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Êtes-vous un impérialiste de gauche ?

Publié le 05 novembre 2013 par Copeau @Contrepoints
Opinion

Êtes-vous un impérialiste de gauche ?

Publié Par Alex Korbel, le 5 novembre 2013 dans International

Est-il du devoir de l’État français de redresser les torts humanitaires et politiques dans le monde ?

Par Alex Korbel.

pinkempire

Les impérialistes de gauche pensent qu’il est du devoir de l’État français de redresser les torts humanitaires et politiques dans le monde. Ils estiment normal de décider à Paris qui doit gouverner des pays comme l’Afghanistan, la Libye, le Mali et la Syrie.

Ils admirent les institutions internationales comme les Nations Unies et sont en faveur de l’utilisation de la force militaire française, y compris dans des situations où il n’est pas certain qu’elle ait un impact positif.

Suite à un récent débat où le Président des Jeunes Socialistes Thierry Marchal-Beck plaidait pour des frappes militaires françaises en Syrie face au Président du Parti Liberal Démocrate Aurélien Veron qui s’y opposait, je suis tenté d’envoyer à tous les impérialistes de gauche une cargaison de post-it où il y aurait seulement écrit le proverbe suivant : l’enfer est pavé de bonnes intentions.

Mais faute de temps pour cela, je vous livre ici les 10 symptômes qui font peut-être de vous un impérialiste de gauche.

Faites le test !

1. Vous vous retrouvez souvent à appeler de vos vœux l’envoi des troupes, d’armes, de raids aériens ou le déploiement de forces spéciales dans des pays où vous n’êtes jamais allé, dont vous ignorez l’histoire, les langues, les tensions communautaires et institutionnelles et qui vous étaient assez indifférents avant que quelque chose de grave y survienne.

2. Vous dites souvent que la France est moralement obligée de « faire quelque chose » au lieu de rester en dehors de querelles intestines ensanglantant des terres lointaines. Pour vous, un État qui n’intervient pas est un État complice. Face à une nouvelle crise, vous n’arrivez presque jamais à la conclusion que « dans ce cas-ci, l’État ne devrait pas intervenir ».

3. Votre regard porte loin… et ce qui est sous votre nez vous échappe parfois. Vous êtes ainsi prompt à condamner les violations des droits de l’homme faites par des États exotiques mais les abus de l’État français et de ses alliés tombent dans votre angle mort. Après tout, vous ne voudriez pas que vos critiques vous empêchent de décrocher un futur emploi proche du pouvoir.

4. Vous êtes un fervent défenseur du droit international, sauf quand il empêche l’État français de « faire ce qui doit être fait ». Vous êtes alors prompt à souligner ses défaillances et ses limites pour mieux justifier pourquoi la France devrait passer outre « cette fois-ci ».

5. Tout en prônant une énième intervention armée, vous décourageriez votre propre progéniture de poursuivre une carrière militaire.

6. Même si vous n’en savez pas beaucoup sur l’Histoire, la logistique ou les opérations militaires modernes, vous êtes convaincu que la force militaire peut atteindre des objectifs politiques complexes à un coût relativement faible.

7. Quiconque s’oppose à un tyran acquiert votre immédiate sympathie. Mais vous avez tendance à ne pas vous demander si les rebelles, les exilés et les autres forces s’opposant à un régime brutal tentent de solliciter l’appui des États étrangers en leur disant ce qu’ils veulent entendre.

8. Vous êtes convaincu que la démocratie de type occidental est inscrite dans l’ADN humain et qu’elle est la seule forme légitime de gouvernement. En conséquence, vous croyez que la démocratie peut triompher n’importe où – même dans les sociétés profondément divisées ne possédant pas les briques permettant d’en construire la fondation (présence passée ou aspiration à une certaine forme d’État de droit, de liberté politique, économique, sociétale, égalité en Droit, etc.) – pour peu que la France et ses alliés fournissent suffisamment d’aide sous forme de médiations diplomatiques, de plomb, de pansements et de manuels d’éducation civique.

9. Vous respectez les arguments de ceux qui sont sceptiques quant à l’opportunité d’intervenir, mais vous croyez secrètement qu’ils ne veulent pas vraiment sauver de vies humaines.

10. Vous croyez que si la France ne fait rien pour arrêter une crise humanitaire, sa crédibilité en tant qu’alliée et son autorité morale en tant que pays des droits de l’homme sera ternie.

Si vous vous retrouvez dans tout ou partie de ces symptômes, vous avez deux choix.

Soit vous restez droit dans vos bottes cirées d’interventionniste. Soit vous êtes prêt à lire des analyses différentes des vôtres.

Si vous choisissez cette dernière option, je vous recommande de commencer par la lecture de Forced to Be Free? Why Foreign-Imposed Regime Change Rarely Leads to Democratization de Alexander Downes et Jonathan Monten.

Que faire ?

Je ne prétends pas que l’État français ne devrait jamais intervenir dans d’autres pays.

Nous pourrions discuter longtemps de situations réelles ou imaginaires où l’intégrité du territoire serait menacée, où un intérêt national vital (si une telle chose existe) serait en jeu, où envoyer des troupes françaises ou des armes françaises serait presque certain de mettre fin à une boucherie à ciel ouvert ou une autre situation catastrophique.

Nous pourrions parler de doctrines, d’Histoire, trouver des règles et des exceptions et élaborer des lignes rouges, des limites, des garde-fous fonctionnant admirablement bien sur le papier.

Au lieu de cela, je considère que toute décision d’intervenir devrait passer au cas par cas un barrage de questions – émanant des institutions mais surtout de la société civile – afin de déterminer ce que l’usage de la force de l’État est censé accomplir.

Il est grand temps de discuter de politique étrangère

Un grand nombre de citoyens comprennent que oui, nous devrions être conscients des dangers intérieurs d’un État militariste ; que certes, nous ne pouvons pas nous permettre d’être le gendarme du monde ; que bien sûr, les opérations militaires dans des pays complexes en situation de guerre civile ont seulement une petite chance de réussir… mais ils concluent tout de même que l’État devrait faire de son mieux pour promouvoir la liberté à l’étranger.

Et si l’État était le plus mal placé pour promouvoir la liberté à l’étranger ?

Par définition, la grande affaire de l’État (ce monopole de la force sur un territoire), ce n’est pas la liberté. Faire progresser les libertés est au mieux un effet secondaire, une concession de l’État à la population.

Il est temps de discuter sérieusement de politique étrangère dans ce pays.

J’espère que nous pourrons alors réaliser que la meilleure façon de faire progresser la liberté à l’étranger est d’avoir un État non interventionniste et une société civile suffisamment libre et prospère pour offrir de la nourriture aux affamés, des soins aux blessés, des canaux de communication aux censurés, des instruments pour se défendre aux opprimés, des moyens de transport aux encerclés, des logements et des emplois aux exilés.


Article originel publié sur 24hgold.com.

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