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Jazzoduc New York-Paris: souvenirs du Tom Harrell' s Trip au Village Vanguard

Publié le 26 octobre 2013 par Assurbanipal

Tom Harrell

New York, USA

The Village Vanguard

Dimanche 20 octobre 2013

Tom Harrell

La photographie de Tom Harrell est l'oeuvre de l'incontournable Juan Carlos HERNANDEZ. Toute utilisation de cette oeuvre sans l'autorisation de son auteur constitue une violation du Code de la propriété intellectuelle passible de sanctions civiles et pénales.

Tom Harrell: trompette, bugle

Mark Turner: saxophone ténor

Ugonna Okegwo: contrebasse

Adam Cruz: batterie

Lectrices attentives, lecteurs fidèles, vous avez déjà lu ma chronique d'un concert de Tom Harrell à Paris au Duc des Lombards. C'est encore à Paris mais au Sunside, lors d'un concert d'Aldo Romano, que je fis connaissance de Philippe Lançon, journaliste et écrivain français. Alors qu'il était en mission à New York pour couvrir le festival franco-américain " Walls and bridges ", il a profité de son séjour pour réalimenter le Jazzoduc New York-Paris de ce blog. Merci à Philippe Lançon pour ses souvenirs du Tom Harrell's Trip au Village Vanguard.

Tom Harrell est un habitué du Village Vanguard mais quand on n'est pas un habitué de Tom Harrell, ou même quand on l'est, c'est toujours une surprise discrètement effroyable de le voir arriver sur scène à la vitesse d'un mort-vivant, au coeur du public: vêtu de noir, à la fois amidonné et recroquevillé, la tête penchée vers le bas comme un enfant mis au coin, le regard éteint-froid dans le vide et soudain allumé par on ne sait quoi comme l'oeil d'un robot remis en marche, le célèbre trompettiste schizophrène offre un spectacle physique qui perturbe dès avant l'audition et qui, du coup, la détermine. Ce n'est pas que la maladie fasse peur, ni que le jazz soit sans rapport avec elle. On en a vu, lu et entendu d'autres. N'importe quel grand musicien entend des voix, et c'est ça qu'il nous restitue. Mais avec Harrell ces voix travaillent visiblement, elles préparent le terrain, avant même que la trompette ou le bugle ait sonné les douceurs hard bop d'une apocalypse bien tempérée.


Le musicien s'est présenté du mardi 8 au dimanche 13 puis du mardi 15 au dimanche 20 octobre 2013 avec deux formations différentes. Seul son fidèle bassiste, Ugonna Okegwo, l'a suivi d'un bout à l'autre. La première semaine, Harrell joue en quintet, avec Wayne Escoffery au saxophone, Danny Grissett au piano, Jonathan Blake à la batterie. On ne l'a vu que la seconde, en quartet, avec Mark Turner au saxophone, caché derrière la colonne, et Adam Cruz à la batterie. Le titre générique de ces six concerts de la deuxième semaine est : Tom Harrell's trip. Nous voilà donc, avec des cocktails, des budweisers ou du mauvais vin rouge, dans le trip du fou. Pas " dans la peau de Tom Harrell ", certes, mais quelque part à la surface ou dans les ondes, plutôt du côté de chez Horace Silver. Manquent le piano et le pianiste, et pas même notre jeunesse, mais les souvenirs d'une jeunesse qu'on aurait pu avoir, ici ou ailleurs, avec Silver, par exemple du temps de Song for my father.


Ambiance planante cérébrale, douce et dure. Harrell annone le " one, two, one, two, three " puis, le thème lancé, en général il se retire pour laisser Turner se prendre vaguement pour Coltrane -après tout, c'est le lieu. Harrell fait deux pas en arrière, très lents, baisse la tête et se met à murmurer on ne sait quoi: sa silhouette est le revenant qui inspecte les lieux, mais sans les voir tout à fait. Ici et ailleurs. Quand il joue, c'est parfait. Au détour d'une phrase, on entend d'autres revenants: tantôt Chet, tantôt Clifford. Le jazz ici-bas ? Un souvenir, joué par un fou, sans bruit ni fureur. Dans le public, beaucoup ferment les yeux et paraissent s'endormir. La trompette de Harrell, sa présence, tout les conduit vers un état de demi-veille qu'il serait exagéré d'appeler une transe, et qui n'est peut-être que la conclusion physique d'une solide journée new-yorkaise. Le Village sent le moisi, ça densifie l'atmosphère. Une amie new-yorkaise pense que c'est une séquelle du dernier ouragan. Le bassiste et le batteur ont la part belle: de longs solos, presque à chaque air, qui ne semblent jamais réveiller Harrell le somnambule. Chapeau bas à Adam Cruz, léger, enthousiaste et puissant.

Voici le Tom Harrell Quintet en concert à New York, USA,  au Village Vanguard le jeudi 10 octobre 2013. Rien à ajouter.


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