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Qui va à la chasse peut perdre...la vie

Publié le 21 novembre 2013 par Dubruel

Ce dimanche-là, Hautot-père,

Veuf depuis des années,

Et son fils Robert

Avaient invité

Deux amis à une partie de chasse :

Le percepteur, M. Bordas

Et le notaire, maître Caron.

Bordas demanda : -« Et le lièvre,

Y en a-t-il du lièvre ? »

-« Certes oui, dans les fonds. »,

Répondit Hautot-fils

En chargeant son fusil.

Sur le chemin, les cœurs

Des chasseurs

Battaient un peu.

Leurs doigts nerveux

Tâtaient les gâchettes.

Hautot-père, en-tête

Du triumvirat,

Épaula et tira.

Une perdrix s’écrasa

Dans un fourré.

Le veuf s’élança

Pour chercher son gibier.

Un second coup de feu éclata.

Robert s’écria :

-« Tu la trouves, papa ? »

Hautot-père ne répondait pas.

Le garde appela : « V’nez vé !

Y a un malheur d’arrivé !»

Pour saisir la perdrix,

Hautot, en se baissant,

Avait lâché son fusil.

Un coup était parti

Et l’avait blessé

Très grièvement.

Les trois chasseurs se sont précipités :

Hautot était couché sur le flanc,

Couvert de sang.

Ils le transportèrent dans son lit.

Très affaibli,

Le père Hautot appela son fils

Et lui dit :

-« Fils, mets-toi de ce côté

Et viens m’écouter :

Ça fait sept ans

Qu’est morte ta maman.

J’me voyais pas

Rester veuf tout c’temps-là.

Comme tu sais,

L’homme n’est pas fait pour vivre seul.

Alors, j’ai pris une petite à Rouen

Elle s’appelle Élodie Darfeuil.

Tu comprends ?

Elle était pour moi

Gentille, dévouée, très chère.

Une vraie femme, quoi !

Tu saisis, mon gars? »

-« Oui, père. »

-« Alors, si j’m’en vas,

Faut lui donner de l’argent.

Tu comprends? »

-« Oui, père »

-« Sans le souvenir de ta mère,

Je l’aurais épousée.

Et j’avais pensé

Que sur ma fin,

Je t’aurais annoncé

Cette chose-là. Enfin,

Bon. Dès que j’serai parti.

Va la voir.

Elle demeure à Rouen

28 rue Legendre. Vas-y un jeudi.

C’est ce jour-là qu’elle m’attend.

Tu verras,

Elle t’expliquera ;

J’peux pas plus m’confier à toi.

Allez ! Embrasse-moi. »

Hautot mourut dans l’heure,

Avec d’atroces douleurs.

Le jeudi suivant, Robert attela Coco,

Et partit pour Rouen au grand trot

Il était désemparé à l’idée

D’avoir à affronter

L’amie de son père enseveli,

Mais il pensait : ‘’J’ai promis.’’

Au domicile d’Élodie,

Il sonna. La porte s’ouvrit

Sur une jeune femme

Brune aux reflets de flammes,

Bien habillée, le teint frais.

-« Monsieur, vous désirez ? »

-« Je suis Hautot-fils »

Surprise, elle fit :

-« Monsieur Robert ? »

-« Oui. Je viens de la part de mon père…»

À cet instant, Robert vit un enfant

Âgé de quatre ou cinq ans

Jouant par terre devant le fourneau

Où un plat restait au chaud.

Il remarqua aussi trois couverts disposés

Sur la table joliment dressée.

-« Tenez, asseyez-vous là. »

-« Comment vous raconter cela ?

…Dimanche, hélas…

Mon père s’est tué à la chasse. »

Élodie aussitôt,

Se mit à pleurer à gros sanglots.

Robert reprit

D’une voix adoucie :

-« Nous arrangerons l’affaire tous deux

Selon ses vœux.

Écoutez-moi bien :

Pour vous, il m’a laissé du bien.

Vous n’avez rien à craindre

Vous n’aurez pas à vous plaindre. »

-« Oh ! si j’accepte,

J’peux vous l’promettre,

Ce sera pour le p’tit. J’vais mettre

Les sous sur sa tête. »

Robert, saisit alors le raisonnement :

‘’Il est donc à mon père, cet enfant !’’

Il regarda son frère avec émotion

Puis reprit la conversation :

-« Quand va-t-on en causer

Car vu l’heure, j’dois vous laisser. »

-« Oh ! Ne partez pas,

Ne me laissez pas.

Il est encore tôt.

Oh ! qué malheur. Qué misère ! 

J’ai plus qu’mon petiot !

Parlez-moi encore de vot’ père. »

Puis Élodie balbutia :

-« Mon pauv’ petit gars,

Te v’là orphelin présentement. »

-« Moi aussi. », ajouta Robert tristement.

Puis un instinct de la ménagère

Se réveilla chez la jeune mère :

-« Vous n’avez rien pris sans doute

…Et cette longue route…

Mangez donc avec nous deux.»

-« Non, merci, j’suis trop soucieux. »

Elle insista.

Il céda

-« Quand voulez-vous

Qu’on parle entre nous…

Jeudi prochain…? »

-« Oui, ça m’va,… jeudi prochain.

Vous déjeunerez ici, n’est-ce pas ?»

-« Ça, le promettre, j’peux pas. »

-« On cause mieux en mangeant.

…On a plus de temps. »

-« Eh bien, soit ! à jeudi midi. »

Robert serra la main de la maman

Et embrassa l’enfant.

Elle lui avait plu Élodie.

Il voulait faire les choses en grand :

Donner une rente de mille francs.

Puis l’idée de ce frère,

Le fils de son père,

Le tracassait

Et en même temps lui plaisait.

Le jeudi suivant,

Rue Legendre, il déjeuna longuement.

Élodie ne voulait pas tant d’argent.

Puis, en souvenir, elle offrit à Robert

La vieille pipe de son père

Qu’elle avait soigneusement rangée.

Hautot-fils remercia et prit congé.

Élodie, restant face à lui, conclut :

-« Alors, on s’verra jamais plus ? »

-« Mais si, j’veux bien. »

-« Alors jeudi qui vient,

Ça vous irait ? 

Et vous déjeunerez,

N’est-ce pas ? »

-« Oh ! Je r’fuse pas. »

-« Entendu. Alors, à jeudi. »

-« Avec plaisir. À jeudi, midi. »


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