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La pièce manquante│critique de la scène musicale actuelle

Publié le 12 novembre 2013 par Acrossthedays @AcrossTheDays

Ce papier est une critique de la scène musicale indépendante actuelle et du rapport de l’homme moderne aux sons. J’y présente ma vision de l’art, mon avis sur son état actuel. Je ne cherche pas à établir une vérité générale mais à proposer mon opinion. À inviter au débat.

Capture d’écran 2013 11 12 à 13.25.28 LA PIÈCE MANQUANTE│CRITIQUE DE LA SCÈNE MUSICALE ACTUELLE

Capture d’écran du clip de Kid Wise, « Hope », réalisé par Truman & Cooper

La Pièce Manquante

Aujourd’hui, j’ai le sentiment que l’on oublie l’essentiel. À force d’esthétiser les émotions, d’appréhender les compositions et de voir venir les harmonies, on passe à côté de subtil, du vibrant et du sensible. On écrit de la musique comme on va à l’usine. Les mots d’ordres sont efficacité, consensus et homogénéité.

L’Artiste devient l’Artisan. Macabre décomposition. Jadis employé par la cour, aujourd’hui par la maison de disque. Des cadences parfaites de Lully aux riffs en pâte à modeler des Two Door Cinema Club. Heureusement, les hérétiques ne meurent jamais. De Sainte Colombe à Godspeed You! Black Emperor, il n’y a qu’un pas.

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Aujourd’hui, tout va trop vite. Notre société moderne a perdu en quelques décennies – l’internet comme le coup de grâce – le rapport à l’une des plus belles vertus. La Patience. Notre vision du sensible semble fanée. Pourtant, quelle belle chose. Prendre le temps d’apprécier le temps. Le temps d’apprécier une émotion, la garder en nous, pour nous, la faire grandir et la laisser nous envahir. Nous inonder. Comme quand tu étais gosse. Quand tes yeux se perdaient dans les étoiles. Quand tu croyais apercevoir les planètes. Aujourd’hui, la galaxie est en filtre instagram et les gosses cherchent Cassiopée sur leur smartphone. Amère désillusion.

Aujourd’hui, la dénomination ‘indie’ n’a plus vraiment de sens. Être indé est devenu une mode, une culture sponsorisée comme une autre. Les petits nouveaux copient grossièrement les rythmiques des Foals, l’élocution de Gainsbourg ou le grain d’Alt-J. Les textes de voyage, d’amour à la plage, les guitares en palm-mute et les synthés french-touch résonnent sur toutes les scènes françaises. Tous les jours des disques font éruption, des clips par dizaines demandent notre attention, des artistes émergents se battent sur les réseaux sociaux pour obtenir un like, un partage, une ligne dans un grand média. Ce combat quotidien, cette supplique incessante, ce culte de l’attention, c’est la nouvelle manière de faire de la musique. La voie officielle. Créer la musique qui doit plaire au public. Composer un morceau qui va le faire danser. Un autre plus calme aussi, parce-qu’un morceau calme dans un set, c’est bien. En espérant que les gens applaudissent fort à la fin. Qu’ils crient, peut-être. Mais qu’ils likent la page facebook, surtout.

Mais devant cette nébuleuse, cette fièvre du succès et cette boulimie du partage, j’ai comme un goût amer dans la bouche. J’ai comme l’impression d’un désenchantement. Un trop plein. Aujourd’hui, la plupart des disques que j’écoute sonnent faux. Fades.

Les morceaux s’enchaînent sans laisser aucune trace à l’intérieur. Aucune réminiscence, aucune vision. Aucune réflexion, néant.

À certaines heures, ma timeline ressemble à page de publicité continue, où l’on vend sa musique comme l’on vend son âme. Voir son corps. J’ai parfois l’impression que l’on compose comme on mate un porno. À la va vite, parce- que ça ne coûte rien et ça détend.

