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Vanitas de Vanitas…

Par Borokoff

A propos de La Vénus à la fourrure de Roman Polanski ★★★★☆

Emmanuelle Seigner, Mathieu Amalric - La Vénus à la fourrure de Roman Polanski - Borokoff / Blog de critique cinéma

Emmanuelle Seigner, Mathieu Amalric

A Paris, Thomas Novachek (Mathieu Amalric), un jeune metteur en scène enrage, les nerfs en pelote. Auteur d’une adaptation de La Vénus à la fourrure (1870), roman érotique de l’écrivain et journaliste autrichien Leopold Ritter Von Sacher-Masoch (1836-1895), il vient d’achever dans un théâtre un casting aussi éprouvant que catastrophique pour trouver celle qui doit interpréter le rôle féminin principal de sa pièce. C’est alors que débarque (en retard) Wanda Jordan (Emmanuelle Seigner), une femme mûre dont le caractère bien trempé, l’apparente superficialité et la vulgarité rebutent d’emblée Thomas. Mais peu à peu, le metteur en scène tombe sous le charme de l’actrice, séduit par le charisme et le talent insoupçonné d’actrice de Wanda, envoûté au point de perdre tous ses repères et sa belle assurance, l’aplomb qu’il affichait au tout début de leur rencontre. Mais jusqu’où iront ce jeu dangereux de séduction et ce renversement progressif de rôles et de situation, qui dépassent largement le cadre d’un casting de théâtre ?…

Emmanuelle Seigner, Mathieu Amalric - La Vénus à la fourrure de Roman Polanski - Borokoff / Blog de critique cinéma

C’est en voyant l’adaptation de La Vénus à la fourrure par David Ives à Broadway en 2010 que Roman Polanski a eu l’idée d’en faire un film. Un film, et à nouveau un huis-clos théâtral après Carnage (2011).

Dès l’ouverture et ce plan séquence en caméra subjective, sous des trombes d’eau et un ciel gris, depuis le point de vue de Wanda, on sent l’ambition du réalisateur en même temps qu’on retrouve cette touche de fantastique (présence des éclairs, atmosphère inquiétante voire d’apocalypse) inhérente à ses films et à son univers.

Mathieu Amalric - La Vénus à la fourrure de Roman Polanski - Borokoff / Blog de critique cinéma

Mathieu Amalric

C’est le rythme imprimé d’emblée par les compositions d’Alexandre Desplat qui fait d’abord dire que le film est ambitieux. Mieux que personne, Polanski sait que les variations de rythme, par le biais de la musique notamment, sont primordiales dans un huis-clos autour de deux personnages comme les pauses et les temps morts essentiels pour tenir en haleine un spectateur pendant une heure trente.

Emmanuelle Seigner - La Vénus à la fourrure de Roman Polanski - Borokoff / Blog de critique cinéma

Emmanuelle Seigner

Mais Polanski peut s’appuyer sur deux comédiens exceptionnels dont le plaisir à jouer est manifeste. Deux comédiens qui apportent d’infinies nuances à la psychologie de leur personnage, puisque de psychologie, de rapports de forces, de relation dominant/dominé, homme/femme, maître/esclave, il en est essentiellement question ici. On ne s’attendait pas forcément à un tel niveau d’interprétation de la part de l’épouse de Polanski, sans doute parce qu’on la voit rarement au cinéma. Quant à Amalric, il n’a plus grand-chose à prouver, sinon qu’il sait à chaque fois nous surprendre, encore imprévisible dans ses choix, après Jimmy P. (Psychothérapie d’un Indien des Plaines) d’Arnaud Desplechin.

Emmanuelle Seigner, Mathieu Amalric - La Vénus à la fourrure de Roman Polanski - Borokoff / Blog de critique cinéma

Si le cinéaste polonais s’est encore inspiré d’une pièce de théâtre et d’un roman écrit par celui qui a donné son nom au masochisme, les enjeux de La Vénus à la fourrure sont bien cinématographiques. Ce sont ceux d’un réalisateur exigent et culotté qui n’a rien perdu de son talent ni de sa passion, de sa fougue ni de son énergie. Ces enjeux tiennent dans la confusion des sens, l’ébranlement psychologique progressif de Thomas dont les valeurs comme les certitudes tombent une à une, tel un château de cartes. La faute à l’insoupçonnable et subversive Wanda, la grande responsable de cette faillite. Au départ pétri de machisme (sans s’en rendre compte) et de valeurs petite-bourgeoises, Thomas va peu à peu douter de lui jusqu’à perdre pied et confiance en lui, jusqu’à perdre haleine voire toute contenance face à une Wanda pernicieuse et de plus en plus déchaînée, qui n’hésitera pas à lui sortir ses quatre vérités.

Emmanuelle Seigner et Mathieu Amalric - La Vénus à la fourrure de Roman Polanski - Borokoff / Blog de critique cinéma

Mais Polanski va plus loin. La ressemblance pour ne pas dire la fusion progressive entre le personnage de Séverin qu’interprète Thomas pour donner la réplique à Wanda et le metteur-en-scène lui-même deviennent si confondantes que Thomas se retrouve dans la position d’une proie et d’une victime idéale pour Wanda.

Mais qui est-elle au fait ? C’est ce que lui demande un Thomas totalement décontenancé et perdu. Le diable en personne ? Une vengeresse ? Le porte-drapeau d’une cause féministe ? De quoi ou de qui veut-elle se venger au juste ? Et pourquoi sur Thomas en particulier ? Elle semble en avoir gros sur le cœur des hommes en général et de leur misogynie insatiable.

Emmanuelle Seigner, Mathieu Amalric - La Vénus à la fourrure de Roman Polanski - Borokoff / Blog de critique cinéma

Mais on ne saura rien d’elle ni de son passé alors qu’elle semble tout connaitre sur Thomas et sur les détails de sa vie. A-t-elle connu des déboires sentimentaux tels qu’elle ne rêve que de se venger des hommes, de tous les Hommes et de leur machisme, symbolisé par Thomas ? Mais pourquoi avec autant de violence et de jusqu’au-boutisme, de férocité et d’autorité ? Tout est imaginable, tant elle reste une énigme.

Ce mystère sur la personnalité et les motivations de l’obscure Wanda n’en rendent que plus fascinant le personnage. Wanda ne montrera aucune empathie à l’égard Thomas. Au contraire. La boucle est magistralement bouclée et le renversement de situation total dans cette sublime scène finale où Wanda semble s’être transformée en loup ou en animal rugissant. Le ralenti, les éclairages tantôt aveuglants tantôt brumeux donnent une teinte irréelle à la scène et une tournure pour le moins malsaine dans la relation entre le metteur en scène et son actrice. Un univers proche du fantastique, du songe ou plutôt d’un cauchemar vivant pour Thomas, descendu aux Enfers, ombre de lui-même et de ce qu’il était au début du film. Un pantin, oui, et le jouet pathétique d’une femme qui le ridiculise jusqu’au travestissement, jusqu’à l’humilier sans aucune pitié. La fable est enlevée, glaçante et moraliste. Et on applaudit au joli coup du maître, sans vilain jeu de mots…

http://www.youtube.com/watch?v=x_7iZoiFphE

Film français de Roman Polanski avec Emmanuelle Seigner, Mathieu Amalric (01 h 33)

Scénario de Roman Polanski et David Ives d’après la pièce de David Ives et le roman de Leopold Ritter Von Sacher-Masoch : 

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Mise en scène : 

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Acteurs : 

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Compositions d’Alexandre Desplat : 

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