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Entretien avec Michael Noer pour “Northwest”

Publié le 13 octobre 2013 par Boustoune

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A l’occasion de la sortie de Northwest, nous avons eu la chance de rencontrer son réalisateur, Michael Noer. Nous avons découvert un garçon attachant, passionné par son métier mais également très drôle.
Il nous parle de son parcours, de sa méthode de travail, proche du concept de “cinéma-vérité”, de son amitié avec son confrère Tobias Lindholm, mais aussi de Die hard, d’Amour, de jeunes gens et de personnes âgées, de sexe et de flingues…
Entretien avec un cinéaste qui ne perd pas le nord. Et encore moins le nord-ouest…

Pouvez-vous vous présenter pour le public français, qui ne vous connaît pas encore?

Je m’appelle Michael Noer. J’ai 34 ans. De 22 à 24 ans, j’ai été formé à l’Ecole Nationale de Cinéma du Danemark, dans la section “documentaire”.
Ma façon de travailler vient de là. Même quand je travaille sur une fiction, j’utilise les principes du cinéma documentaire. Je fais beaucoup de recherches et de repérages. Et j’observe les gens autour de moi pour trouver mes acteurs.

Cette méthode, vous l’appliquez encore dans votre second long-métrage de fiction, Northwest…

Absolument. Pour préparer le film, j’ai commencé par déambuler dans le quartier de Nordvest, à Copenhague. C’est le meilleur moyen de s’imprégner de l’ambiance et de connaître les habitants. Je voulais constater par moi-même les problèmes de ce quartier populaire, liés à une importante diversité ethnique et à un taux élevé de délinquance juvénile. C’était important pour moi de maîtriser ces sujets, au coeur de mon film.
J’ai rencontré beaucoup de jeunes gens, en appréhendant un peu leur réaction, parce qu’avec mon allure de gringalet et mes grosses lunettes, on voyait bien que je ne venais pas du tout du coin… Mais cela s’est très bien passé, quand j’ai expliqué que je voulais réaliser un film de fiction. Il me suffisait de demander  “Qui veut jouer dans le film?” pour voir de nombreux doigts se lever. Si cela avait été pour un reportage ou une interview, l’accueil n’aurait pas été le même, mais pour une fiction, et surtout une histoire de gangsters, il n’y avait aucun problème.
Pour tous les jeunes que j’ai observés et qui ont servi d’inspiration pour ce film, il y a une sorte de relation romantique entre le crime et le cinéma. Les gangsters sont des héros fascinants à l’écran et eux voulaient jouer ce genre de personnages à la Scarface, en imaginant des explosions, des fusillades à coups de mitrailleuses… J’ai du leur expliquer que j’essayais justement de  m’éloigner de ce cliché, que je ne voulais pas glorifier la violence et le crime, mais m’intéresser à eux, à la jeunesse de ce quartier, à travers cette histoire de gangs.

Vos deux acteurs principaux sont formidables. C’est comme cela que vous les avez recrutés?

Ces deux jeunes gens, Gustav et Oscar Dyekjaer Giese, sont deux frères dans la vie. On les a trouvé sur Facebook. C’est leur mère qui nous a contactés. Le jour du casting, ils sont arrivés en chahutant et en se disputant, ce qui change des castings habituels où les gens se comportent bien, essaient de se vendre. J’ai tout de suite aimé leur énergie, leur spontanéité, mais ils n’ont pas été faciles à apprivoiser. Ils étaient néophytes en matière de cinéma et il m’a fallu du temps pour qu’ils me fassent confiance et comprennent ma démarche. Mais cela a créé un dialogue entre nous. Nous avons appris à nous connaître mutuellement. C’est ce qui m’intéresse le plus sur le tournage : l’aventure humaine. C’est ce qui permet aussi de tirer le meilleur de ses acteurs, en sachant précisément ce qu’ils peuvent apporter au rôle, au film.

