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Les Rencontres d'Après Minuit.

Publié le 02 décembre 2013 par Picotcamille @PicotCamille

Dans la nuit d'une fin de novembre, enveloppée jusqu'au cou d'épaisseurs chaudes, l'homme le plus important à mes yeux m'emmena voir Les Rencontres d'Après Minuit de Yann Gonzales.

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Un rêve. Puis un couple endormis (Kate Moran et Niels Schneider) dans la neige au pied d'un arbre. Lui se meurt de froid, le femme appelle la gouvernante. La gouvernante arrive (Nicolas Maury), un corps d'homme mais des manières d'une douceur extrême, elle conseille les baisers comme bouée de sauvetage. La femme s'exécute puis demande à la gouvernante de l'embrasser, ainsi, continuant, avec la peur de perdre l'homme aimé. Il finit pas revenir à lui, avec un étrange rêve, à moins que ce soit sa presque-mort qui l'ait emmenée là. L'au-delà serait peuplé d'enfants morts bouffis de haine et ce seraient eux qui lâcheraient sur le monde toutes les horreurs: famine, explosion nucléaire, ouragan etc.

Puis le couple s'en retourne chez lui, appelé par la gouvernante à se préparer pour la soirée. Une orgie semble-t-il où sont convié La Chienne (Julie Brémond), L'Etalon (Eric Cantona), La Star (Fabienne Babe) et L'Adolescent (Alain-Fabien Delon).

LES RENCONTRES D'APRES MINUIT film annonce HD

Les Rencontres est un film poétique, mêlant différents arts, le théâtre, la danse et la peinture (la musique n'agissant pas comme un médium à part mais plus comme un accompagnement à l'objet cinématographique, bien qu'elle soit superbe, voir la bande-annonce).

D'abord, le théâtre, leur façon de jouer, comme si ils n'étaient pas du même monde que nous. Rendant l'endroit, une sorte de HLM délabré à l'extérieur impersonnel à l'intérieur, plus qu'inquiétant. Ces personnages sont des fantômes. Tous à la recherche de quelqu'un, de quelque chose, portant une culpabilité, un tristesse, un désespoir les empêchant de vivre. La mort est présente depuis le rêve en début de film. Et quoi de plus naturel que de la révéler au cours d'une orgie. A l'image d'Eros et Thanatos toujours. La pièce prend alors une forme de purgatoire où chacun conte son histoire, ses rêves, ses fautes. Les histoires sont toujours plus scintillantes et coloré que le présent de la soirée. Les couleurs dominantes de la soirée sont le blanc, le noir, les gris et les bleus qui tendent vers eux. Pas vraiment la première idée qu'on se fait d'une orgie. Alors que dans les histoires, c'est un monde féerique qui vient. Chacun ayant son univers propre. Hormis l'histoire de l'Etalon (qui évoque plus le film noir de série Z) et celle de l'Adolescent (non transcrite à l'écran), tous rendent hommage à une pratique artistique. La Chienne par exemple évoque un ballet Russe sur une histoire de conte de fées, La Star (comme son nom l'indique) le cinéma classique hollywoodien et le couple, ainsi que la gouvernante la peinture, le collage et l'animation des 70's grosso modo. Il faudrait que je prenne le temps de faire une étude sur les références picturales de l'histoire du couple. Mais le temps je n'en ai pas.

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Je citerai par exemple comme référence, le film La Planète Sauvage de René Laloux. Pour ce côté à la fois lent, figé et extrêmement inquiétant. Il y a un truc avec l'espace vide aussi, qui se rajoute à l'inquiétude, et les couleurs un peu semblables. On retrouve aussi ce coté chez Ocelot, il y a corrélation entre les œuvres, il me semble. Aussi Symphonie en blanc n°1. La Jeune Fille en Blanc de James Abbot McNeill Whistler pour le personnage d'Ali. Matthias est un hommage à Albator. Il y a aussi un côté très épuré qui évoque la peinture médiévale, surtout quand Matthias part en guerre. On a une absence totale de perspective, qui accentue vraiment cette idée, chaque élément est sur la même ligne. Alors que durant le deuil d'Ali, on a quelque chose de beaucoup plus romantique. Les scènes de nuit évoquent les lavis de Victor Hugo aussi bien que les vieux films d'épouvantes. En fait chaque plan correspond, durant cette séquence de passé, à un univers pictural. Chacun de nous peut y trouver une référence proche de sa sensibilité.

Enfin il y a la danse, celle des corps durant l'orgie. Chaque geste y tenu, lent mais énergique, doux mais pleins de messages. Au final, le film est loin de cette effusion de débauche que l'on annonce. C'est au contraire un film qui parle plus qu'il ne baise. Et quand il baise c'est entre gens qui s'aiment. Loin de cet esprit de reproduction, l'amour chez Yann Gonzales c'est dire à quelqu'un qu'il est spécial, qu'il est important et qu'on le respecte. Il y a cette notion de communauté chez le réalisateur qu'on retrouve très bien dans ce film. L'orgie devient la finalité d'une soirée où chacun avec sa pudeur et sa réserve propre à appris à aimer l'autre et aussi à s'aimer, à se libérer de ses poids. L'idée même de faire l'amour comme acmé de la considération, ça me plaît. Parce que ça remet pleins de codes en question. Par exemple, considérer que l'acte de baiser n'est pas un acte égoïste pour un plaisir personnel, mais celui d'un partage. J'ai croisé plus d'une personne qui pense qu'à sa gueule, où qui l'affirme comme tel. Parce que "baiser quelqu'un" c'est tellement plus enorgueillissant.

Ce film est un bijou, un bijou compliqué qui parle beaucoup certes, mais qui a le mérite de réfléchir et de faire réfléchir. En plus d'être beau, d'être porté par des acteurs qui se permettent des libertés incroyables (à part le petit Delon, que j'ai trouvé un peu moins intéressant, moins de mise en danger sûrement) et qui se balancnt sans fausse pudeur. Je ne peux que tirer mon chapeau. Flash Love total.

Et parce que je l'ai écouter/chanter en boucle pendant deux jours après.


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