En live, mis à part ceux que j’ai choisi, rares sont les artistes qui me vont droit au cœur. Qui me prennent aux tripes, me retournent le bide. J’ai l’impression de voir des clones, qui en vain s’agite dans les airs et répétant des refrains périmés. Do, sol, la, fa …

Même Sigur Rós que j’aime tant me semble entrer dans cette optique. Leur dernier album, ‘Kveikur’, est grinçant et froid. Leur pureté pourtant si belle paraît affectée par des années de trop longues tournées. Leur son est lourd, presque industriel. Quelle tristesse, pour moi qui ai tant pleuré devant le mystique et sauvage ‘()’. Comme quoi, même les plus grands perdent un jour leur innocence tant choyée. J’ai eu le même ressenti avec ‘Reflektor’, le dernier album d’Arcade Fire qui après maintes écoutes me semble tourner en rond, sans aller à l’essentiel. Pas un seul frisson, pas une larme. Que reste-t-il de la ferveur et l’intensité de ‘Funeral’ ?

Le dernier Daft Punk est l’exemple parfait. La production est irréprochable, les musiciens sont excellents, rien n’est à côté. L’ensemble est plutôt agréable à écouter, efficace et facile d’accès. Cependant ‘Random Access Memories’ n’est qu’un objet, rien d’autre. C’est un corps sans âme, un automate dénué de sentiments. Neutre et aseptisé. Au goût du jour.

Et même avec mon groupe Kid Wise, je nous surprend parfois à glisser dans cette politique du ‘like’, où le nombre de vues YouTube importe autant que la qualité de la vidéo et où le pouce vert seul décide du talent de l’artiste. C’est la prise conscience de cette triste réalité qui me mène à écrire ces lignes. Pour réfléchir à la réelle place qu’occupe la musique aujourd’hui dans nos vies.

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Aujourd’hui, quelque chose manque. Une chose pourtant si naturelle, si évidente. Là, juste devant nos yeux. C’est l’Honnêteté. La pièce manquante du puzzle.

Jouer la musique avec le cœur, et non la tête. Savoir apprécier la différence. Faire rejaillir ce qu’on a dans le bide, et jouer tout d’abord pour nous-même. Car les émotions savent faire le lien avec autrui. Passer d’un cœur à l’autre. C’est là la beauté de la chose.

Aujourd’hui, on ne sait plus comment considérer l’art. Une marchandise, un exutoire ou un bien précieux. À trop vouloir le vendre, beaucoup ont perdu le mystère de son authenticité. Voici mon opinion.

L’art ne s’envisage pas, il se vit.

Le besoin de créer doit être une nécessité sinon rien. La musique, et l’art en général est constitué d’assemblages de règles et de codages. Être (artiste), c’est sublimer ce langage pour faire naître celui des émotions.

La musique est animale, son instinct est sauvage. Il faut la laisser venir à nous, l’apprivoiser, ne jamais forcer son approche. Le langage des sons, des couleurs et des mots est muet pour ceux qui n’observent pas. Il faut ouvrir les yeux pour l’imaginer, les fermer pour l’entendre. Un grand album est semblable à un regard pur, sincère et profond. C’est la voix de cinq heures du matin après l’amour. Les mots délicatement échangés. Au cœur de la nuit et au creux de l’oreille.

Il nous faut redécouvrir l’émerveillement.

Retrouver l’innocence première. Avec des oreilles et des yeux neufs, observer le monde comme au premier jour. L’écoute d’un disque doit être une expérience à chaque fois unique. Elle demande une immersion totale et des sens aux aguets. C’est un voyage initiatique, que l’on fait en solitaire.

La composition doit être un éveil de l’esprit au monde des songes. Une danse au corps à cœur. Entre mystique et extase. Apprécier chaque note comme la première et l’écrire comme la dernière.

Il nous faut ne jamais oublier la propriété première de l’art.

Crier,
Danser,
Pleurer.


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