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La photo ci-dessus, tirée du film, correspond bien à l’idée que je me faisait des personnages. On dirait des jumeaux. Il y a une symétrie dans l’image, ainsi qu’une dualité. Ils symbolisent chacun une part “féminine” et une part “masculine”, mais les rôles vont s’échanger au fil du récit. Le frère cadet qui, au départ, est plutôt “féminin”, plus faible et sensible, un peu comme moi, va affirmer sa virilité, tandis que l’aîné, plus dur de prime abord, va dévoiler certaines faiblesses. La problématique est là : Casper va devoir payer le prix fort l’envie d’Andy, son petit frère, de devenir un homme, un vrai. Car, dans l’univers du crime organisé, il faut faire des choses horribles pour prouver que l’on est un homme.
L’idée du film repose là dessus, sur cette “simple” structure. L’avantage de cette histoire aux enjeux dramatiques restreints, c’est qu’elle qu’elle offrait beaucoup de liberté pour développer les personnages et permettait beaucoup d’improvisation. Tel un documentariste, je filmais jusqu’à capter des moments de vérité utiles au récit. Si le script avait été plus complexe, il aurait été plus difficile d’obtenir ce résultat…

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Qu’ont-ils pensé du film?

Oh, les réactions ont été variées. Mais Oscar et Gustav se sont plutôt retrouvés dans les personnages qu’ils incarnent à l’écran. Ils sont fiers d’avoir participé à cette aventure.
Mais ce qui m’importait, c’était plutôt de savoir ce qu’avaient pensé les habitants de Nordvest. Un de ceux-ci, qui m’a servi de source d’inspiration et qui m’a aidé dans mes recherches, m’a avoué avoir été agréablement surpris. Je lui avais fait lire  l’histoire, mais sur le papier, cela restait assez abstrait. Juste une succession d’évènements et de détails insignifiants. Puis il a vu le film et il a été ému par l’histoire, par les personnages.  Vous n’imaginez pas qu’elle a pu être ma fierté d’apprendre qu’un gaillard comme lui, qui n’écoute que de la techno et n’aime que des films d’horreur, puisse trouver divertissant un film comme le mien, tout en retrouvant son propre environnement à l’écran, via le phrasé, les vêtements, la musique…
Bon, en même temps, pour la musique c’était facile… Au lieu de venir avec mes musiques, j’ai demandé aux jeunes de Nordvest ce qu’ils écoutaient, et j’ai tenu compte de leurs listes pour la bande-son. Alors c’est normal qu’ils trouvent la musique bonne. C’est la leur!

Combien de temps le tournage a-t-il duré?

Le processus complet a duré deux ans, sans le montage et la post-production.
Il y a d’abord eu mes recherches et le casting, qui ont pris un certain temps. J’ai eu les garçons environ six mois avant le tournage, pour la préparation et les répétitions. Puis nous avons eu 30 jours de tournage effectif. 28 jours plus 2 pour les ajouts et les scènes à refaire.
Même sur les petits budgets, il faut refaire des prises, et il faut les prévoir d’avance, à cause des frais occasionnés. Le problème, avec ma méthode, c’est que les scènes sont parfois trop improvisées et il faut alors les refaire pour qu’elles s’insèrent mieux dans le récit.

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Par exemple la scène représentée sur cette photo du dossier de presse n’est pas dans le film. J’avais tourné ce face-à-face entre Casper et Jamal, mais je me suis rendu compte que la scène serait plus forte si Jamal était représenté par son bras droit, Ali. Le sentiment de danger est plus fort, car Jamal reste dans l’ombre à tirer les ficelles. Cela le rend plus dangereux.

