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Viviane Forrester en son passé

Par Pmalgachie @pmalgachie
Viviane Forrester en son passé Viviane Forrester avait longtemps gardé pour elle ses souvenirs de la Seconde Guerre mondiale. Malgré tout ce qu'elle avait vécu, mais qu'elle ne devait pas, d'une certaine manière, se sentir autorisée à communiquer à n'importe qui. Pour qu'ils lui reviennent dans Ce soir, après la guerre, il a bien fallu qu'un climat, que des événements, qu'une succession de coïncidences la poussent à dire «je» et à retrouver, par l'écriture, ces années difficiles: elle appartenait à une famille juive, certes privilégiée par ses moyens financiers, mais néanmoins menacée. Elle n'a pas été envoyée vers les camps de la mort, mais elle aurait pu. Ce climat, non dramatisé, mais restitué dans l'incohérente vérité des moments vécus alors, Viviane Forrester s'était en 1992 - enfin, pourrait-on dire - décidée à en faire le sujet d'un livre dont on pouvait se demander pourquoi il venait seulement à ce moment, et pas beaucoup plus tôt, plus près des moments dont il parle. «J'avais envie de ne plus écrire à propos de moi comme on le fait à travers des romans ou des essais, mais d'écrire des choses exactes, et en prenant des risques. Parce que je dis des secrets, des secrets qui en étaient même pour moi.» C'est probablement pour cela qu'on se trouve immédiatement de plain-pied avec ce que Viviane Forrester raconte: parce qu'elle nous prend à témoin, non pas d'une aventure exemplaire, mais de choses qui ne se disent pas. Encore faudrait-il savoir pourquoi elles étaient censées ne pas se dire... «J'avais l'impression qu'il ne nous était rien arrivé pendant la période de l'Occupation, parce que nous n'avions pas été déportés, et puis en écrivant le livre je me suis rendu compte qu'il nous était arrivé beaucoup de choses. Ce n'était pas rien, ce qui nous était arrivé, nous avions été très outragés, persécutés, insultés. Après la guerre, j'ai su ce qui aurait pu nous arriver, dont on se doutait déjà un peu pendant la guerre mais c'était très mystérieux. Il est certain que la mort ne nous aurait pas fait peur. Je paniquais à partir de choses mystérieuses, impensables...» Il y a, malgré tout, mais le paradoxe n'est qu'apparent, des passages très drôles. Ou plutôt: ridicules. Viviane Forrester n'épargne pas ses personnages, et il ne faut pas oublier qu'elle est un des personnages, que les autres sont, pour l'essentiel, les membres de sa famille, des proches. Elle ne cache pas, là non plus, ce qu'habituellement on ne dit pas, parce que son entreprise est celle de la vérité. «C'était ça, la vie. Et c'était d'autant plus pathétique. C'est une chose qui n'a pas beaucoup été dite. Peut-être que j'avais une famille particulièrement ridicule. Mais on n'était pas faits pour être des victimes. Chaque personne vit son unique destin, quotidiennement. Mes parents ne perdaient pas leurs privilèges, ne changeaient pas de comportement, c'est là qu'il y a un décalage. Nous n'étions pas sympathiques, c'est ce que je voulais montrer.» Quand j'ai rencontré Viviane Forrester à la sorte de ce livre maintenant réédité en poche, il a fallu du temps pour qu'elle finisse par admettre que, peut-être, l'époque qu'elle vivait maintenant n'était pas sans rapports avec le besoin qu'elle avait éprouvé de raconter sa guerre. Elle ne le dit pas aussi clairement. Est-ce moins clair pour autant? «Une des choses qui m'indignent beaucoup, c'est que beaucoup de gens, après la guerre, ont trouvé comme excuse qu'ils ne savaient pas qu'il y avait les chambres à gaz. C'est comme si on pouvait tout nous faire, sauf nous tuer en masse. Ce n'est pas vrai du tout, et je suis très sensible à ce qui se passe actuellement.»

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