Magazine Culture

Dis, c’est quoi Oman pour un voyageur ?

Publié le 20 novembre 2013 par Alanlimo @ChristoChriv
mont hojar montagnes oman

Djebel Akhdar, sur les monts Hajar (Oman)

Cela fait trois semaines que je suis à Oman. Un pays dont je tombe amoureux un peu plus tous les jours ; grâce à ses habitants, ses bizarreries (très nombreuses), grâce aux voyages dans le temps que le pays offre et grâce, aussi, à ses très nombreuses merveilles naturelles. J’y reste encore un mois, à Salalah, près de la frontière yéménite – le temps pour moi de boucler des reportages sur le féminisme, la magie noire, l’esclavage et la piraterie.

Oman – un pays, comme dans de nombreux pays du Golfe …

- … où les hommes et les femmes sont constamment séparés
- … où tu peux te faire engueuler sévèrement pour avoir regardé une femme dans les yeux plus de quelques secondes
- … où tu attrapes froid alors que la température extérieure moyenne est de 32 °C à cause de cette foutue clim’ installée partout, partout, partout
- … où ton plein d’essence (45 L) te coûte 9 €
- … et ça tombe bien, car tu ne peux pas faire grand chose sans louer une voiture
- … où ton regard change sur le voile, et sur les abbayas, ces longs vêtements portés « au-dessus des autres » et qui ne laissent paraître que le visage
- … et que tu trouves extrêmement élégant, soulignant avec une délicatesse raffinée les jolis formes longilines des femmes locales
- … mais ton voile préféré reste le voile à l’iranienne, qui laisse le premier tiers des cheveux dépasser
- … où, lorsque les gens te parlent de leur salaire, tu te fais petit (un chauffeur de taxi gagne en moyenne 2000 € par mois) …
- … juste avant de te rappeler qu’ici, il n’y a officiellement pas d’impôt. Donc, pas d’éducation gratuite, d’aides sociales, de RSA / RMI …
- … où tu manges tes repas par terre, ou sur une table, mais toujours avec la main, et toujours avec la main droite.
- … où foutre le tiers de ton assiette à côté, par terre, sur la table, est considéré comme normal et preuve d’un repas réussi
- … où dans les WC, tu as toujours ce foutu tuyau d’arrosage pour te nettoyer
- … et puis tu finis par t’y faire, appréciant le côté « hygiène » et « massage » et de la chose
- … où tu sirotes des Chais indiens à 0,20 € n’importe où, n’importe quand, à n’importe quel prétexte
- … où tu croises des Indiens, des Philippins, des Bengladais, des Iraniens, qui parlent arabes sans aucun accent
- … où tu croises à la pelle des Syriens, des Afghans, des Irakiens, venus chercher refuge et vie meilleure, que les Omanais accueillent chez eux comme des frères perdus de vue …
- … où les chants de Muezzins sortent en CD collector, chantés à tue-tête par des chauffeurs de bus sexagénaires comme une ado chanterait un tube de Justin
- … où tout le monde se promène avec une carte de visite, et où le sens des affaires domine souvent, y compris sur le bon sens
- … où les voitures adorent taper un sprint sur 100 mètres, pour le simple plaisir de faire entendre moteurs et crissements de pneus
- … où les voitures, souvent, sont un danger public
- … où les villes, pourtant, sont construites pour les voitures et où marcher à pied est considéré comme une excentricité – sauf pour les plus démunis
- … où les raffineries de gaz et de pétrole longent la côte et rythment le paysage
- … où l’Islam est présent constamment, partout, à chaque parole, chaque geste, jusque dans les rayons des supermarchés où tu trouves des tapis de prière
- … où un rendez-vous d’affaire / une interview / un meeting officiel peut être interrompu cinq minutes par un « attends, je vais prier et je reviens »
- … où les hommes, pour se dire bonjour, se serrent la main, approchent leur visage et se font un bisou esquimau, tout en se faisant un bisou sur la bouche
- … où le sens de l’hospitalité est une réalité … lorsque tu es musulman.
- … où les gens adorent commander du pop-corn en buvant un chai ou un thé à la menthe
- … où le sens de l’hospitalité est une réalité … y compris envers les non-musulmans, lorsqu’un type que tu ne connais ni d’Eve ni d’Adam à la table voisine commande un gros paquet de pop-corn et t’invite à prendre dedans, ou bien lorsqu’un autre type te paies ton verre sans t’avertir et sans que vous ayez échangé le moindre mot, ou bien lorsqu’un énième autre inconnu t’invite à son mariage parce que tu lui as dit : « j’adore ce pays ! »
- … où les seuls produits taxés sont les cigarettes, l’alcool, et … le porc.