Ce qui est à noter, sur ce tournage, c’est que, pendant ces trente jours, nous avons vécu tous ensemble dans l’appartement.
L’avantage, c’est que, ainsi, les acteurs évoluaient très naturellement dans la pièce. Ils connaissaient parfaitement les lieux et y étaient comme chez eux.
L’inconvénient – pour moi – était que je dormais sur un lit assez étroit et inconfortable, et que j’avais le dos en vrac, mais c’était un gain de temps extraordinaire. Le matin, on se levait et on se mettait illico au travail. Pas le temps de tergiverser ou de se poser des questions sur les responsabilités inhérentes à un cinéaste sur un tournage. On était dans le feu de l’action en permanence.

On avait répété les scènes avant. Les acteurs connaissaient le script, avaient eu le temps de peaufiner leurs répliques, de les changer s’ils ne leur plaisaient pas. En revanche, je leur ai retiré le script au moment du tournage. Sinon, ça aurait donné un jeu trop mécanique. Ils ont dû piocher dans ce dont ils se souvenaient des répétitions et se concentrer sur mes indications. Cela permet de sortir les dialogues naturellement, comme dans la vraie vie, et c’est bien plus juste à l’écran.
A partir de là, le tournage a été très facile. Les jeunes se sont sentis investis. Ils ont eu l’impression d’être devenus de vrais comédiens et ont proposé des choses intéressantes. La seule chose que je leur demandais était d’aller vite. De marcher vite, de parler vite,… S’ils oubliaient une réplique, il fallait qu’ils proposent autre chose, très rapidement, instinctivement, pour respecter ce tempo. Oui “rapidité” était le maître-mot…

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Quels sont vos modèles en matière de réalisation?

J’aime les films européens. Par exemple, le cinéma des Frères Dardenne, qui ont réalisé La Promesse, L’Enfant ou Rosetta. Mais j’aime aussi les films américains, les films d’action classiques comme Die Hard. En fait, idéalement, j’aimerais réaliser un film comme Die Hard à la façon des frères Dardenne.

Filmer des explosions, mais en se focalisant sur les personnages, en gros plan…
Je dois dire que, venant du documentaire, j’ai longtemps été frustré de ne pas pouvoir tuer les gens dans mes films. Dans la fiction – PAN! -  je peux tuer qui je veux. C’est un peu puéril ou ça traduit une fascination malsaine vis à vis du crime, je vous le concède, mais j’aime bien pouvoir faire ça.
Non, sérieusement, je trouve qu’il y a une alchimie entre le cinéma, les hommes et les armes à feu. C’est un fondamental. Pour moi en tout cas.

Vous travaillez avec la même équipe que votre confrère et ami Tobias Lindholm.

Oui, on se partage nos techniciens et nos producteurs. Ils sont comme des “porte-bonheurs”.
J’aime beaucoup Tobias. Nous partageons la même approche du cinéma : raconter ces histoires simples par le biais d’un certain réalisme, proche du documentaire. J’aime son travail qu’il a effectué sur le scénario de  La Chasse de Thomas Vinterberg. C’est une construction “simple”,justement,  mais puissante. Comme le long-métrage qu’il a réalisé, Hijacking. Comme Northwest. Comme R le film que nous avons fait ensemble…
Ce type de construction narrative laisse de la place pour développer les personnages, ajuster les répliques…

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Ou vous êtes vous rencontrés?

A une époque, j’avais un projet de court-métrage nommé Hawaii, une fiction qui se déroule dans le cadre  un cinéma porno. J’avais besoin d’un scénariste pour structurer tout ce que j’avais accumulé au cours de mes recherches. Parce que quand je fais des recherches, j’empile les petites notes, les mémos. Je note des idées de scènes, des détails, mais c’est encore confus. J’ai besoin de quelqu’un pour donner au film un cadre. C’est là que Tobias est intervenu. Nous avons collaboré sur ce truc sur le ciné porno. Ce fut une expérience amusante, même si un peu bizarre. Je racontais une histoire d’amour avec, en arrière-plan, des trucs assez insensés, avec des chevaux, des gens qui se laissaient uriner ou déféquer dessus… Tobias m’a trouvé drôle alors que j’étais juste complètement dingue.
On est devenus amis et il m’a suggéré de faire un long-métrage avec la même méthode, mais dans le cadre d’un univers carcéral.

