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Gabrielle, un film magnifique de Louise Archambault

Par A Bride Abattue @abrideabattue
Gabrielle, un film magnifique de Louise ArchambaultGabrielle c'est LE film que je recommande depuis que je suis sortie de la projection. Malheureusement il n'est pas programmé partout, et le nombre de séances est réduit. Que cela ne vous décourage pas : ce film est un bijou de sensibilité.
La trame est simple : Gabrielle et Martin tombent fous amoureux l’un de l’autre. Mais leur entourage ne leur permet pas de vivre cet amour comme ils l’entendent car les deux jeunes gens ne sont pas tout à fait comme les autres. Déterminés, ils devront affronter les préjugés pour espérer vivre une histoire d’amour qui n’a rien d’ordinaire.
Louise Archambault, la réalisatrice, s'est emparée de ce sujet pour le traiter avec simplicité et délicatesse, sans occulter aucune des idées reçues qui peuvent surgir abruptement.
A l'instar d'Emmanuelle Bercot dans Elle s'en va, des comédiens professionnels donnent la réplique à des non professionnels. Il en résulte une fiction qui a des accents de documentaire et une fraicheur renforcée dans le jeu des acteurs. Gabrielle est un film construit avec des déficients intellectuels et non un film "sur" eux. 
La musique a une importance capitale. D'abord parce que c'est aussi en quelque sorte l'histoire d'une chorale qui nous est contée. Avec un concert "en live" très surprenant où Robert Charlebois chante avec un choeur d'amateurs. On redécouvre de magnifiques titres comme Lindberg ou Ordinaire.
Autour de moi il y a la guerreLe peur, la faim et la misèreJ'voudrais qu'on soit tous des frèresC'est pour ça qu'on est sur la terreJ'suis pas un chanteur populaireJe suis rien qu'un gars ben ordinaire
De toute évidence Martin n'est pas un homme "ordinaire". La chanson n'a pas été écrite pour le film. On la connait depuis exactement 40 ans et elle prend soudainement un autre sens.
De la même façon, on redécouvre Pendant que les champs brûlent que chantait Niagara en 1990 :
Ce soir-là on s´est embrassés sans se parler.Autour de nous, le monde aurait pu s´écrouler.Les yeux cernés, des poussières dans les cheveux.Au long de mes jambes, la caresse du feu.
Pendant que les champs brûlentJ´attends que mes larmes viennent,Et quand la plaine onduleQue jamais rien ne m´atteigne...
On comprend combien la musique a une vertu thérapeutique évidente : quand je chante çà va un peu mieux ...
La réalisatrice avait à l'origine le désir de parler du bonheur pour son second long métrage. Elle voulait  témoigner de celui des gens que l’on considère en marge de la société, des « invisibles » en quelque sorte, et de la force que peuvent leur procurer les arts comme la musique, et particulièrement le chant choral. Il y avait aussi cette envie de montrer une histoire d’amour entre deux jeunes adultes handicapés intellectuellement et comment l'éveil amoureux provoque soudainement chez eux un besoin d’indépendance et une quête d’autonomie. Sans occulter les craintes de leur entourage.
Elle parle des "Invisibles" quand d'autres les désignent sous le qualificatif désormais évocateur des "Intouchables". Un des derniers spectacles que j'ai chroniqué s'intitule précisément le Bal des Intouchables. Il est lui aussi remarquable. Olivier Nakache et Eric Toledano ont en quelque sorte ouvert une voie avec Intouchables, qui m'avait totalement "emballée" en octobre 2011.
Le handicap n'est plus un tabou aussi puissant et le regard du public change. Un film comme Gabrielle n'aurait sans doute pas pu être réalisé il y a dix ans. Il a été tourné au Canada, un pays où la liberté d'expression est probablement plus large qu'en France. Cerise sur le gâteau, l'accent des comédiens et la saveur de certaines répliques procurent des plaisirs supplémentaires.
Sur le plan cinématographique Louise Archambault a recours à une technique très efficace pour appuyer le scénario. Des ralentis, le floutage de certains plans, un cadre qui focalise sur le dos, la nuque ou les pieds d'un personnage, des plans très rapprochés, le niveau sonore qui brusquement diminue, voire même l'introduction du silence ... sont autant de moyens de signifier au spectateur le malaise du personnage principal.
Il en résulte, je l'écrivais plus haut, un petit bijou de sensibilité, de pudeur et d'intelligence. Aucune image n'est choquante, bien au contraire. On souhaite longue vie à ce film qui marquera peut-être le début d'une carrière pour Gabrielle Marion-Rivard pour qui on commence à envisager la probabilité d'un oscar.

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