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Chronique ontarienne, par Jean-François Tremblay…

Publié le 17 novembre 2013 par Chatquilouche @chatquilouche

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 Je pourrais facilement qualifier plusieurs œuvres de marquantes dans ma vie.  Et, par coïncidence, elles arrivèrent toutes (ou presque) à l’adolescence.  Ce qui confirme que les expériences vécues à cet âge sont les plus susceptibles de s’incruster en nous, comme j’en parlais dans une chronique précédente.

Il y eut différents films, des albums, des romans, et plusieurs œuvres diverses qui m’ont grandement influencé.  Toutefois, The Rocky Horror Picture Show occupe une place particulière dans mon cœur.

Si vous connaissez le film ou le spectacle de Richard O’Brien dont il est tiré, vous savez donc déjà qu’il s’agit de l’histoire d’un jeune couple banal (et virginal) qui, à la suite des fiançailles, décide de rendre visite au professeur qui fut à l’origine de leur rencontre.  En chemin, une crevaison les force à sonner à la porte d’un château lugubre où ils feront la connaissance de Frank ‘n Furter et de ses mystérieux serviteurs.  Frank est un savant fou et travesti qui est sur le point de révéler sa nouvelle création, un homme musclé et parfait du nom de Rocky Horror.

En dire davantage ne rendrait service ni à l’œuvre ni au possible spectateur que vous pourriez devenir.  The Rocky Horror Show (ou Picture Show, dans le cas du film) se doit d’être vécu, ressenti.

Si j’en parle aujourd’hui, c’est que, de juillet à octobre, j’ai été plongé dans l’univers de Richard O’brien comme jamais auparavant.  Je vous en ai déjà parlé en juillet dernier, donc nul besoin de tout raconter de nouveau.  Seulement, je voudrais revenir quelques instants sur l’expérience que fut le show.

Bien qu’il ne s’agisse pas de mon premier spectacle de théâtre ici, à Peterborough, c’était par contre le premier qui était de calibre professionnel.  Sans être rémunérés, nous étions entourés d’une équipe hors-pair.  Maquilleuses, costumière, techniciens, etc.  L’équipe était grande pour un spectacle de théâtre communautaire, surtout qu’il s’agissait là du premier spectacle de ce collectif, portant le nom de The Motley Collective.  Les deux filles à la tête de la formation, Amy M. Cummings et Jessica Lynch, deux habituées du monde du théâtre communautaire dans la région, ont fait un travail de gestion, d’organisation et de direction totalement remarquable.  Entre leurs mains, je me sentais en sécurité.

Mes craintes furent nombreuses au fil des mois : premièrement, la crainte de danser, de ne pas pouvoir apprendre les nombreux pas et figures requis pour les chorégraphies élaborées et conçues par Ali Campion.  Mais j’y suis parvenu.  Il faut se faire confiance dans la vie…  Ensuite fut celle de la langue ; je suis francophone d’origine, entouré d’acteurs anglophones.  La pièce originale est anglaise, mais il m’est impossible de recréer un accent british.  Au fil des mois, de nombreuses sorties dans les bars et partys avec la bande d’acteurs, j’ai pu me dégêner et créer des liens que je pense solides avec certaines personnes de la distribution.  Tous et toutes furent extrêmement accueillants dès le départ, ils m’ont tous supporté et encouragé et ont vu en moi quelque chose dont je ne soupçonnais pas l’existence.  Et le personnage s’est retrouvé, au final, avec un accent français.  Personne n’y a vu de problème.

Et puis vint la question du chant.  Mon rôle, Riff Raff, était joué à l’origine par l’auteur de la pièce (et dans le film).  Sa voix est aigüe et nasillarde.  De toutes les chansons du film, celles que j’ai fredonnées le moins souvent dans ma vie furent celles de Riff Raff, parce que difficiles à chanter.  Disons seulement que lors des premières répétitions des chansons, j’étais terrorisé.  Et le résultat fut très ordinaire (selon moi).