On s’est lancés et ça a donné R.
Nous avions trouvé une prison vide et nous avons passé une petite annonce pour recruter des anciens taulards. 200 personnes sont venus au casting. Des colosses chauves, qui ont débarqué en roulant des épaules et en nous disant : “OK, on joue dans le film! Où est le café?
J’ai transpiré comme un malade, en me demandant ce qui allait se passer quand on leur dirait qu’on n’avait pas de café…
Mais être à deux réalisateurs nous a rassuré, Tobias et moi. Nous sommes allés voir chaque type en les regardant droit dans les yeux et en leur serrant la main. Je pense que d’habitude, les gens baissaient les yeux face à eux, terrorisés, mais nous sommes allés les saluer comme des  ordinaires, pour leur prouver qu’on les respectaient. Je sais que certains d’entre eux avaient été condamnés pour des faits graves, mais nous n’avons jamais parlé de ce qu’ils avaient fait. On voulait juste savoir comment utiliser au mieux leur expérience de détenu.
Nous les avons mis dans les cellules ou la salle commune, et nous leur avons demandé d’agir comme s’ils étaient de vrais prisonniers. C’était facile, vu qu’ils avaient déjà été confrontés à ça. Il n’y avait qu’à les filmer en train de discuter, jouer au billard… On leur demandait juste de baisser d’un ton, parfois, quand ils parlaient trop fort. Et nous n’avions plus qu’à placer notre fiction dans cette réalité reconstruite.
C’est ce que nous avons reproduit pour Northwest et, un peu, dans Hijacking : faire des recherches et utiliser autant de personnes “authentiques” que possible.

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C’est amusant, car “Northwest” et “Hijacking” ont été tous deux en compétition au Festival du film policier de Beaune.  Vous avez gagné deux prix, Tobias en a remporté un également. En fait, vous êtes comme les deux personnages de “Northwest”, rivaux et frères en même temps…

Oui, c’est un peu cela. Nous nous apprécions l’un l’autre comme des frères. Mais sur un plateau commun, nous passons notre temps à nous chamailler, à essayer de savoir qui fait quoi… Non, nous nous souhaitons mutuellement le meilleur car nous partageons les mêmes valeurs, la même conception du cinéma. C’est drôle parce que à chaque fois que nous avons été opposés en festival, nous avons tous les deux gagné un prix. C’est comme un porte-bonheur.
Et c’est bon d’avoir un “frère de cinéma” parce que souvent, la réalisation rend un peu solitaire. Là, je sais que je peux compter sur lui en cas de problème. Et les techniciens et producteurs, que nous nous partageons effectivement, sont comme une seconde famille.


Peut-être que le cinéma danois, dans son ensemble, est également une grande famille. C’est l’impression que cela donne vu de l’extérieur. En France, nous sommes impressionnés de voir autant de talents cinématographiques émerger de votre pays depuis quelques années. Avouez : quel est votre secret? Les meilleures écoles? Une génération hors du commun? Une émulation réciproque des cinéastes?

Déjà, je crois que nous avons un très bon système de financement. Le Danish Film Institute nous accorde des avances sur recettes qui nous permettent de mener à bien nos projets. Cet argent nous est essentiel, à Tobias et moi, parce que, parfois, on ne sait pas trop où on va. On a besoin de temps pour réfléchir. C’est même une volonté de notre part. Si vous savez trop sûrement où vous allez, cela peut vite donner des films ennuyeux. Le fait d’expérimenter, de chercher, peut au contraire donner des films plus intéressants… Donc ce confort financier nous laisse un peu de temps pour affiner notre travail.
Notre gouvernement a toujours aidé le cinéma pour qu’il rayonne à un très haut niveau. Le système existe depuis  l’époque de Carl Théodore Dreyer, un des maîtres du muet. Et de nos jours, le budget alloué à la culture est toujours très important, malgré la crise et le fait que de nombreuses personnes ont perdu leur emploi, dans d’autres secteurs d’activité. Nous sommes des privilégiés et avons beaucoup de chance avec ce système. Nous souhaitons évidemment qu’il perdure.

