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Harkis : surenchère mémorielle à l'Assemblée nationale

Par Mbertrand @MIKL_Bertrand

La mémoire des Harkis est un véritable serpent de mer politique que nous avions déjà analysé sur ce site à l'issue du quinquennat de Nicolas Sarkozy. L'élection de François Hollande à la présidence de la République, son voyage officiel en Algérie au mois de décembre 2012 et son discours rappelant la reconnaissance par l'Etat « à plusieurs reprises d’une part de responsabilité dans les massacres de 1962 en Algérie » n'ont pas satisfait davantage les revendications des groupes qui soutiennent la mémoire des Harkis.

Or, ces derniers peuvent désormais compter sur le soutien indeffectible des députés UMP qui, depuis qu'ils sont entrés dans l'opposition, relaient inlassablement leur message sur les bancs de l'Assemblée nationale. Ainsi, le député du Vaucluse Jean-Claude Bouchet déclare que "le Président de la République avait pris l'engagement de reconnaître publiquement la responsabilité de la France dans l'abandon des harkis, le massacre de ceux restés en Algérie et les conditions d'accueil des familles transférées dans les camps en France". Et de rappeler qu'il considère que cette promesse électorale n'a pas été tenue, demandant donc "de bien vouloir lui indiquer quelles mesures fortes et concrètes le Gouvernement entend prendre pour honorer la parole présidentielle et rendre justice aux harkis et à leurs familles".

Ses propos ont depuis été relayés tous les mois par les députés UMP Rémi Delatte, Philippe Vitel (à deux reprises), Georges Fenech et Julien Aubert.

Kader Arif, ministre délégué chargé des Anciens combattants, lors d'une l'inauguration consacrée aux Harkis à l'Hôtel national des Invalides en 2012 (Jacques Robert)

Kader Arif, ministre délégué chargé des Anciens combattants, lors d'une l'inauguration consacrée aux Harkis à l'Hôtel national des Invalides en 2012 (Jacques Robert)

Le gouvernement a donc été obligé de s'expliquer à plusieurs reprises sur ce sujet, d'abord au mois d'avril, puis au mois d'août, et encore une dernière fois au mois d'octobre 2013.

Dans un premier temps, la réponse a consisté à retracer la chronologie des actions menées par le gouvernement français, montrant ainsi à quel point la question des Harkis a été au centre des politiques mémorielles depuis le début des années 2000 :

  • 2001 : création d'une journée d'hommage national, destinée à témoigner à ces anciens combattants la reconnaissance de la République pour leur engagement au service de la France et les épreuves qu'ils ont endurées et apposition de plaques commémoratives dans des « lieux emblématiques ».
  • Décret du 31 mars 2003 instituant une « Journée nationale d'hommage aux harkis et autres membres des formations supplétives », fixée le 25 septembre de chaque année.
  • Loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des rapatriés et prévoyant « une augmentation régulière au 1er octobre de chaque année de cette allocation pour les anciens harkis, moghaznis et personnels des formations supplétives et assimilées, ainsi que pour leurs veuves », leurs orphelins ou bien des aides multiples à l’éducation, la formation et l’insertion professionnelle pour leurs enfants.
  • Décret du 3 août 2010 : création d'une Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie (dont l’orientation contestée actuellement fait l’objet d’un bilan d’étape en vue d’une réorganisation prochaine).
  • 27 février 2012 : loi visant à sanctionner pénalement les injures et diffamations à l'encontre des membres des formations supplétives.
  • 25 décembre 2012 : Discours du Président de la République reconnaissant la faute de la France en ces termes : « Il y a cinquante ans, la France a abandonné ses propres soldats, ceux qui lui avaient fait confiance, ceux qui s'étaient placés sous sa protection, ceux qui l'avaient choisie et qui l'avaient servie ».

L'Etat s'était égalemet engagé à remettre au Parlement un rapport sur l'application de la loi du 23 février 2005 afin de faire le bilan des mesures prises en faveur des Harkis et des rapatriers. Ce document a été remis le 11 juin 2013 et permet de dresser un bilan exhaustif de l'ensemble des dispositifs législatifs et réglementaires décidés et mis en oeuvre par les pouvoirs publics depuis 1961 (mesures d'accueil et de réinstallation, de désendettement d'indemnisation, mesures sociales et d'aide et de reconnaissance aux harkis). L'ensemble des actions dans ce domaine se chiffre à un total cumulé de 40 milliards d'euros en valeur actualisée.

Non seulement le gouvernement s'engage à maintenir ces dispositifs, mais il "entend également poursuivre et encourager le travail de mémoire pour donner sa juste place à l'histoire et à la mémoire des Français rapatriés et des harkis".

Pas sûr cependant que cela suffise à contenter les associations qui réclamaient "de nouvelles mesures de solidarité nationale envers les rapatriés", ni les députés UMP qui continuent à affirmer que le préjudice subi par l'ensemble des rapatriés et harkis n'a pas encore été "justement réparé".

On se demande cependant ce qui pourrait être ajouté à un hommage offciciel du président de la République, une journée nationale du souvenir, des mesures de réparation financière et sociale, des monuments et plaques commémoratives, une Fondation et une loi de protection contre l'injure et la diffamation... qui font aujourd'hui des Harkis l'un des groupes mémoriels les plus honorés par la République !


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