Magazine Culture

« Les Barbouzes » ont aussi leur « dico flingueur »

Publié le 05 novembre 2013 par Savatier

« Les Barbouzes » ont aussi leur « dico flingueur »Stéphane Germain, spécialiste reconnu de Michel Audiard, avait déjà publié L’Encyclopédie Audiard (Prix Lulu la Nantaise 2012 dont il fut question ici) et Le Dico flingueur des Tontons. Il récidive aujourd’hui avec un nouvel opus, Le Dico flingueur des Tontons et des Barbouzes (Hugo Images, 160 pages, 16,95 €).

Si la première partie de cet ouvrage jubilatoire et fort documenté reprend le texte du Dico flingueur des Tontons légèrement corrigé et augmenté, la seconde, entièrement dédiée aux Barbouzes, est inédite, mais toujours illustrée de dessins très réussis de Gega. Il a semblé logique à l’auteur - et l’on ne saurait le contredire - de traiter en un seul volume ces deux longs métrages de Georges Lautner, considérant que le second constituait une « suite officieuse » du premier. Certes, ce film de 1964 ne saurait prétendre égaler son aîné de 1963 ; un scénario moins structuré, une moindre importance laissée aux dialogues, quelques incohérences et l’absence d’une scène aussi mythique que celle de la cuisine ne peuvent que le reléguer à la second place. Cependant, cette savoureuse parodie des films d’espionnage, à une époque où ce genre connaissait un immense succès, mérite toute l’attention des amateurs d’Audiard.

Sa distribution n’y est pas étrangère ; on y retrouve Lino Ventura en barbouze français, Bernard Blier en abbé helvète Cafarelli, onctueux à souhait, Francis Blanche, époustouflant en Boris Vassiliev, auxquels se joint Mireille Darc campant Amaranthe (née Antoinette Dubois...), une veuve aussi fortunée que peu éplorée. Si Robert Dalban, l’étonnant majordome des Tontons, n’apparaît que dans un rôle très secondaire, on note la présence de l’excellent Noël Roquevert, grand diseur d’Audiard qui fit merveille, notamment, dans Un Singe en hiver d’Henri Verneuil.

Stéphane Germain apporte à son dictionnaire ce que l’on pourrait désormais appeler sa « marque de fabrique » : une connaissance très pointue de l’univers d’Audiard, un sens aigu des détails, parfois infimes, présents dans chaque scène ou réplique et une belle érudition, toujours ponctuée d’un humour bienvenu.

« Les Barbouzes » ont aussi leur « dico flingueur »
Qui, en dehors de lui, aurait ainsi remarqué qu’« après avoir dormi - et selon toute vraisemblance couché - avec l’agent secret [Lino Ventura] », les cheveux de Mireille Darc « avaient perdu 15 à 20 cm le lendemain matin » ? Qui aurait déniché dans ce film un effet de distanciation brechtien ? Qui aurait en outre noté une faute d’orthographe dans l’inscription en cyrillique de la couronne mortuaire apportée par le soviétique Boris Vassiliev, ou se serait intéressé à la Vierge de Kazan à laquelle le même Boris compare Amaranthe ? Qui enfin, autre que lui, aurait écrit une longue notice visant à déterminer si l’abbé Cafarelli était bien catholique, comme son titre le laisse penser, ou protestant, comme certains dialogues semblent l’indiquer, et à appeler Thomas d’Aquin à la cause pour élucider le mystère ?

Chaque entrée de ce dictionnaire apporte son lot d’informations et d'anecdotes de tournage, aussi utiles aux cinéphiles que divertissantes pour les amateurs d’Audiard et de Lautner. On peut incidemment y lire une salutaire critique de notre époque policée, comme dans ce texte consacré au mot « Xénophobie » : « Dans les années 60, la chape de plomb du politiquement correct ne s’était pas encore abattue sur les productions grand public. On pouvait dérouler sereinement les stéréotypes attribués à telle nation ou à tel peuple, sans avoir à craindre les foudres des "associations". Celles-ci voient désormais derrière chaque histoire belge une première étape vers l’appel au génocide... Audiard, Lautner et Simonin ne se privèrent donc pas d’enfoncer les portes ouvertes de la xénophobie bon enfant. La fourberie suisse, la folie russe, la vulgarité matérielle des Américains, le sadisme allemand, tous les poncifs sont au rendez-vous, sans que cela ait choqué qui que ce soit. Dans le même esprit, on soulignera la confusion entretenue entre les différents peuples asiatiques - chinois ou japonais, c’est du pareil au même, surtout quand ils sont joués par des Vietnamiens ! Tous karatékas mais tous anonymes, ils ne constituent qu’une masse interchangeable, muette et menaçante : le péril jaune. »

Stéphane Germain sera présent à Nantes le 9 novembre prochain pour une séance de dédicace et une table ronde dans le cadre des cérémonies du cinquantenaire des Tontons flingueurs (voir programme en suivant ce lien).

Illustration : Affiche du film de Georges Lautner Les Barbouzes.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Savatier 2446 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine