Magazine Culture

Fondation Beyeler

Publié le 01 décembre 2013 par Elisabeth1

Nouvelle présentation de la collection jusqu’au 12 janvier 2014

Matisse

Forte d’environ 250 œuvres, la Collection Beyeler offre un vaste et intéressant aperçu de la création d’artistes modernes et contemporains. Elle ne cesse de s’accroître grâce à de nouvelles acquisitions. Trois présentations annuelles accompagnent les expositions temporaires en apposant des accents constamment renouvelés, qui élargissent et complètent les contenus et les époques incarnés par les œuvres de la Collection. La présence de l’intégralité des papiers découpés d’Henri Matisse appartenant à la Collection Beyeler ainsi qu’une salle consacrée à des œuvres de Louise Bourgeois représentent les temps forts de la présentation de cet automne.

Pablo Picasso Femme (Époque des „Demoiselles d’Avignon“), 1907 Huile sur toile, 119 x 93,5 cm  Fondation Beyeler, Riehen/Basel ©2013, Succession Picasso/ProLitteris, Zurich Photo: Robert Bayer, Bâle

Pablo Picasso Femme
(Époque des „Demoiselles d’Avignon“), 1907
Huile sur toile, 119 x 93,5 cm
Fondation Beyeler, Riehen/Basel
©2013, Succession Picasso/ProLitteris, Zurich
Photo: Robert Bayer, Bâle

Après une longue absence due à l’exposition organisée par le Kunstmuseum, on peut également retrouver les Picasso de la Collection Beyeler, assister à d’étonnantes rencontres entre Paul Klee et Piet Mondrian ainsi qu’entre Paul Cézanne et les cubistes, découvrir une salle contenant des œuvres de Giacometti et une autre dans laquelle la toile Le Passage du Commerce Saint-André de Balthus (merci Jean Clair) est mise en regard de sculptures de Fautrier. Des œuvres d’art américain appartenant à la Collection Beyeler, de Roy Lichtenstein à Ellsworth Kelly et Andy Warhol, sont exposées dans le Souterrain.
S’ajoute à tout cela la deuxième présentation de la Calder Gallery avec l’exposition Alexander Calder / Arbres – Désigner l’abstraction.
Alexander Calder
La Fondation Beyeler présente la deuxième Calder Gallery, aménagée en collaboration avec la Calder Foundation et consacrée à un nouvel aspect, encore inexploré, de la création d’Alexander Calder. En 1933, quand la situation politique internationale pousse l’artiste à quitter Paris pour regagner l’Amérique du Nord, il s’installe à demeure avec son épouse Louisa James à Roxbury, Connecticut, dans une vieille ferme du XVIIIe siècle. Cet environnement exerce un effet immédiat sur lui, ouvrant un nouveau chapitre de l’évolution de son travail. L’espace extérieur apparaît de plus en plus comme un élément déterminant de son œuvre. C’est à cette époque décisive que voient le jour les premières sculptures d’extérieur, qui rappellent vaguement des clochetons ou des girouettes. Explorant ces nouvelles possibilités artistiques, elles constituent le point de départ des monumentaux travaux d’extérieur de l’après-guerre. Bien que ces œuvres soient toujours des abstractions dans l’espace, les titres choisis décrivent des éléments particuliers du mouvement, des répétitions de formes échelonnées ou de subtils rapports d’équilibre. L’abstraction est ici désignée sous une forme tangible, comme on peut s’en convaincre avec deux œuvres choisies. Des associations organiques déterminent les structures formelles telles que couronnes de feuillages, cascades de branches, étages des frondaisons. Le libre jeu des œuvres présentées dans l’espace intérieur du Musée densément animé s’assemble pour composer une véritable « forêt Calder ».

