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Fiche Historias

Publié le 03 novembre 2013 par Enjeux Sur Image

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Comme chaque matin, Madalena pétrit et cuit le pain pour la boutique d’Antonio. Comme chaque jour, elle traverse la voie de chemin de fer désertée par les trains depuis de longues années, nettoie la porte du cimetière condamné, va écouter le sermon du prêtre puis prend le déjeuner avec les autres habitants de Jotuomba.

Se raccrochant à la mémoire de son mari défunt, vivant dans ses souvenirs, Madalena est rappelée à la vie lorsque Rita, une jeune photographe, débarque dans cette ville fantôme où le temps semble s’être arrêté.

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Historias – les histoires n’existent que   lorsqu’on s’en souvient

De Julie Murat

Avec Sonia Guedes, Lisa E. Favero, Luiz Serra

Argentine, France, Brésil  2012 / 1h38

La réalisatrice: Julia Murat

Réalisatrice, scénariste, monteuse.

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Née le 24 novembre 1979, Julia Murat e Adario sort diplômée d’arts graphiques de l’université de Rio de Janeiro, puis obtient un diplome de scénariste à l’école de cinéma Darcy Ribeiro.

Julia Murat a ensuite réalisé des courts-métrages, des vidéos expérimentales, des publicités et des installations vidéo.

Un peu touche à tout, elle a été monteuse, assistante-réalisateur et machiniste. Elle se spécialise dans l’exploration de la limite entre beaux-arts et cinéma.

Historias que so existem quando lembradas est son premier long métrage.

Julia Murat est la petite soeur de Lúcia Murat, célèbre réalisatrice et activiste bréslienne.

L’interview :  

Le 18 juillet 2012 sort en salles le premier long métrage de Júlia Murat : Historias. Après une compétition officielle au festival Cinélatino, Rencontres de Toulouse 2012, le film se retrouve en compétition en juillet au Festival Paris Cinéma. C’est à Toulouse que s’est faite la rencontre avec la réalisatrice et dont témoigne cet entretien.

Pourquoi avoir choisi ce titre de film ?

Dans le dialogue du film, il y a une des personnes du village qui dit à une autre « il y a des histoires qui n’existent que lorsque l’on s’en souvient », et l’autre rétorque « oui on s’en souvient que lorsque l’on a les yeux fermés ». Cela élève le film au rang des fables, comme une idée magique que l’on raconte de génération en génération.

C’est un village qui existe, et qui est oublié en même temps…

L’idée c’était de mélanger le documentaire et la fiction magique. C’est un peu travailler le quotidien, les images et les lieux qui sont réels, et en même temps introduire cette présence fantomatique. Un mélange très difficile à obtenir parce que par moment il était trop empreint de magie ou… de naturel.

Pourquoi avez-vous choisi le sud-est du Brésil ?

J’ai une attache particulière, mon père habitait dans cette région, et j’y suis allée en vacances pendant mon enfance. C’est la même atmosphère abandonnée que le village de Jotuomba, car c’est une région qui était très riche grâce aux plantations de café mais qui s’est retrouvée isolée lorsque les trains ont cessé de la traverser.

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Quelle est la place de la photographie ?

J’ai commencé ma recherche théorique sur le narratif de la photographie quand j’étais aux Beaux Arts, en le distinguant de celui du cinéma. Je l’ai concrétisé dans mon film en incluant une personne extérieure qui change la situation du village. J’ai beaucoup travaillé sur les divers aspects de la photo, comme la photo qui révèle l’Homme mais aussi la photo versus la mort, ou la photo comme histoire, mémoire.

Quel message voulez-vous faire passer au sujet de la mort ?

Le sens de la mort a évolué au long de l’écriture du scénario et du montage. On n’a le droit de mourir que lorsque l’on rencontre une autre possibilité. Dans ce cas-là, c’était Rita, c’était ça notre idée de départ. Je pense qu’on a opté pour quelque chose de plus poétique et de plus ouvert : il y a des spectateurs qui pensent que les habitants sont des fantômes, d’autres qui pensent que Madalena attendait la mort, et ainsi de suite. Mais je pense que tout le monde perçoit la sensation de la mort comme la possibilité d’une libération.

Entretien réalisé par Maylis Etchart avec Júlia Murat en mars 2012 au Cinélatino, Rencontres de Toulouse

La critique :  

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« Historias » : au Brésil, un village suspendu dans le temps

Jacques Morice – Télérama – 07/2012

 

Un village un peu mort, entouré d’une nature verdoyante, avec de grands arbres. Madalena, vieille femme au fichu, longe une voie ferrée abandonnée et se rend dans le café-épicerie d’Antonio, où elle apporte des petits pains qu’elle cuit elle-même. Chaque matin, c’est le même rituel, les mêmes paroles laconiques, la même anicroche — Antonio traite Madalena de « vieille mule » parce qu’elle pose les pains là où il ne veut pas —, puis la même réconciliation autour d’un café. Le caractère absurde, répétitif et hors du temps de la situation fait penser à du Beckett. Mâtiné de Borges : car il y a aussi une part de fable, de fantastique, lié à la fermeture du cimetière local et aux lettres que Madalena écrit, la nuit venue, à son défunt mari, dans sa grande maison. Un jour, une jeune routarde photographe passe dans le coin et s’installe chez la dame. Une relation insolite se crée.

Et si tous ces villageois étaient des fantômes en attente de quelque chose ? Et si l’étrangère, vive et curieuse, était une douce messagère de la mort ? Un mystère séduisant et une vraie saudade planent sur cette histoire de transmission et de disparition, de traces qu’on veut laisser avant de partir. Les tirages en noir et blanc de la photographe montrent des visages un peu nébuleux qui se fondent dans les murs. Manière de signifier que la mémoire des lieux est inséparable de ceux qui les ont habités. En allant filmer dans cette région oubliée du Brésil, touchée par la crise, Júlia Murat réussit à entremêler très finement documentaire et fiction. — J.M.


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