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La Grèce commence à ressembler à l’Allemagne de Weimar

Publié le 09 octobre 2013 par Copeau @Contrepoints
Europe

La Grèce commence à ressembler à l’Allemagne de Weimar

Publié le 9/10/2013

Les difficultés économiques ont permis l’émergence du parti Aube Dorée et provoqué une crise de la démocratie grecque.
Par Daniel Hannan, depuis Oxford, Royaume Uni.

La Grèce commence à ressembler à l’Allemagne de Weimar

Nikolaos Michaloliakos, chef du partie Aube Dorée.

Effondrement économique, chômage de masse, milices paramilitaires, violence urbaine, assassinats politiques et maintenant révolte des parlementaires de l’opposition. La Grèce dévastée par l’euro commence à ressembler étrangement à l’Allemagne de Weimar.

Véritablement assiégé, le gouvernement grec a placé en détention provisoire cinq députés et quinze autres activistes du parti fasciste Aube Dorée, y compris son chef, Nikolaos Michaloliakos. La constitution grecque ne permet pas l’interdiction pure et simple d’un parti politique mais les autorités ont contourné le problème en classant Aube Dorée parmi les organisations criminelles et en associant le parti au meurtre d’un musicien de gauche au mois de septembre.

De nos jours, le mot « fasciste » est utilisé de manière si versatile que le terme semble avoir perdu presque toute signification. Si l’on est contre l’immigration, on est fasciste. Si l’on critique l’Union européenne, on est fasciste. Si l’on a le dernier mot avec un internaute de gauche, tôt ou tard, on finit par être traité de fasciste.

Cette tendance n’est pas une nouveauté, bien que le développement d’internet l’ait considérablement accélérée. George Orwell observait, alors même qu’existaient vraiment des régimes fascistes, que « le mot fascisme n’a plus aucun sens, si ce n’est dans la mesure où il recouvre quelque chose d’indésirable ».

Par conséquent, nous devons lutter pour trouver le mot adéquat permettant de caractériser un parti néo-Nazi clairement assumé tel qu’Aube Dorée, ce mouvement grec ayant réuni 7% des voix lors des deux scrutins législatifs de l’année dernière.

Aube Dorée est en réalité un parti résolument fasciste, par sa structure, son idéologie, son comportement. Il est anti-démocratique, favorable à un État autoritaire mené par un homme fort. Le parti cultive une nostalgie de la dictature du Général Metaxas dans les années 1930, qui avait banni les partis politiques, rendu les grèves hors la loi et censuré la presse. Il voit la cause de la pauvreté grecque dans l’immigration, de manière assez excentrique si l’on considère que le pays connait désormais davantage d’émigration que d’immigration. Plusieurs de ses membres n’hésitent pas à afficher un antisémitisme primaire : un de ses élus, recherché par la police pour l’agression d’une parlementaire, s’est défendu en citant des extraits du Protocole des sages de Sion et en affirmant être victime d’une conspiration juive.

Comme tous les vrais partis fascistes, Aube Dorée honnit le marché libre et la propriété privée. Il a flirté avec le paganisme, rejetant la chrétienté comme une croyance sans fondement issue du judaïsme, pour finir par un revirement brutal en faveur de l’Église orthodoxe. Ses membres ont été impliqués dans de nombreux actes de violence politique et, à l’instar des Nazis dans les années 1920, ont établi des liens avec les forces de police et l’armée. L’emblème du parti ressemble étrangement à une croix gammée, bien qu’Aube Dorée définisse cet emblème comme un méandre, c’est-à-dire une de ces formes géométriques qui constituent les bordures de mosaïques et de frises classiques. Cela dit, les membres du parti ne sont pas toujours aussi attentifs et arborent souvent swastikas et croix de fer, tout en faisant le salut nazi.

Pendant plus de trente ans, Aube Dorée a végété aux côtés d’autres mouvements nazis européens, soutenu par quelques centaines de losers à crâne rasé depuis la cave de leur mère. Le parti apparaissait à peine durant les élections, réunissant typiquement 0,1% des voix. Cependant, en 2012, avec un slogan sans compromis, « Il faut décrasser le pays », le parti a réuni près d’un demi-million de voix, devenant de fait la troisième formation du pays.

La Grèce commence à ressembler à l’Allemagne de Weimar
Que s’est-il passé ? Synthétiquement : l’euro. Pour une fois, la métaphore de la tragédie grecque est parfaitement appropriée. Les hellènes ont expérimenté l’hubris des années de crédit facile alors que le marché considérait les dettes grecque et allemande comme interchangeables. Ils font maintenant la rencontre de Némésis ! Le PIB a chuté de 23% depuis son plus haut niveau, le chômage atteint 28%, la classe moyenne athénienne fait les poubelles à la recherche de nourriture et les agriculteurs fournissent des vivres à leurs cousins citadins.

Cependant, la catharsis a été artificiellement maintenue. La Grèce ne pourra se reprendre que lorsqu’elle aura fait défaut, qu’elle sera sortie de l’euro et aura dévalué sa propre monnaie pour la ramener à sa valeur réelle et permettre ainsi aux prix de refléter leur valeur de marché. La classe politique considérée comme fermée et presque héréditaire a placé les intérêts de l’Union européenne avant toute chose. Le système de Bruxelles a été particulièrement efficace dans la défense des intérêts des hommes politiques et officiels grecs qui, encore aujourd’hui, sont protégés des effets de la récession.

Il n’y a pas à être surpris que le reste du pays réagisse par une perte de confiance dans le système. Une telle dérive est exactement ce que les détracteurs de l’euro avaient annoncé lorsque la monnaie unique fut proposée.

L’Arrestation des Cinq Membres, comme je ne peux résister à l’appeler, permet de traiter un symptôme inesthétique sans s’attaquer à la pathologie. Dissoudre Aube Dorée ne permettra pas de faire disparaître l’attractivité de son message pas plus que la dissolution du mouvement nazi en 1924 n'avait permis d’éviter sa montée en puissance. Certains Grecs vont se réjouir alors que d’autres n’y verront qu'une classe politique, éloignée de leurs préoccupations, protéger ses propres intérêts. Interrogé sur l’événement, le premier ministre Antonis Samaras, lassé, s'est contenté de répondre : « Justice, stabilité et pas d’élection ». Ces mots pourraient parfaitement servir de slogan pour la défense de l’euro et expliquent bien pourquoi tant de Grecs ont été amenés à soutenir des partis extrêmes.

Une rumeur circulait il y a quelques jours selon laquelle cette arrestation serait en réalité une tentative pour éviter la démission des parlementaires du parti Aube Doré et ainsi éviter une série d’élections partielles. La crise économique est bien devenue une crise démocratique.

Vous souvenez-vous pourquoi l’euro a été initialement mis en place ? Ses artisans avaient deux arguments. Le premier était que l’euro devait rendre ses utilisateurs plus riches et le second que les pays membres s’entendraient mieux. Dans les faits, la monnaie unique a infligé une inutile pauvreté, encouragé l’émigration de l’Europe du Sud et attaque désormais la démocratie. Que faudra-t-il de plus aux élites de Bruxelles pour admettre qu’elles se sont fourvoyées ?

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Sur le web. Traduction : Joelle Kamel pour Contrepoints.

Lire aussi : Grèce : Aube Dorée considérée comme une organisation criminelle

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