L’autre avantage du cinéma danois est que notre pays est minuscule. Tout le monde se connaît dans le milieu du cinéma. Je connais Thomas Vinterberg, Nicolas Winding Refn et Lars Von Trier. Si je demandais de l’aide à ces gens, je ne sais pas s’il m’aideraient tous, mais au moins, ils m’écouteraient et pourraient me parler de leurs expériences de tournages.  Et ils me soutiendraient. On en revient effectivement à cette histoire de fraternité entre les cinéastes…

Par ailleurs, nous sommes tous plus ou moins héritiers de Lars Von Trier. Nous profitons du travail qu’il a accompli au cours de ces trente dernières années et de l’exposition qu’il a apporté au cinéma danois.
Le mouvement du “Dogme”, notamment, a insufflé une énergie au cinéma danois. Même quelqu’un comme Nikolaj Arcel, le réalisateur de Royal affair dont le style est autrement plus classique, a été influencé par ce mouvement, notamment dans le travail avec les acteurs. Et vous pouvez aisément voir combien le Dogme a influencé notre travail,  à Tobias et moi. Certains aiment Lars Von Trier, d’autres le détestent, mais il est une figure marquante de notre cinématographie.

Enfin, il y a le fait que le Danemark est un pays ennuyeux, trop parfait, où l’on considère qu’il n’y a pas vraiment de problème. Ce qui fait que le moindre petit problème prend de l’ampleur. Les gens se focalisent dessus. Et pour un metteur en scène, c’est du pain-béni. C’est le sujet de La Chasse. Une petite ville tranquille, parfaite, où un problème minuscule devient un gros…
Pour en revenir à mon film, on dit qu’il n’y a pas de problème de racisme au Danemark, mais il suffit d’aller à Nordvest pour sentir une certaine tension communautaire. Je montre que certains groupes manoeuvrent pour créer et attiser ces tensions.

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Quels sont vos prochains projets?

J’ai toujours voulu réaliser un film sur les maisons de retraites. J’y travaille depuis longtemps, mais cela me prend du temps pour écrire le script. Je ne veux absolument pas faire un film mélodramatique et je tiens à m’éloigner des clichés.
Prenez Amour de Michael Hanneke. C’est juste deux vieux qui parlent dans une pièce close. J’aime bien, mais je ne veux surtout pas faire ça. Pour moi, c’est un “vieux” film sur des gens qui sont “vieux”.  Et cela ne montre qu’un seul aspect, plutôt sombre, de la vieillesse.
Quand je rencontre des personnes âgées, je me rencontre qu’elles ont d’autres problématiques. Elles dégagent des choses sensuelles.  Elles aiment. Elles haïssent. Elles ne courent peut-être pas comme les frères de Northwest, mais elles essaient de marcher aussi vite qu’elles le peuvent. Elles sont encore pleines de vie, pour la plupart.
Je veux réaliser l’inverse d’Amour. Je veux un film où les gens se jettent des verres à la figure, se battent, ont des relations sexuelles, s’engueulent. J’ai par exemple l’idée d’une bagarre pour la télécommande dans la salle de télé. Ca peut être drôle.
En fait, j’aimerais réaliser une sorte de thriller dans une maison de retraite. Une variante de Vol au-dessus d’un nid de coucous sous acide, revue et corrigée façon Blake Edwards.
Dit comme ça, cela peut sembler bizarre. Mais je pense que ca peut fonctionner si j’applique la même méthode que dans Northwest. En respectant un tempo rapide.
Mais attention, hein, j’insiste. J’aime beaucoup Amour. C’est un très bon film. C’est  juste que je veux faire quelque chose de totalement différent…


Toujours dans cette logique documentaire?