Calder Galery

Calder Galery

Le lien qui s’établit ainsi entre espaces intérieur et extérieur reprend un thème majeur de la Fondation Beyeler, intégrant la Collection dans une juxtaposition harmonieuse entre architecture et paysage.
Un deuxième ensemble d’œuvres éclaire enfin la genèse de Tree, une œuvre appartenant à la Collection de la Fondation Beyeler, avec la maquette d’origine accompagnée de travaux apparentés et d’étapes intermédiaires. Tree, le monumental stabile-mobile de la Collection d’Ernst et Hildy Beyeler retrouvera bientôt sa place d’origine dans le Berower Park, sur le terrain de la Fondation Beyeler.
En plus de prêts consentis par la Calder Foundation, on pourra également voir des œuvres rarement prêtées appartenant à des collectionneurs privés, ainsi qu’à la Fundació Joan Miró de Barcelone et au Moderna Museet de Stockholm.
La Fondation Beyeler s’est engagée en 2012 dans une collaboration prévue pour plusieurs années avec la Calder Foundation de New York. Des œuvres appartenant aux collections des deux Fondations sont ainsi rassemblées et exposées dans une série de présentations réalisées par des commissaires d’exposition, la « Calder Gallery ». L’objectif est de permettre une présence permanente, unique en Europe, d’œuvres d’Alexander Calder (1898–1976) à la Fondation Beyeler, et d’apporter ainsi une contribution à l’étude de son œuvre.

Louise Bourgeois
En 2011/2012, la Fondation Beyeler a consacré à Louise Bourgeois une exposition qui établissait un dialogue entre son œuvre polymorphe et la collection permanente, faisant apparaître de nombreuses relations avec des artistes aussi divers que Fernand Léger, Pablo Picasso, Alberto Giacometti ou Francis Bacon.

Entre-temps, la Fondation Beyeler a acquis deux œuvres de cette artiste, présentées désormais dans cette salle et complétées par d’autres travaux provenant de sa succession. La virtuosité avec laquelle Louise Bourgeois (1911-2010) a su exploiter des matériaux fondamentalement différents apparaît parfaitement dans la salle qui lui est consacrée et qui présente un choix restreint et subtil de sculptures ainsi qu’Untitled, un dessin égratigné de 2002.

Louise Bourgeois

Avec sa structure, ses bobines de fil et son élément en latex en forme de goutte, In Respite de 1992 illustre un leitmotiv de l’œuvre polymorphe de Bourgeois, le travail avec des textiles et des fils. Depuis les années 1960, l’artiste s’est consacrée à une série de sculptures entortillées, en spirale ou évidées, reposant sur un socle pour certaines, accrochées au plafond pour d’autres. Trois travaux de cette série, qui porte le titre générique de « Lair » (tanière, terrier, refuge, gîte), sont présentés ici : les œuvres de bronze peintes en blanc intitulées Fée couturière, 1963 et Amoeba, 1963-1965 présentent un jeu subtil de formes. Suspendues au plafond comme des cocons percés et abandonnés, comme une carapace animale vide ou un masque entièrement clos, leurs formes biomorphes semblent se fondre avec le blanc de la salle. L’œuvre de plâtre peint Lair, 1962, a été, soulignons-le, la première œuvre d’une artiste à faire son entrée à la Fondation Beyeler.
D’apparence archaïque et doté d’une surface poreuse suggérant un matériau naturel, Lair, en forme de spirale, rappelle par son façonnement géométrique des architectures antiques en même temps que les objets d’une grande rigueur formelle du Minimal Art. Cette sculpture se dérobe pourtant à toute classification évidente. Remarquons la réapparition du motif de la spirale dans la présentation du dessin Untitled, 2002.
La tension entre intimité, structure et fragilité qui attire le regard du spectateur tout en le déstabilisant habite également Untitled, 1954, une des célèbres sculptures en forme de stèle que Louise Bourgeois désignait comme des « Personnages ». Avec ses éléments de plâtre évoquant des doigts, elle se dresse dans l’espace telle une colonne vertébrale ou une antenne d’une grande fragilité.

