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Mali, le prix du néo-colonialisme

Publié le 04 novembre 2013 par Lino83
par Dany romantique  

Mali, le prix du néo-colonialisme

Deux journalistes de RFI se sont fait assassiner au nord Mali à Kidal samedi 2 novembre. Par des djihadistes Touaregs semble-t-il, du Mujao, d'Ansardine, du MNLA ? Ce sont des civils, victimes symboliques qui sont pris pour cibles, comme cela est souvent le cas en temps de guerre. La guerre, cycle de vengeance renvoyée, depuis l'aube des temps. 

Ceci étant il était évident que l'opération Serval menée par la France ne pouvait prendre fin en deux mois après une victoire à la Pyrrhus. La question qui va resurgir dans l'opinion est celle-ci : pourquoi sommes-nous donc présents sur ce théâtre d'opérations ? Cette présence militaire française, au nom de qui, au nom de quoi, devrait-elle intervenir ? Pour lutter contre le terrorisme nous dit-on ; est-ce au nom des droits de l'homme, au nom de la démocratie ?

Quelle est donc cette légitimé ? Pouvons-nous réellement tenir "sous tente à oxygène" une partie d'un pays (le sud de Bamako, pouvoir officiel) contre une autre (le nord, terre des bédouins Touaregs qui resteront indépendantistes jusqu'au bout). Il s'agit d'une guerre fratricide, ethnique, religieuse, voire tribale ; sur une étendue plus grande que deux fois la France.

Intervenir dans un pays découpé arbitrairement après l'indépendance, regroupant artificiellement des populations aux identités diverses, s'agissant d'une culture que nous ne comprenons pas. Nous confirmant, depuis l'expérience faite en Libye que nous n'avons pas le logiciel de lecture. Et, qu'en principe, cela ne nous regarde pas. Au nom de la souveraineté des Etats définie par l'ONU.

Hier en IRAK (1992), puis en AFGHANISTAN, en COTE D'IVOIRE (petit coup de main) puis en LIBYE, au MALI cette année. Demain en SYRIE (car sans la prudence de la RUSSIE, il en était moins une) voire après demain peut-être en IRAN, s'il le faut pour soutenir ISRAEL.

Un vrai délire, une véritable boulimie, digne de GW Bush, qui passerait presque pour "petit bras" en événements comparés. Ne pourrait-on s'en tenir à la position de l'Allemagne dont on nous rabâche le modèle, l'exemplarité, qui n'a pas, en tous cas cette fibre aventureuse. Depuis l'épopée Napoléonienne, il y aurait donc une empreinte, un atavisme, une spécificité française à jouer les arbitres planétaires. Au nom des droits de l'homme "On refait le le match" ou plutôt on refait le monde. C'est assourdissant.

Dans le contexte, c'est TOUJOURS au nom de la "cause humanitaire". Un truc à Bernard Kouchner. Pas de souci : toujours une 'intervention justifiée, bordée, balisée, homologuée par l'ONU. Enfin... disons en principe, car pour la Syrie, on allait passer allègrement "par dessus" le Conseil de Sécurité, qui tout d'un coup, devenait incompétent... Comme quoi dans le Droit International, il y a l'esprit, la lettre, mais surtout il y a les munitions, et peut-être les intérêts commerciaux.

On ne peut s'empêcher de remarquer la proximité du Niger Etat frontalier avec le Mali. Le Niger, principal fournisseur en uranium pour les chantiers d'Aréva. Une proximité stratégique voire vitale pour la France en électricité. Si le gouvernement du Niger était attaqué puis renversé dans un scénario malien ce serait une catastrophe pour les intérêts français.

Le leitmotiv c'est qu'il faudrait "arrêter l'islamisme terroriste". Dans ces pays là il y aurait les bons, les mauvais, il suffirait de les reconnaître... il faut faire le tri, une vraie sinécure. Et pour finir : renverser les régimes jugés "autocrates". Autocrates c'est selon l'époque... En tout cas c'est la feuille de route. Il faut éteindre le "terrorisme islamiste" aujourd'hui (comme le communiste hier en Corée, au Vietnam, à Cuba). Cela fait beaucoup de monde vu l'instabilité des régimes musulmans. Et, bien entendu, il faut l'éteindre chez lui ; c'est mieux parait-il. Sur le papier, rédigé comme ça, évidemment... c'est tentant !

Mais... pourquoi donc les "terroristes" sont-ils des "terroristes ? QUELLE EST LA CAUSE ? Ah là... joker, ce n'est pas une bonne question. On dira que, fondamentalement, "ils sont...mauvais" ils sont fanatiques disons religieux radicaux ! Oui c'est bien répondu ; donc NOUS, occidentaux, chrétiens ou laïques, nous sommes les bons. Ouf, c'est rassurant quand même. C'est donc un monde binaire et manichéen. C'est cool. Il faut juste être du bon côté. Pas facile en ces temps de "choc des civilisations" sauf que l'on nous dit que cette thématique n'existerait pas. Pourtant, sans cesse, l'on désigne un nouvel entrant étranger comme ennemi à dompter. Donc ce "choc" que l'on nie, existerait bien alors ? On a du mal à suivre !