sur oman

La ville de Sur (Oman)

Oman – ce pays unique …

- … où tu croises de plus en plus de touristes qui, avant, visitaient l’Egypte, le Liban, la Syrie, et tous ces endroits considérés comme « pas sûrs », et qui font d’Oman leur nouvelle destination favorite
- … mais où les flots d’étrangers sont quand même très réduits (2,38 millions de touristes en 2012, 27 217 Français en 2011) et t’offrent, souvent, l’impression d’être le seul touriste dans ce pays
- … où tout est présent pour faire de cet endroit un paradis touristique – sauf les hébergements à des prix abordables (entre 40 et 60 € / nuit pour les hôtels les moins cher) et des transports publics (quasi-inexistants)
- … où tu trouves de fabuleux spots de plongée d’une richesse fascinante, troublés par les passages de superpétroliers et de navires marchands (plus de 33 000 par an dans le Golfe d’Aden)
- … où la polygamie est encore généralisée
- … où pour se marier avec une femme (ou divorcer avec elle), l’homme n’a besoin (légalement) ni de son accord, ni de sa signature (une femme peut se retrouver divorcée du jour au lendemain sans que personne ne la prévienne, et ne pas être au courant de son nouveau statut pendant des années)
- … où les groupes féministes locaux portent des lunettes de soleil Gucci et ont une vision totalement différente de la notre de ce que doit être le droit de la femme
- … où l’authenticité et la simplicité ont leur place, contrairement à la superficialité de Dubai
- … où il n’y a aucune construction massive qui te bloque la vue, l’horizon, et les grands espaces dominant le paysage
- … où tu peux avoir la chance de voir des tortues marines pondre
- … en faisant attention à ne pas marcher sur les tortues nouveaux-nés qui essaient de rejoindre la mer
- … où tu peux avoir la chance de visiter la mosquée Sultan Al-Qaboos de Mascate, la capitale. La seule moquée du pays ouverte aux non-musulmans, un édifice époustouflant, d’une architecture toute en sobriété mais remarquable, 420.000 m² pouvant héberger environ 20.000 croyants. La même beauté subtile et raffinée que celle des femmes omanaises, et bien moins tape-à-l’œil que ses cousines à Dubai (mosquée de Jumeirah) ou à Abu Dhabi (mosquée Sheikh Zayeed).
- … où les hiérarchies familiales et sociale sont encore très présentes, le nom de famille (et donc, de la tribu) jouant un très grand rôle dans les rapports sociaux
- … où l’encens est né, son arbre ne poussant aujourd’hui encore que dans trois endroits au monde (Dhofar, Yémen, Somalie)
- … où l’encens est roi, est partout
- … où la reine de Saba avait quelques uns de ses palais – dont les ruines, aujourd’hui, servent de lieux sacrés où ont lieu des rituels de magie noire et que les Omanais craignent, et n’approchent pas la nuit tombée
- … où les superstitions, les traditions, la religion, sont encore très ancrés
- … où tu passes un CD de chants religieux les premiers jours où tu as une nouvelle voiture, afin d’éloigner le mauvais oeil
- … ce qui te permettra de conduire comme un dératé, à coup de grands mouvements de volants et d’accélération maximale sur 100 m juste pour te la péter
- … où les voiles, les abayas, les burqas, sont décorées avec énormément de raffinement
- … où les femmes conduisent …
- … et ça fait toujours tiquer les hommes
- … où le tribalisme, dans le sud, est encore le système politique dominant
- … et où l’individualisme est considéré comme l’une des pires tares qui puisse toucher un membre de la famille, la moindre de ses actions pouvant avoir des conséquences terribles sur les centaines / les milliers de membres qui composent sa tribu
- … où le mariage entre cousins domine encore les moeurs
- … et où l’excision, les mariages arrangés (mais rarement forcés) sont encore très courants
- … où le portrait du Sultan Qaboos est partout, partout, partout
- … où l’Ibadisme domine, et non pas le Chiisme ou le Sunnisme
- … où tu trouves des gens qui, de leur vivant, avaient légalement des esclaves (l’esclavage n’a été aboli qu’en 1970 à Oman)
- … où l’art maritime, et les chantiers navals, sont source de fierté nationale au pays de Sindbad
- … où l’un des gouvernorats (Musandam) est surnommé « la Norvège d’Arabie » grâce à ses beaux fjords
- … où les montagnes couvrent 15 % du territoire et culminent à 3000m
- … où les vallées, et le désert, couvrent 82 % du territoire
- … où tu trouves des caves parmi les plus prodondes du monde, explorables facilement pour certaines, requérant un niveau technique professionnel pour d’autres
- … où la côte fait 1700 km de long
- … où le camping sauvage est autorisé sur tout le territoire
- … où tu dis « il fait un temps magnifique aujourd’hui ! » lorsqu’il s’apprête à pleuvoir
- … et où les tentes, et les caravanes et les camping-cars, sont essaimées chaque week-end sur les plages, les dunes, les montagnes, par des familles omanaises, indiennes ou philippines
- … où, les jours de mousson, aller camper sous la pluie, dans la boue, au Dhofar, est considéré comme le summum du bonheur et du respect des traditions