Henri Matisse: Découpages et peintures
Pour la première fois depuis 2006, les papiers découpés et les peintures d’Henri Matisse appartenant à la Collection Beyeler seront à nouveau exposés dans une présentation spécifique jusqu’au 12 janvier 2014.
Celle-ci permet de retrouver les nus bleus, les plus célèbres papiers découpés de Matisse, ainsi qu’Acanthes, œuvre emblématique de la Collection Beyeler. On découvre avec une clarté singulière la manière dont le travail de découpage d’Henri Matisse (1869 – 1954), dont l’œuvre se caractérise à la fois par une réduction puriste de la forme et un traitement novateur de la couleur, a marqué l’art moderne européen aussi bien que les réalisations des représentants de l’expressionnisme abstrait aux États-Unis.
Après leur présentation dans le musée, l’ensemble des papiers découpés de la Collection Beyeler partiront pour la Tate Modern de Londres puis pour le Museum of Modern Art de New York où se tiendra une grande exposition des papiers découpés de Matisse en 2014-2015.
Cette présentation est complétée par les deux toiles et la sculpture Jeannette IV de la Collection ainsi que par le grand dessin à l’encre de chine Nature morte aux grenades, montré ici pour la première fois en tant que partie intégrante de la Collection. Ce dessin a été l’une des dernières acquisitions d’Ernst Beyeler.

Henri Matisse Nu bleu, la grenouille, 1952 Papiers découpés peints à la gouache sur papier sur toile, 141 x 134 cm Fondation Beyeler, Riehen/Basel © 2013, Succession H. Matisse/ProLitteris, Zurich Photo: Peter Schibli, Bâle

Henri Matisse
Nu bleu, la grenouille, 1952
Papiers découpés peints à la gouache sur papier sur toile, 141 x 134 cm
Fondation Beyeler, Riehen/Basel
© 2013, Succession H. Matisse/ProLitteris, Zurich
Photo: Peter Schibli, Bâle

Nu bleu I, qui représente une femme accroupie, se caractérise par une merveilleuse cohésion et donne l’impression d’avoir été créée d’un seul jet. Ses formes jouent avec les idées d’« intérieur » et d’« extérieur », transmettant ainsi une sorte d’absorption corporelle, d’érotisme intériorisé. On ne saurait en dire autant de Nu bleu, la grenouille : ici, les formes bleues du corps qui évoquent des criques marines, réparties sur le fond d’un jaune éclatant, rayonnent d’activité et d’un érotisme explicite. Le titre La grenouille ne se réfère pas seulement à la posture du corps représenté, mais renvoie également au symbole de fertilité qu’incarne traditionnellement ce batracien. Cette signification se retrouve dans les deux grenades de gauche.
À la fin de sa vie, Matisse a inventé une forme d’expression entièrement nouvelle dans laquelle on peut voir la somme de ses efforts pour créer un tableau harmonieux, pour réaliser son idée de « grande décoration » : il a réduit la figure, la couleur et l’espace à une sorte de système de signes qu’il découpait aux ciseaux dans du papier recouvert de gouache et arrangeait en tableaux qui décoraient d’abord les murs de son atelier.
Et l’on peut enfin revoir « Acanthes », le papier découpé de grand format de Matisse.
Les travaux de restauration de cette œuvre auront duré trois ans et auront bénéficié du généreux soutien des assurances National Suisse. Trois années durant lesquelles
« Acanthes » n’aura pas seulement fait l’objet d’études approfondies mais aura été préservé pour les générations à venir.
Pour Matisse, le découpage du papier aux ciseaux était l’équivalent du travail sur des corps en trois dimensions : « Dessiner avec les ciseaux : découper à vif dans la couleur me rappelle la taille directe des sculpteurs. »
Les « papiers découpés », qui associent peinture et volume, représentaient ainsi à ses yeux l’accomplissement de sa création artistique. Les toiles qui complètent cette présentation, dont Jardin à Issy, 1917, montrent que Matisse recherchait aussi dans la peinture l’équilibre parfait entre forme, couleur, surface et espace.

Balthus et Jean Fautrier

Le Passage du Commerce Saint-André de Balthus

Le Passage du Commerce Saint-André de Balthus

C’est dans une disposition en perspective que cette salle s’ouvre sur la célèbre scène de rue que Balthus (1908-2001) a immortalisée dans Le Passage du Commerce Saint-André. En s’en approchant, le visiteur rencontrera sur sa route trois sculptures du peintre et sculpteur français Jean Fautrier (1898-1964), entrées dans le fonds de la Collection de la Fondation Beyeler grâce à la donation de la Collection Renard par le couple du même nom. Grand torse, 1928, aussi bien que les bustes anticipent le geste brutal de l’informel qui ancre le corps féminin et sa représentation esquissée dans le contexte temporel de la mutilation de l’après-guerre.


Retour à La Une de Logo Paperblog