Récapitulons :

1/ Est-ce que les islamistes radicaux nous envahissent concrètement avec des troupes et des frappes aériennes pour attaquer la France ? autrement dit : quel Etat nous a déclaré la guerre ? personne a priori, depuis les Allemands en 1939. Bon, ce n'est pas une bonne question... Reste que nous avons une armée de premier plan, avec beaucoup de moyens, et la bombe atomique. Sans doute pour nous défendre, semble-t-il. Alors, il faut poser le problème autrement.

2/ Avons-nous des armements à vendre ?.. Ah, là, oui, bien entendu c'est possible. Comprenez : Dassault, EADS, Altran, Lagardère,Thalès, les Chantiers Navals, j'en passe. La France, troisième exportateur mondial d'armements, pièces détachées, instructeurs en conseils militaires. On bombe le torse.. Donc, vous avez compris, il faut "ouvrir" des marchés d'armement, ensuite les renouveler. Avec qui ?.. c'est du détail, en principe, avec des régimes... démocratiques. Sauf qu'ils ne le sont pas, loin s'en faut. Voyez les suites des élections en Afghanistan, en Irak, en Côte d'Ivoire, en Libye, en Egypte, en Tunisie, etc...Ce n'est pas la stabilité et pour le commerce ce n'est pas garanti. Mais peu importe. Il faut bien vivre.

Le jeu c'est qu'il faut promouvoir des régimes dits "démocratiques". Ils seront agréés "partenaires". Question subsidiaire : ces nouveaux entrants sont-ils prêts culturellement à faire vivre la démocratie au sens ou nous l'entendons, avec la Laïcité, le droit qui ne serait plus patriarcal, l'égalité des femmes, les libertés religieuses, la liberté de la presse, de la caricature ? le veulent-ils profondément ? Ces questions restent en suspens.

3/ Avons-nous des "contrats de coopération commerciale" dans divers pays africains, ex-colonies ? Certainement, il faut bien vivre toujours. Les sociétés du CAC 40 sont sollicitées à l'export, telles Total, BNP, Aréva, GDF/Suez, LVMH, Alstom, Eiffage, beaucoup d'autres... Le jeu consiste à faire un "package" de vente avec garantie "longue durée". Le petit cadeau supplémentaire.

4/ La stratégie commerciale : On va promouvoir un camp qui prend les rênes d'un pays. En suite on négocie la coopération commerciale, les intérêts français, et des ventes d'armes. Voyez la Libye, toutes ces armes qui se retrouvent au Mali, dans les Etats subsahariens, du Niger, du Nigéria, de Somalie, y compris en Syrie dans les groupes de la guerrilla hostiles à Bachar. Puis, au nom de l'assistance, de la sécurité des ressortissants français de la coopération, après les ventes d'armes, on inclut un effectif, une troupe armée -un bataillon français- pour "garantir" la sécurité des coopérants.

5/ Le déroulé du scénario : Du coup, sans le dire, on se place en force d'intervention qui va protéger la clique gouvernementale au pouvoir. Et ainsi, en tant que force militaire nous ne sommes pas neutres. Il arrive, comme au Rwanda, ou en Côte d'Ivoire, que la situation se retourne suites aux guerres civiles d'expressions ethniques. Qu'il faille changer les joueurs avant le "mercato". Et nous sommes visés par le camp "rebelle" lequel nous voit comme une caution solidaire. Un ennemi.

Il resurgit aussi beaucoup de questions qui seront agitées concernant l'ancienne colonie prédatrice. Les coopérants français restent amalgamés au pillage des ressources de matières premières. En parfaite consanguinité avec les gouvernants locaux - je dirais les cliques - qui ne ristournent pas les fruits du commerce à leur peuple, lequel reste miséreux, comme en témoigne le processus sans fin de l'immigration ( émigrés économiques/émigrés politiques) vers l'Europe qu'il faut bien accueillir selon l'U.E.

Pour finir -si l'on peut dire- il reste les fantasmes dans lesquels sont entrés les rebelles djihadistes sous l'ère d'Alqaïda, à savoir : l'Occident terre impure, terre de "Croisés", de Païens, qui veut épurer le Coran de la Charia substrat moyenageux. Cela rend complexe la perception culturelle globale pour un africain ou pour un musulman, du rôle de la France sur ce continent.

Comment oser une quelconque légitimité militaire en terre étrangère à l'encontre d'un mixte de populations qui vivent chez elles ? Par ailleurs, le fait de prendre parti, militairement pour un camp, reste un exercice périlleux non démontré (Liban, Afghanistan, Libye, Syrie). Les forces religieuses ou idéologiques d'un moment "t" ne sont pas judicieuses très longtemps, car c'est souvent un caractère opportuniste (voir ce qu'il advient de l'Irak et de la Lybie ; sachant que pour l'Egypte et la Tunisie il s'est agit d'un réglement interne).  

Pour toutes ces questions -fantasmatiques ou bien réelles- le problème du rôle et de l'interposition armée, de la France, restera LONGTEMPS un baril de poudre perçu comme un POST-COLONIALISME, à caractère idéologique culturellement parlant et prédateur commercialement.


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