Sur la plage de Ras al Jinz, les traces d'une tortue marine qui a rejoint la mer après avoir pondu durant la nuit

Sur la plage de Ras al Jinz, les traces d’une tortue marine qui a rejoint la mer après avoir pondu durant la nuit

Oman, ce pays où, lorsque tu restes trop longtemps …

- … tu utilises tes feux de signalisation plus souvent que tes clignotants
- … tu considères qu’une table devrait toujours avoir sa boîte de kleenex avec elle
- … te garer en double-file ou en triple-file est un geste du quotidien
- … lorsque tu veux un café, tu te rends en voiture au café, tu klaxonnes (plusieurs fois), tu ouvres la fenêtre, tu cries, tu klaxonnes, le serveur t’apporte un chai, tu lui tend un billet de 20 centimes et klaxonne une dernière fois en partant pour dire au revoir ; sans jamais mettre pied à terre
- … tu laisses le plastique recouvrant les sièges des voitures neuves jusqu’à ce qu’ils partent d’eux même
- … tu penses qu’un simple « Bonjour » pour dire bonjour à quelqu’un est impoli ; il faut dire : « bonjour comment ça va tu vas bien oui ca va et ta famille et tes enfants et ton père et ta mère aussi ca va ah très bien si ca va bien »
- … tu trouves que manger avec une cuillère ou une fourchette est ostentatoire
- … tu finis par accepter des réponses quasi-monosyllabiques comme « Haram » (péché), « Mascate », « changement » comme des réponses valides à : « pourquoi ? ».
- … tu as ton propre « wasta » (ligne privée fournissant pots-de-vin en tous genres)
- … tu sifflotes entre les dents lorsque tu vois quelque chose « d’haram » dans un film
- … ne rien faire de la journée te fatigue
- … tu te mets à penser vraiment que le Sultan Qaboos est la personne la plus formidable du monde et tu applaudis à tout rompre dès que tu entends son nom en public
- … rouler à 160 hm/h en moyenne est une vitesse de croisière acceptable
- … mais ceux qui respectent les limitations de vitesse à 120 km/h devraient être condamnés à mort. D’ailleurs, c’est probablement à cause d’eux qu’il y a tant de problèmes de circulation et d’accidents de la route à Oman, penses-tu
- … « sortir entre amis » consiste souvent à faire le tour d’un centre commercial ou, plus souvent, rouler en voiture en tournant en rond autour de la ville, avec un groupe de pote du même sexe uniquement
- … tu as l’air bizarre et suspect si tu n’as pas au moins deux téléphones portables
- … vider une bouteille de sauce piquante sur chaque plat que tu croises est tout à fait normal
- … tu portes des sandales à toutes les occasions, même les plus formelles (exemple : un mariage, un enterrement)
- … et tu trouves qu’un mec qui porte une robe blanche (la dishdasha), c’est classe
- … ce qui te conduit à porter toi-même une robe blanche dès que tu le peux.


Retour à La Une de Logo Paperblog