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Doit-on imposer les revenus illicites ?

Publié le 29 novembre 2013 par Vindex @BloggActualite
Doit-on imposer les revenus illicites ?-La vente de drogue peut s'avérer être une activité lucrative-

C'est une question que l'actualité nous pose actuellement de par un fait divers sommes toutes banal que certains considéreront, légitimement, comme peu commun.


Les faits : 


En Mars 2013, un trafiquant de drogue a été condamné pour ses méfaits. 

Suite à cette condamnation, plusieurs sources journalistiques nous indiquent que le fisc s'est penché sur la situation fiscale de ce Monsieur. En effet, il fait l'objet d'un redressement pour un montant total de 80 000€
sur les revenus qu'il a perçu des années 2008 à 2011, revenus qui, en grande partie, provenaient de son activité illégale de vente de drogue. 
Le contribuable s'est alors tourné vers une avocate pour contester ce redressement, ce qui nous amène à diverses questions d'ordre à la fois juridique et éthique : 

-doit-on imposer des revenus découlant d'activités illégales et condamnées par la Loi ? 

-s'agit-il d'une double peine ? 
-est-ce constitutionnel ? 

L'impôt sur le revenu, un impôt objectif


L'impôt sur le revenu est défini par l'article 1A du code général des impôts : "Il est établi un impôt annuel unique sur le revenu des personnes physiques désigné sous le nom d'impôt sur le revenu".

Par la suite, le code définit les différentes composantes de ce revenu fiscal net. 
Mais la nature de cet impôt fait qu'il s'attache non pas à une activité, ni nécessairement à un type d'opérateur économique précis (il touche les particuliers comme certaines petites sociétés) mais à un revenu perçu au cours d'un exercice fiscal.
Dès lors, si certain voudraient faire croire que l'Etat, en ponctionnant les revenus issus du trafic de drogue, reconnaît implicitement cette activité, ce n'est pas le cas : il ne fait que reconnaître l'existence de revenus et, en les imposant, font participer leurs bénéficiaires à l'effort national de contribution.

Sévère ?

L'avocate qui défend la personne concernée estime son sort sévère, caractérisé par une double peine. Cependant, la situation dans laquelle s'est placée cette personne est d'une part illégale, et d'autre part de son propre fait. 
Les biens issus de son trafic sont confisqués, ce qui est normal. Et les revenus dont il a jouit, pour illégaux qu'ils soient, n'ont pas été versés. Il est probable qu'une telle déconfiture le mène à mieux respecter les Lois à l'avenir.
A la rigueur, les erreurs de procédures (non respect probable de la prescription triennale) et l'estimation (jamais exacte) des services fiscaux peuvent être les seuls injustices dont cet homme est victime. 

Vers une légalisation ?

Il suffit de faire un léger effort de réflexion pour comprendre que l'Etat, même s'il profite de tels revenus, ne cautionne ni ne reconnaît la légalité de la vente de drogue. 
En premier lieu, de par sa politique pénale, l'on sait globalement que l'Etat lutte avec des moyens très durs contre le trafic de drogue (bien que les moyens sur le terrain ne sont peut-être pas du même accabit). 
Ensuite, comme nous l'avons déjà vu, l'imposition n'entraîne pas reconnaissance de l'activité mais simplement de l'existence du revenu, sans pour autant la légitimer. Si l'Etat instaurait par exemple une taxe spécifique, ou même la TVA sur la vente de tels produits illicites, l'ambiguïté confinerait à l'hypocrisie, mais ce n'est pas le cas. 
En fait, l'Etat se dissocie en quelque sorte : de par sa politique pénale, il se doit de trancher, d'imposer une morale, de garantir la sécurité de tous. De par sa politique fiscale, il se doit de garantir l'arrivée de ressources nécessaires à son action. 

Immoralité

Pour l'Etat, jouïr des fruits d'une activité est-il moral ? A première pensée, l'on pourrait effectivement penser à une sorte de "recel". Mais il faut bien avoir à l'esprit que si l'argent consommé dans la drogue l'avait été ailleurs (ce qui est assez vraisemblable), l'Etat l'aurait également perçu sous forme d'autres revenus. Or, doit-il se priver d'une ressource fiscale jugée immorale alors qu'il ne se trouve pas être directement responsable de l'illégalité des agissements de certains de ses contribuables ? 
Aurions nous, par ailleurs, la même réaction indignée à l'égard d'une personne qui se verrait imposée des revenus issus du travail non déclaré dont il se rendrait coupable ? 
Vraisemblablement, la réponse à ces questions me semble être non, si bien que quelle que soit la provenance des revenus, quiconque en dispose suffisamment doit être imposé afin de contribuer à l'effort collectif.
Ce qui me semble tout à fait constitutionnel par ailleurs, car tout à fait conforme au point n°13 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, disposant que "Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable ; elle doit être également répartie entre les citoyens, en raison de leurs facultés".

Sources : 

-Le fisc réclame 80 000 euros d'impôts à un dealer d'héroïne - Libération ; -Poursuivi par le fisc, un dealer d'héroïne doit 80 000 euros aux impôts - Planet ; -Trafiquants de drogue, vous n'échapperez pas au fisc - Le Point.Rem-100.



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