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Hélène Grimaud et Brahms

Publié le 11 octobre 2013 par Rolandbosquet

grimaud

   Partagé la soirée de lundi avec mes voisins Hélène et Sébastien autour d’Hélène Grimaud, les deux concertos pour piano et orchestre de Brahms et une bouteille de petit manseng "dernières grives 2011" de la famille Grassa. Les cloches du village auraient sonné matines si les oreilles laïques n’étaient pas, de nos jours, devenues si sensibles lorsque je m’engage sur le chemin du retour. Le ciel est clair et dégagé. Pas un seul nuage n’ose masquer les étoiles qui sont autant de points scintillants et mystérieux sur le noir de la voûte céleste. Cette obscure clarté n’est même en rien gênée par celle de la lune qui dépasse à peine la ligne sombre des châtaigniers. Dans une semaine elle siègera à l’apogée de sa gloire et illuminera la campagne. Si les perturbations atlantiques lui en laissent le loisir. Pour l’heure, je distingue parfaitement la grande ourse qui semble vouloir se s’enfoncer dans l’ombre des bois alentours. L’étoile polaire, elle-même, accrochée à son petit charriot, tente de passer inaperçue. Comme si l’une et l’autre espéraient échapper ainsi aux innombrables avions  qui traversent la nuit en clignotant. Comment évoquer la sagesse des anciens, la métaphysique de nos origines ou le destin de l’homme moderne dans ces conditions ? Les poètes eux-mêmes se réfugient dans leurs souvenirs d’enfance. Lorsqu’ils s’émerveillaient de la beauté du monde à la vue du ballet fantastique des étoiles filantes les nuits d’été à la campagne. Aujourd’hui, les cassandres ne nous parlent plus guère que de pollution, de surpopulation, de dérèglement climatique. Comme si l’avenir de l’homme n’était plus sur cette étrange planète bleue que décrivent les astronautes mais précisément dans les étoiles. La lune, Mars, Vénus, que sais-je ? Quelque satellite d’Altaïr ou de Véga ? L’homme est-il destiné à fuir la terre pour que survive sa race ? Le chemin que je suis, tracé depuis des siècles par les paysans et leurs charrois, semble pourtant immuable. Les édiles qui se sont succédés à la mairie ont régulièrement veillé à son entretien. Gravats, tuiles cassées et graviers y ont été déversés pour en combler les ornières. Le tracteur de Sébastien, le 4X4 de mes voisins, Juliette et Mathieu, les antiques 4L et les cross-over des chasseurs l’empruntent tour à tour. Mais il est toujours là. Insensible à la modernité. Les haies qui le bordent et le délimitent repoussent chaque année malgré les tailles qui se veulent sévères. Comme il le fait depuis mille ans peut-être. Ce monde là est-il vraiment appelé à disparaître ? Mais la nuit s’estompe à mesure que j’approche du lampadaire qui marque l’entrée de mon courtil. Deux yeux verts guettent mon arrivée devant la porte de la cuisine. César, le chat-donné qui s’est installé chez moi, m’adresse à peine un regard lorsque je lui ouvre. Où étais-tu encore parti, semble-t-il me reprocher ? Je l’ignore tandis qu’il s’installe sans vergogne dans mon fauteuil. Je glisse le disque d’Hélène Grimaud dans le lecteur. Le cor de l’orchestre philarmonique de Vienne ouvre la mélodie comme une invitation au rêve. Le piano lui répond et leur dialogue s’insinue peu à peu dans mon demi-sommeil. Je vogue à mon tour au cœur des galaxies. J’aurais peut-être dû refuser le dernier verre.

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