Mais, après un cours de chant avec la fabuleuse Pamela Birrell, professeure locale et chanteuse extraordinaire, une seule session de 30 minutes (attrapée au vol dans son horaire surchargé), quelque chose s’est débloqué en moi.  Cette femme, qui possède sûrement des pouvoirs magiques, a libéré quelque chose en moi qui restait coincé depuis toujours.  Lorsque je chantai à la répétition suivante, ce fut comme voir les quatre chaises se tourner spontanément à l’émission The Voice.  La réaction des membres de la distribution face au son qui sortait de ma bouche valait de l’or.  Ce moment est gravé à tout jamais dans ma tête.

Il y eut ensuite les superbes costumes, résultat du travail acharné de la mère de l’une des actrices.  Et les sessions photo pour l’affiche et le programme.

D’ailleurs, j’ai eu écho que quelqu’un de mon entourage, qui ne connaît ni le spectacle ni le film, a posé la question suivante en voyant nos photos et, donc, les personnages en bas résille : « C’est un show de fifs ? »

Vous savez quoi ?  La question ne s’est jamais posée dans mon esprit quand j’ai vu le film pour la première fois à la télé en 1993.

Des travestis, des relations sexuelles entre personnes du même sexe ?  Évidemment, cette œuvre traite d’ambiguïté sexuelle.  Mais à 16 ans, ce n’est pas ce qui est venu me chercher.  Probable que mon identité sexuelle, à cet âge, était déjà assez définie.  Je me savais straight et assuré dans ma sexualité.  Je ne me posais pas de question à ce sujet.

Ce qui m’a plu dans ce film, c’est le message.  La musique aussi, bien sûr ; l’histoire, le jeu des acteurs (en particulier Tim Curry), etc.  Mais principalement, ce fut le message.  À la fin du spectacle, les personnages entonnent le désormais célèbre :  Don’t dream it, be it.  Ne le rêvez pas.  Soyez-le.

The Rocky Horror Show c’est plus qu’un show de « fifs ».  C’est une œuvre sur l’acceptation de la différence.  Un show qui glorifie la marginalité.  L’adolescent timide et maladroit que j’étais y a trouvé refuge à l’époque et, 20 ans plus tard, alors que j’étais malheureux dans une ville étrangère, le spectacle m’a permis de trouver une nouvelle famille.  Des amis que je chéris de tout mon cœur, avec qui j’espère travailler de nouveau, un groupe de gens tous plus fabuleux les uns que les autres qui m’ont accepté totalement, sans discrimination, et qui m’ont fait sentir que j’étais partie intégrante d’un tout.

Chronique ontarienne, par Jean-François Tremblay…
Et ça, ça n’a pas de prix.  Ce que j’ai vécu au cours des dernières semaines restera à jamais gravé dans mon esprit.  Lors des quatre représentations, pour lesquelles la critique fut incroyablement positive, j’ai prix un plaisir fou à fouler la scène en chantant The Time Warp et à jouer aux côtés de ces acteurs merveilleux, et j’aurais fait cela pendant plusieurs semaines si possible.

Aujourd’hui, j’entrevois mon avenir dans ma ville ontarienne avec de nouveaux yeux.  Davantage de portes semblent s’être ouvertes.  À moi d’oser franchir leur pas.

Notice biographique

Jean-François Tremblay est un passionné de musique et de cinéma. Il

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a fait ses études collégiales en Lettres, pour se diriger par la suite vers les Arts à l’université, premièrement en théâtre (en tant que comédien), et plus tard en cinéma.  Au cours de son Bac. en cinéma, Il découvre la photographie de plateau et le montage, deux occupations qui le passionnent.  Blogueur à ses heures, il devient en 2010 critique pour Sorstu.ca, un jeune et dynamique site web consacré à l’actualité musicale montréalaise.  Jean-François habite maintenant Peterborough.   Il tient une chronique bimensuelle au Chat Qui Louche.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


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