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"It’s more than TV!" – Arte, le documentaire, et l’émergence du format Série TV

Publié le 13 décembre 2013 par Neodandy @Mr_Esthete

Vous n’êtes pas sans savoir qu’Arte diffuse actuellement la Saison 5 (1ere Partie) de Breaking Bad. Souvent thématique, la chaine a profité de l’occasion afin de glisser un reportage-documentaire sur le sujet du support de la Série TV. Faits de constats, d’appuis sur les Séries TV en vogue, de remarques judicieuses, plusieurs problématiques pertinentes ont permis de capter notre attention, de manière inattendue.

Pour illustration, le documentaire intitulé "It’s more than TV!" trace son parcours à travers des séries devenues fameuses : on ne cite plus Breaking Bad; on reste surpris de connaitre d"autres hozirons avec Tom Fontana en tant que scénariste d’Oz et son regard sur Treme. On évoque d’autres milieux via Mad Men voire The Wire. Autant d’exemples variés qui portent pourtant une valeur commune : s’inspirer d’éléments à la base qui n’ont rien pour eux, peu de choses pour plaire.

Tom Fontana – Producteur et surtout scénariste d’Oz ou Borgia. (Parmi les plus connus!)

On critiquera probablement ce point de vue quasi ethno-centré sur et uniquement sur les productions Séries Télévisées Américaines. Ce sont bien évidemment les plus connues, les plus fameuses, les mieux fournies en budget et les exemples les plus frappants utiles à l’illustration du documentaire. L’idée qui en est à la base ne change toutefois pas d’un iota au propos : la production série télévisée prend un pas de plus en plus conséquent dans le monde du cinéma. Mieux/Pire (Rayez la mention inutile) elle se confond à une production cinématographique en termes de personnels, de moyens, de temps …

Le temps, parlons-en. Durant 52 mn, "It’s more than TV!" repose des questions simples : en quoi Série TV et long-métrage deviennent différents ? De nos jours, dans la durée de la plupart des Séries TV, quasiment peu. A raison de 7 épisodes de 45mn à 50mn environ, Breaking Bad et sa Saison 1, par exemple, surpassent l’effort d’un long-métrage qui serait pourtant dans une version longue. Les enjeux financiers sont eux-mêmes le cœur névralgique de la chose. Or, Band of Brothers (Non cité dans le documentaire) est co-produit par 2 pontes du Cinéma : Tom Hanks & Steven Spielberg. Oz est produit par Tom Fontana. Frank Darabont (Réalisateur de La Ligne Verte, Les Evadés) a produit les Saisons 1 et 2 de The Walking Dead … Et les exemples pourraient se multiplier. On peut parler d’une confiance financière, croissante et nécessaire. Surtout, l’attribution d’une ressource financière n’effraie pas. En ce sens, s’affirme les premières hypothèses : les Séries TV vont au-delà de leur simple usage, se dévoilent comme des productions ambitieuses et se dégagent de la simple Sitcom tournée dans un camion aménagée. Financièrement, il s’agit de parler en millions de dollars, en millions de téléspectateurs, en recettes sur le long terme et sur une célébrité à répercussions voire par le phénomène de bouches à oreilles.

Autre idée incontestable : les Séries TV fonctionnent en s’arrogeant de "codes" bien installés pourtant établis par le cinéma.

Le système de production a, au fil des années, été presque celui d’une confiance "les yeux fermés". Au fond, l’analyse proposée par le documentaire remet au devant les grandes libertés et les grandes permises par ce format devenu privilégié. On y suscite l’intérêt par des mécanismes qui ont fait ses preuves : la surprise mêlée parfois au quotidien ou simplement par un suspens souvent oublié dans une synthèse de 90mn. Oz débute de façon surprenante sur la mort de son héros principal; certaines saisons divulguent progressivement la fin de la Saison en cours ou laissent le téléspectateur dans l’expectative … Les méthodes deviennent classiques parce qu’elles ont été éprouvées et régulièrement utilisées. En s’arrogeant de certaines habitudes, un processus de fidélité commence à aboutir avec le public. En lançant une nouvelle série, il y a quelque part l’attente d’être intéressé(e) de façon méliorative par une astuce scénaristique.

