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"La politique n’a de sens et de valeur qu’appliquée à résoudre le problème social"

Publié le 27 novembre 2013 par Lepinematthieu @MatthieuLepine

Après 15 jours de relative inactivité sur mon blog, je souhaite revenir sur trois événements qui ont marqué l’actualité politique et sociale récente. La victoire des Bleus tout d’abord, parce qu’elle a suscité de surprenantes réactions, notamment chez certains militants et sympathisants de gauche. L’action du gouvernement ensuite, parce qu’elle est la preuve de l’incapacité du PS à répondre aux attentes du peuple et plus particulièrement du peuple de gauche.  Sur le mouvement des bonnets rouges enfin, car cette mobilisation, présentée comme le symbole du ras-le-bol fiscal, n’est en réalité qu’une insupportable instrumentalisation de l’Histoire et de la détresse des travailleurs.

Les Bleus, le foot et le peuple français

« Sport de millionnaires », « blaireaux de footballeurs », « abrutissement du peuple », « beaufs de supporter », « les supporters français ne valent pas mieux que les joueurs », voilà les différentes réactions que j’ai pu apercevoir sur les réseaux sociaux au lendemain de la victoire des Bleus. A en croire  les propos de certains sympathisants et militants de gauche, les éducateurs sportifs devraient être considérés comme des suppôts du grand capital et donc des ennemis de classe car ils participeraient à l’adoration des millionnaires que sont les footballeurs professionnels…

Il est évident que ceux-ci ont des salaires indécents, que les subventions publiques doivent être redirigées vers le football amateur et que la menace de grève venant des clubs de Ligue 1 est insupportable, mais ne mélangeons pas tout. Faire de ce sport un sport de riche, mépriser, insulter ceux qui l’aiment, ceux qui le pratiquent, est une profonde erreur.

C’est oublier que plus de 18 millions de personnes ont suivi la dernière rencontre de l’équipe nationale. C’est oublier que le football est encore aujourd’hui, avec ses plus de deux millions de licenciés, le sport le plus populaire de France. C’est oublier qu’il n’y a pas dans notre pays, un village, un quartier, sans la présence d’un club de foot. C’est enfin oublier que ces clubs sont des lieux de sociabilisation parfois essentiels.

Doit-on rappeler que c’est dans les banlieues ouvrières que ce sport s’est développé dans les années 30, notamment sous l’impulsion du Front populaire et de ses mesures prises en faveur de la démocratisation du sport et des loisirs. A l’époque le football était au cœur de la lutte des classes. Ne pas comprendre cela lorsqu’on veut représenter le peuple, c’est faire fausse route.

Il ne faut par ailleurs pas oublier, lorsqu’on lutte contre l’extrême droite, que voir un Mamadou Sakho heureux après la victoire, chantant la Marseillaise tout en hissant le drapeau tricolore, est un symbole fort et bénéfique. N’oublions pas que lorsque l’équipe de France perd et déçoit, c’est le Front national qui est le premier à s’en réjouir¹.

L’incohérence au pouvoir

Hollande avait promis le changement. En définitive, Ayrault a remplacé Fillon et le PS a plagié l’UMP. J’en prends pour preuve la récente attitude du gouvernement à l’Assemblée nationale. En 2010, lorsque lors du vote sur les retraites, la procédure du vote bloqué avait été imposée par l’exécutif de l’époque, le PS s’était indigné.

« Le président méprise le Sénat et la démocratie en coupant court aux débats. (…) Cette décision déshonore et discrédite le gouvernement et le président ». Trois ans plus tard, ceux qui hurlaient au déni de démocratie, la piétine allégrement en imposant à leur tour un vote bloqué concernant la réforme de ces mêmes retraites.

Mais le PS, n’en est pas à sa première pirouette ! Souvenez-vous des propos du candidat Hollande en janvier 2012 au sujet de la TVA Sarkozy. « L’augmentation de la TVA : je la considère inopportune, injuste, infondée et improvisée, ça fait beaucoup, et c’est pourquoi si les électeurs en décident et si demain je suis appelé aux responsabilités je demanderai au parlement de l’annuler ». Résultat, la TVA passera de 19.6% à 20% à partir du 1er janvier 2014²…

Localement, le PS est tout aussi incohérent. Razzy Hammadi candidat pour les municipales à Montreuil a par exemple osé hier, à quelques heures d’intervalle, déclarer "je veux que la gauche soit au niveau" et voter la loi sur les retraites. Avec de tels représentants, on ne peut que voir le FN pavoiser et la courbe de l’abstention progresser !

"Escarcelle", "rapt", "ambition", "bastion", "stratégie", "conquête", "jeune loup", "esprit de conquête", "appétit", "vole", "gnaque", tels sont les termes employés par Lilian Alemagna (Libération) dans un récent article consacré à l’attitude des élus PS en Seine-Saint-Denis. Pas une seule fois le mot peuple, ni le mot citoyen ! Voilà ce qu’inspire ce parti, aujourd’hui complètement déconnecté de la réalité de la société française.

« La politique n’a de sens et de valeur qu’appliquée à résoudre le problème social » ³. Puisqu’il se dit héritier de Jaurès, le PS ferait bien de le relire de temps en temps !

Les bonnets rouges, ou l’instrumentalisation de la détresse des travailleurs

Le mouvement des bonnets rouges est une double manipulation directement téléguidée par le patronat. Manipulation de l’Histoire tout d’abord, mais aussi surtout de la détresse des travailleurs. Je me réjouis à ce sujet de la clairvoyance du Front de gauche qui, à la différence de certains partis de gauche, a rapidement dénoncé cette supercherie.

Comme l’ont rappelé certains historiens, avant d’être une révolte fiscale, le mouvement des Bonnets rouges durant l’Ancien Régime, fut une révolte sociale. Celle des paysans bretons contre leurs exploiteurs (seigneurs, Eglise…). Voir aujourd’hui le patronat, Medef en tête, reprendre et torturer ce symbole est insupportable. Cette manipulation éhontée de l’Histoire n’a pour but que de détourner la colère des petits exploitants, des ouvriers et des salariés de cette région soumise à l’industrie agro-alimentaire. « Ils tentent de détourner une profonde et légitime colère sociale vers « les autres », tous les autres mais pas eux ».

Le capitaliste est cynique. Pour lui la fin justifie les moyens. Deux jours avant la manifestation du 2 novembre dernier à Quimper, la société Armor-lux en a une nouvelle fois donné la preuve. Elle a en effet déposé la marque « Les bonnets rouges », transformant ainsi, à son insu, chacun des manifestants présents lors de la mobilisation en un véritable panneau publicitaire.

Symbole du « made in France », Armor-Lux s’est par ailleurs bien gardé de prévenir les manifestants qu’une partie de ses milliers de bonnets était en réalité fabriqué en Écosse et non en France… Il est à ce sujet cocasse de voir Jean-Marie Le Pen, pourfendeur de l’ouverture des frontières et de la mondialisation, se pavaner fièrement avec l’un d’eux. Dans cette affaire, une fois de plus, le Front national a démontré qu’il agissait contre les travailleurs et en faveur du système.

¹ Il est à ce sujet intéressant de voir que Marine Le Pen est pour l’instauration d’un salaire maximum dans le football professionnel mais toujours contre la limitation des salaires des grands patrons. Avec le Front national, le populisme est plus que jamais au service du capitalisme.

² C’est notamment ce renoncement qui pousse le Front de gauche à appeler à la marche pour une Révolution fiscale le 1er décembre prochain à Paris.

³ Jean Jaurès, La dépêche, Février 1890.


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