de crise économique aigüe et de précarisation de la société, le porte-monnaie des Français n'est pas extensible. Ce qui est donc consommé le dimanche ne l'est donc pas le reste de la semaine. Ainsi, ce sont les commerces qui ne peuvent ouvrir le dimanche qui en pâtissent le plus. On en revient donc au paragraphe précédent.

Mais l'argument massue donné par la grande distribution concerne les salariés. Ceux qui travaillent le dimanche seraient volontaires et seraient contents de le faire car cela leur permet d'améliorer ostensiblement leur fiche de paie. Tout est dans le non-dit : si les salariés sont intéressés c'est surtout parce qu'ils ne sont pas assez payés, et s'ils sont volontaires, c'est parce que dans la majeure partie des cas, ils n'ont pas le choix. Rappelons que c'est dans la grande distribution que l'on trouve le plus d'emplois précaires, le plus de temps partiels qui concernent presque toujours des femmes seules avec enfants. Dans ces cas, difficile de ne pas être volontaires le dimanche. Quant aux quelques personnes évoquées sur toutes les ondes et qui sont contents parce qu'elles y trouvent leur compte et on aménagé leurs vies en fonction de ce critère du travail le dimanche, qu'on leur pose la question de savoir si elles continueraient à travailler ce jour-là si elles étaient mieux payés les autres jours. La réponse, on la connaît. Autre petit rappel nécessaire : les enseignes de la grande distribution sont parmi celles qui font le plus de bénéfices. Il s'agit donc une fois de plus de répartition des richesses et de rien d'autre.

Enfin, il est une autre question que personne n'aborde, celle de la vie familiale, celle du vivre-ensemble. La loi impose un repos hebdomadaire de 24 heures d'affilée pour tous les salariés. Ce que ne dit par contre pas la loi, c'est qu'il est bien que ce jour soit le même pour tout le monde, afin de favoriser les liens familiaux, intergénérationnels, sociaux, bref humains. Ce qui est en jeu ici, c'est donc le vivre-ensemble, que l'on est en train de sacrifier au nom d'intérêts économiques. La déstructuration de la société lui coûte bien plus cher au final que les quelques hypothétiques emplois qu'elle pourrait glaner.


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