Oui, c’est une démarche logique. Je viens de faire un film avec de jeunes inconnus de 16 à 19 ans. Là, je vais tourner avec d’autres inconnus de 60, 70, 80 voire 90 ans! Je vais aller dans les maisons de retraite demander aux pensionnaires “Qui veut jouer dans le film”. Ils vont me répondre d’une voix chevrotante, en levant un index fatigué : “Moi! Je veux bien!”.
Là, je cherche des personnes que l’on peut voir quand on marche dans la rue, mais auquel le cinéma ne s’intéresse jamais. Et j’essaie de trouver des personnes qui pourront m’apporter ce que je recherche en tant que cinéaste. Evidemment, il y aura une intrigue focalisée sur des personnages principaux, mais là encore, les enjeux seront minimaliste, très simples, pour laisser la part belle aux personnages.

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Vous ne rêvez pas de travailler avec des acteurs connus comme Mads Mikkelsen ?

Cela dépendrait du rôle que j’aurais à offrir et de ce qu’il pourrait apporter au personnage.
Mads est connu pour jouer des rôles très durs et pour d’autres rôles où il est plus sur l’émotion, comme dans La chasse. C’est un excellent acteur, qui pourrait certainement arriver à trouver le ton juste pour incarner les personnages que je crée.
Mais là je n’ai pas de rôle à lui proposer. Je choisi des acteurs qui ont l’âge des personnages. parce que cela permet déjà de leur donner une certaine authenticité. Ils connaissent le style de musique qu’il aime, ce qu’il attend de la vie… Pour mon vieillard de 70 ans, il doit être capable de me dire comment il se sent face à son reflet dans le miroir, comment est sa vie sexuelle, quelles sont les choses qu’il apprécie ou qu’il n’aime pas dans son environnement… Pour moi, l’acteur doit être un expert dans le rôle pour lequel je le choisis.
Et puis, j’ai besoin d’établir avec lui cette connexion humaine. Or je pense qu’elle est plus facile à obtenir avec des non-professionnels.
Après, pour faire le film, il faut des financements. Et des acteurs connus, ça aide. C’est pourquoi je fais des films de genre. Quand on me fait remarquer que le financement est délicat parce qu’il n’y a pas Mads Mikkelsen au casting, je rétorque :”Non, mais il y a  des flingues! Pan pan!”


Seriez-vous intéressé, comme Nicolas Winding Refn, par une carrière à l’étranger, aux Etats-Unis?

Nicolas Winding Refn voulait faire carrière aux Etats-Unis depuis des années. Je suis content pour lui que Drive ait été un triomphe. Il a réussi à transcender le film de genre américain et à le combiner avec le cinéma européen.
Pour ma part, je ne veux pas faire ce genre de plan de carrière. Déjà parce que je ne suis pas sûr d’avoir envie de cela. A Hollywood, beaucoup de bons cinéastes se retrouvent soumis aux exigences des studios, n’ont pas le contrôle total de leurs films. Or, cela prend tellement de temps de faire un film, cela demande tellement d’énergie que je me vois mal prendre le risque de perdre ma motivation en cours de route. Nicolas Winding Refn a prouvé qu’on pouvait réussir à imposer son propre style aux Etats-Unis, mais il constitue une exception, car peu y parviennent.
Et puis, je me focalise juste sur ma prochaine étape. C’est déjà un challenge assez difficile comme cela, et une aventure riche en émotions.


Merci, Michael Noer, d’avoir pris le temps de répondre à nos questions.

Entretien réalisé le 26 Septembre 2013 à l’Hôtel Arc Elysées, Paris 8ème.
Merci à Margaux Perruchot de BAC Films, pour l’organisation de cette entrevue.


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