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“Le Big Data devrait rendre possible une médecine de précision”

Publié le 04 décembre 2013 par Pnordey @latelier

Interview de Jean-Pierre Thierry, membre du comité de gouvernance de HIMSS à l’occasion de la présentation du World Healt IT 2014 qui se déroulera à Nice en avril prochain.  

On parle beaucoup du Big Data dans la Santé, qu'en est-il vraiment?

  Quand on observe le secteur des TIC, on ne peut s'empêcher de remarquer un mode de communication favorisant le Buzz ou le « hype ». Derrière de tels mots-valises, il s'agit de savoir identifier plus particulièrement les enjeux. Ainsi, pour le Big Data se sont deux approches qui se font jour, d'un côté le data mining en relation avec l'analytique, et de l'autre un Big Data qui met plus l'accent sur le Big et qui est très spécifique du domaine de la santé aujourd'hui. Le volume des données médicales constituant le dossier médical « classique » a largement augmenté, notamment avec l’intégration de l’imagerie médicale mais le début de généralisation des études portant sur le génomes va produire un volume considérable. De surcroît, il faudra conserver les données brutes pour pouvoir réétudier les bases de données en fonction de l’avancement de la recherche médicale, et ce, sur une longue période.  

Que signifie l'avancée de la génomique pour l'évolution des traitements?

  Une des dimensions à comprendre dans la santé est que la génomique ne va pas seulement générer de grands volumes de données, il s’agit avant tout de pouvoir les analyser et notamment de chercher des corrélations entre certaines mutations ou présences de gènes et des maladies, à commencer par les cancers. Cette nouvelle approche devrait se traduire par une véritable redéfinition des diagnostics. Là où on faisait un diagnostic typiquement par organe, on sera à même de faire un diagnostic par voie métabolique, en se concentrant sur des mutations qui étaient présentes avant le déclenchement de la maladie et sur celles que l’on retrouve dans les tumeurs. On va ainsi essayer de corréler la présence de ces gênes avec la maladie afin de pouvoir développer des thérapies ciblées ou donner des conseils de prévention adaptés à chaque individu. Nous sommes de cette façon face à une technologie qui pourrait permettre d'individualiser les maladies et les patients ou les individus là où l’on raisonnait à partir d’un profil moyen avant de personnaliser les prises en charge. Le processus d'individualisation qui devrait rendre possible une nouvelle médecine dite de précision, devrait être capable d’identifier 10 ou 20 maladies différentes là ou précédemment on en diagnostiquait qu’une.  

La France est-elle prête à s'adapter à cette mutation du rapport au patient?

  La France a de grandes ambitions mais paradoxalement investit moins que les autres pays. Ce qui est étonnant cependant, c'est que malgré des ressources moindres, la productivité est parfois importante. On retrouve ce constat dans le domaine de l’imagerie médicale, la densité de scanner installé est faible en France mais la production d’actes est très importante. Dans les services informatiques, on retrouve peut être la même approche, là où en moyenne un informaticien est nécessaire pour environ 100 autres employés de l'hôpital, la France ne se place qu'à 0,42 et quelques hôpitaux arrivent cependant à un niveau de maturité assez élevé. Il est possible qu’ils prennent des risques et l’avenir le dira. Le manque de personnel est toutefois préoccupant. Les pays européens ont accéléré leur transition numérique et choisi de consacrer suffisamment de ressources, notamment humaines. Mais la France suit plutôt une politique inspirée de "l'intendance suivra" en recrutant trop peu ou du moins en n’allouant insuffisamment de ressources alors que les tutelles incitent les établissements à accélérer le déploiement de solutions de plus en plus complexes. Au contraire, les États-Unis par exemple en injectant des fonds considérables ont donné naissance à de nombreux emplois, d’ailleurs la moitié des nouveaux emplois créés le sont dans le secteur santé-social. Il s’agit donc aussi de favorise le développement de l’offre et des compétences d’avenir. En Europe, il est d’ailleurs possible de faire le constat de l’apparition d’une véritable fracture de la eSanté entre les différents pays.


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