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Ecrire le livre tiré de la thèse

Par Clementinebeauvais @blueclementine
Ca, c'est moi après avoir soutenu ma thèse:
phdday(Oui le boyfriend serait furieux si je mettais une photo de sa bobine sur mon blog, du coup je l'ai remplacée par une autre bobine que j'aime bien aussi, et qui par une étrange coïncidence lui ressemble beaucoup d'ailleurs. Et oui je sais, je suis un génie de Photoshop)
Et ça c'est ma tronche de meuf bien contente d'elle-même avec sa thèse de doctorat toute reliée, quelques semaines plus tard:
Look at that self-satisfied little face. Blessed be the innocent.
A l'époque, tout allait nickel chrome. J'avais réussi ma soutenance, la thèse était reliée, et j'allais écrire le Livre Tiré de la Thèse pour lequel j'avais déjà signé un contrat
AVEC UNE DEADLINE
qui semblait à l'époque être très, très, très lointaine (on était le premier juillet, la deadline est le 31 janvier, pfiou là là comme c'est dans longtemps!)
'J'aurai tout mon temps!' disais-je donc à l'époque. 'Je pourrai transformer cette horreur de thèse en magnifique monographe!' Je me sentais tout à fait prête, reposée et motivée et je vivais dans un monde de guimauve et de petites mésanges gazouillantes.
Oh, n'allez pas croire que je ne m'y suis pas mise illico presto. J'ai à peine pris deux semaines de break entre ma soutenance et le début de mon Travail sur le Livre. Mais tout à coup on est genre le 36 novembre et voilà à quoi je ressemble dans l'automne cambridgesque:
blobfish
Oui, car le livre ne va pas hyper-top-superbien, chers amis. Cependant, c'est une occasion en or pour élaborer une Théorie de Pourquoi Ca Va Pas (hourra! une théorie! quelle chance!). Voici donc une liste longuement réfléchie de toutes mes erreurs:
  • J'ai plus ou moins décidé de réécrire toute la thèse. Je vais seulement réutiliser à peu près une page trois quarts, et puis en fait peut-être pas, ou alors avec de gros changements. Oh la bonne idée bien pourrie!
  • Il appert que j'écris ce livre comme si c'était le seul livre universitaire que j'écrirai de toute mon existence. Du coup, chaque mini-idée et petite pensée sur la littérature jeunesse doit y trouver sa place même si ça n'a rien à voir. Super productif.
  • Comme je suis en train de paniquer que je ne vais pas avoir le temps de finir à l'heure, j'écris à fond les ballons, donc ce que j'écris est bien nul et fortement médiocre. 3615 stratégie de winneur.
  • Je ne sais pas comment je me suis arrangée mais il semblerait que j'aie hérité de quatorze mille élèves de licence et vingt-huit mille élèves de master, sans compter deux tonnes de copies à corriger toutes les minutes. Vis ma vie de pigeon.
  • Pour une raison qui reste inconnue, j'ai décidé de passer deux semaines à écrire un article long et compliqué sur un sujet qui n'a absolument rien à voir avec le Livre et n'y trouvera pas sa place. Allô cerveau, nous avons un problème.
  • Je n'arrête pas de me plaindre à tout le monde que le Livre est Impossible à Ecrire. Je suis donc devenue une chieuse de classe internationale en plus d'être angoissée et hystérique. 
Oui, je sais, c'est parfaitement normal. Mais c'est aussi massivement relou. Il y a des jours où j'ai l'impression d'avoir dit tout ce que j'avais à dire et basta, mais il me reste encore 40 000 mots à écrire. Et d'autres jours où je me dis que je n'arriverai jamais à tout mettre dans les 40 000 mots qu'il me reste à écrire. Il y a des jours-Lego où je restructure absolument tout et des jours-Playmobil où je veux juste jouer à l'intérieur des sous-parties.
Le truc bien nul, pour entrer dans les détails, c'est que le livre doit présenter un modèle théorique complet qui articule un certain nombre de concepts différents. Or, ceci est extrêmement difficile si l'on n'a pas recours à une introduction presque aussi longue qu'une question de Natacha Polony dans On n'est pas couché. En fait, je voudrais bien que tout le bouquin ne soit qu'une immense introduction, mais a priori c'est pas possible. Et puis j'ai l'impression d'être terriblement descriptive et répétitive.
Et pourquoi, me demandez-vous, n'était-ce pas un problème dans la thèse? Eh bien parce que la thèse est un exercice universitaire où il est parfaitement acceptable d'ânonner des faits, d'accumuler des références et des citations et des notes de bas de page et d'ex-pli-quer bien distinctement ce qu'on va faire ensuite, en utilisant des mots comme 'méthodologie', 'recension' et 'épistémologie'. Sauf que tu fais ça dans un vrai livre de grandes personnes et tu te fais hurler de rire au visage.
Le Problème de tous les Problèmes (c'est comme la Maman de toutes les Mamans dans Pétronille et ses 120 petits de Claude Ponti, mais en moins gentil et sexy), c'est que je voulais que la thèse soit parfaite, mais comme la thèse n'était pas, de mon point de vue en tous cas, parfaite, je veux désormais que le Livre soit parfait, mais ça n'arrivera pas. 
Ce qui est, il faut l'admettre, fortement agaçant!
Du coup, pour  me calmer les nerfs, j'ai fait une Liste de Trucs à se Remémorer par Temps de Crises d'Ecriture:
  • C'est parfaitement normal.
  •  Aucun monographe universitaire n'est un tout parfait et cohérent, sans répétitions, clair et concis, et révolutionnaire (ça c'est vrai).
  • A peu près trois personnes au monde vont le lire en entier (en comptant moi, l'éditeur de la série, et ma mère)
  • A peu près huit personnes au monde vont en lire des fragments. 
  • J'ai 24 ans et c'est mon premier livre donc les gens seront gentils même si c'est tout nul (et la marmotte elle met le chocolat dans le papier d'alu).
  • Les relecteurs auront des commentaires et des recommandations intéressantes pour améliorer la première version (s'ils ne la rejettent pas directement).
  • Il y a des bonnes idées dans le livre (par exemple la police d'écriture).
  • L'éditeur ne me laissera pas publier un truc profondément crétin.
  • J'aurai d'autres occasions d'écrire et de dire des trucs.
  • Un jour le soleil va mourir et avaler toute la Terre et tout ce qui s'y trouve, y compris les ruines de notre civilisation de toute façon éteinte depuis la nuit des temps. 
Le dernier point étant de loin, évidemment, celui qui m'apporte le plus de réconfort.
Et toi, hypocrite lecteur, quelle écriture te fait suer des seaux de transpiration jaunâtre ces temps-ci? raconte-moi donc ça dans les commentaires.

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