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N'entre pas dans mon âme avec tes chaussures - Paola PIGANI - Rentrée littéraire 2013

Par Liliba

N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures – Paola Pigani Lectures de Liliba

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Les Manouches, Roms, Tziganes, Forains, Bohémiens et autres Gitans font souvent la une des médias depuis quelque temps et sont même devenus un sujet polémique. Mais qui connait vraiment leur histoire ? Et notamment ce qu’ils vécurent pendant la dernière guerre ?

« En période de guerre, la circulation des nomades, des individus errant généralement sans domicile fixe, ni patrie, ni profession effective, constitue pour la défense nationale et la sauvegarde du secret, un danger qui doit être écarté. »

Décret du 6 Avril 1940.

Édifiant, non ? Ces persona non grata dans la population française furent donc déportées et rassemblés dans un grand camp près d’Angoulême, pour 350 d’entre eux, venus de Charente et de Charente Maritine. Le camp des Alliers, un bien beau nom pour un enfer où ils vécurent tant bien que mal, et plutôt mal, plus de 6 ans.

À travers ce roman, nous suivons la famille d’Alba, qui vient d’avoir 14 ans quand elle entre dans le camp. Ce sont en fait les souvenirs racontés par Adrienne, une vieille Manouche de 87 ans, qui revient sur le passé qui semble si lointain qui ont inspiré l’auteur pour qu’elle fasse prendre chair à Alba. Certains faits sont réels, d’autres viennent de l’imagination de Laura Pigani, mais tous ont le goût du malheur et de la tristesse.

Avec le camp, la famille d’Alba découvre la vraie pauvreté, celle dont on a honte, et non pas ce peu dont on se contentait autrefois. La famille découvre également la faim, la saleté, les humiliations, les maladies dont ils ne souffraient pas auparavant, et pire que tout, le manque de liberté. Eux qui autrefois sillonnaient les routes, battaient la campagne, heureux de s’arrêter dans un champ, au bord d’une rivière, eux qui chantaient à la nuit au coin du feu, eux qui ne savent même pas vivre entre 4 murs, ne connaissent pas les portes meurent de cet enfermement...

Les soldats (français) leur prennent tout : la roulotte qui est l’âme de la famille (« n’entre pas dans mon âme avec tes chaussures » : il faut se déchausser pour monter dans une roulotte), le cheval qui la tirait et qui va mourir de ne plus pouvoir marcher. On les case dans des baraquements et on les laisse là, inoccupés, dépendants pour tout.

L’écriture de Paola Pigani est d’une sensibilité extrême, mais sans jamais tomber dans la sensiblerie. On s’attache à tous les membres de cette famille, Alba bien sûr, mais aussi sa mère aveugle qui dépérit à vue d’œil, le père qui ne vaut guère mieux depuis que le cheval les a quittés, les oncles et tantes, ceux qui veulent s’enfuir, ceux qui préfèrent rester. Tous sont captifs mais restent libres dans leur tête, fiers malgré cette débâcle quotidienne. Le lecteur découvre leur fierté et leurs pudeurs, leurs peurs, et puis l’amour aussi, la petite parcelle de vie qui reste en eux et les fait aimer, s’entraider, rire parfois. On rit, on pleure, et on ne peut s’empêcher d’avoir honte aussi, en repensant aux horreurs de l’époque, à ses inepties. Heureusement qu’il y a aussi quelques belles âmes qui leur viennent en aide.

Ce roman est d’une poésie délicate malgré la tristesse du thème. On y apprend à aimer la nature, à s’émouvoir d’un rien, d’une fleur, d’un arbre. L'écriture est fine, légère, extrêmement sensible et même gaie parfois. Je l’ai adoré de bout en bout, suivant avec avidité la vie d’Alba dans le camp, son passage de l’enfance à la vie de femme, puis de mère ensuite, à sa sortie.

Une écriture magnifique, et très belle découverte d’une auteur à suivre !

« Les femmes au village, à chaque fois qu’elles la croisent, regardent ses bébés comme des petits cochons à faire taire. Elle ne leur dit pas qu’elle est encore en espoir. Elles lui parleraient de péché et de rendez-vous avec la misère. Elles ne comprendraient pas que les ventres énormes des bohémiennes endiguent la misère et la mort. Si les enfants grimpent sur eux, c’est pour regarder la vie d’en haut. Ils ne seront jamais trop à traverser son ventre, songe Alba, l’un après l’autre jusqu’à ce qu’elle devienne une vieille souche. « Qu’on me brûle quand mon corps ne sera plus le passage de la vie. » »

Paola Pigani - Liana Levi - 17.50 € - août 2013 

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 Un grand merci à Elodie chez Liana Levi !


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