Magazine Journal intime

Où il est question de dignité

Par Vivresansargent

07/11/2013

 Ce matin, sous un ciel gris, j’attends que le bar du village ouvre. Il est 6h30. Je me suis réveillé tôt, un peu après 4h30. Je suis resté allongé un moment, dans mon duvet, pensant que ce réveil serait peut être bref. Mais, tandis que les minutes défilaient en silence, telles de discrets soldats en pantoufle, mes paupières restaient fermement agrippées au point lumineux de la multiprise sur ma gauche. Ce point rouge sang, indique que le courant passe bien en son sein. Il passe aussi très bien en mon sein. Je ne dormirais plus ce matin. Je m’assois donc, les jambes croisés, pour une séance de méditation bien matinale. Les livres disent que lorsque l’on pratique assidûment la méditation, le nombre d’heures de sommeil nécessaire à une bonne récupération diminue. Je confirme ce que disent les livres. C’est frappant. Depuis plusieurs mois que je m’astreins à une discipline méditative, mes nuits sont de plus en plus courtes mais pas moins récupératrices pour autant. Hier soir, j’ai stoppé la musique et le chant à 23h pour me laisser aller doucement dans les bras de la douce Morphée. Je ne ressens aucune douleur particulière après avoir parcouru la première moitié de mon voyage pour Saint Jacques. Évidemment, en fin d’étape, mes pieds sont plus ou moins meurtris. Mais, chaque nuit, je fais confiance à Morphée et à ses fidèles assistants pour me régénérer. Je lui parle. Dans ce que certains nommeraient des prières, je lui remets ma chair usée et lui demande de faire ce qu’elle sait si bien faire et ce qu’elle ne demande qu’a faire, ragaillardir. Je lui dis que je maintiendrais toute la nuit durant les portes grandes ouvertes. Je lui précise que chez moi, elle est chez elle. Qu’elle peut se servir dans le frigidaire, se faire une boisson chaude si la nuit est fraîche et qu’elle peut ouvrir les fenêtres si au contraire, l’air demande à être secoué. Ainsi, chaque matin, je suis frais et disposé à marcher autour de 25 kilomètres.

Ce matin donc, au bar du village, j’ai rendez vous avec Patrick, pour lui rendre les clés du local dans lequel j’ai dormis. Je lui offre un café. Il est content. Je suis content. Tout va bien.

En début d’après midi, après une étape rondement menée, je me ballade dans Limoges. Rien ne se passe. La ville me laisse de marbre tant elle est drôlement agencée. Je ne comprend pas cette ville. Il semblerait qu’il y est plusieurs soit disant centres ville, une cathédrale superbe mais très excentrée et que les habitants peinent à m’indiquer. Pas de quartier qui semble plus vivant que les autres. Rien qui ne se démarque. En fait, mon seul plaisir vient de mon nouveau pantalon. Depuis des jours que je traverse mon pays avec un froc rafistolé de toutes parts, ne maintenant ma dignité qu’a l’aide de quelques épingles à nourrice, je me devais de m’équiper rapidement. Comme en France, les achats ne sont possibles qu’en ville, il m’a fallu patienter. Aujourd’hui, c’est chose faite. Les gens a qui je vais parler, vont pouvoir de nouveau me regarder dans les yeux.

Ce soir, je dors chez les sœurs Franciscaines de Limoges. Avant de me mettre dans mon lit pour bouquiner, je souhaite remercier Patrick pour m’avoir permis de m’abriter la nuit dernière. Je remercie également les nuages d’avoir gardés leurs gouttes toute la sainte journée. Je remercie l’ancienne N20 d’être ancienne et donc presque déserte. Je remercie la sœur de m’avoir fait la nuit à 10 euros au lieu de 15 et enfin je remercie mes yeux de voir, mes oreilles d’entendre, mes jambes de bouger, mon nez de frémir et mon cœur de me donner la mesure.


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