Caractéristique simple mais empruntée directement du cinéma : de larges plans où de minuscules personnages apparaissent … (Saison 3 – Breaking Bad)

En s’arrogeant de codes jugés traditionnels, la Série Télévisée a l’occasion de passer par d’autres circuits promotionnels. Son plus grand atout, moins visible en France mais de grande importance dans le paysage audiovisuel : être propulsé par des chaines spécifiques telles que HBO. Profiter d’une diffusion bien plus répandue qu’une simple salle obscure, du système d’affiches placardées et de billets de cinéma. La Série télévisée propose d’allumer la TV, d’être assis devant votre télévision (Ou écran d’ordinateur), dans votre confort, et de devenir des rendez-vous télévisuels. Le grand phénomène de cette année a été le "Final" de la Saison 5 (2e Partie) de Breaking Bad, encore une fois, qui a pu réunir environ 6,4 Millions de fidèles devant leur programme favori. Même en rêve, ce résultat ne sera jamais atteint par quelques productions de 90mn ou 120mn.

Au final, on aimerait s’amuser à affirmer que le format "Série TV" reprend des bases parfois oubliées. Au fond rien n’est réellement inédit, mais un bouleversement des préceptes établis est quelque part à l’origine du lien entre les spectateurs et les effets escomptés dans le processus de création d’un épisode. Seulement, la télévision devient un espace-cocon où les idées les plus banales peuvent se confronter à un format banal et secoué de retours scénaristiques d’appointement. Qu’est-ce qu’il y a d’original à suivre les tribulations entre familles régnantes dans Game of Thrones ? A la banalisation d’une marche zombiesque dans The Walking Dead ? A suivre la vie routinière de Mr. Walter White à ses débuts ? Il y a finalement la conviction d’un espace confiné, qui n’a pas seulement la confiance financière mais aussi celle d’un public prêt à donner de son attention. Prêt à suivre une aventure inédite qui sait manier son audience en agençant son suspens. Le succès de Breaking Bad est, pour beaucoup, dû à des ressorts quasi philosophiques extraites du titre de la série. "Prendre le mauvais chemin", "merder" familièrement, n’est dû qu’à la notion d’action(s) qui ont des conséquences. A long ou à moyen terme, notre personnage se confronte à un lot de choix plus ou moins immédiats, fruits de décisions bonnes ou mauvaises, sciemment prises ou non.

Bryan Cranston ou l’un des rôles marquants dans sa carrière. Et pourtant, si Breaking Bad lui ouvre de nombreuses portes, son C.V. comporte un rôle futur dans Godzilla, Drive, Malcolm … Série TV, un système qui facilite la célébrité ?

Le terminus du format Série TV est celui d’une reconnaissance aisée du public face aux acteurs récurrents. Bryan Cranston n’est pas à ses premières armes dans le cinéma; et pourtant sa reconnaissance a été unanime autant dans le public que dans le milieu même du cinéma. Aaron Paul, collègue et interprète de Jesse Pinkman, aura le droit à une consécration dans une production extrêmement cotée dans Need for Speed. Que les propositions de travail soient pertinentes ou non, la réputation transite à travers une passerelle qu’est la Série TV. Cela dit, la situation n’est pas un algorithme … Réside toutefois l’idée que le seul cinéma n’est pas un tremplin au talent. L’audace de quelques réalisateurs s’imposent à leur tour comme des références dans le domaine.

Vince Gilligan s’est surtout illustré comme réalisateur attitré de Breaking Bad … Mais fut producteur d’épisodes X-Files, et prépare la Préquelle de Breaking Bad : "Better Call Saul!"

De même que des réalisateurs se distinguent d’une esthétique propre, d’une réalisation symptomatique, quelques créateurs de séries originales fondent leur identité dans la production unique par le format télévisé. Bref : un microcosme s’établit et constitue une parallèle alternative, bien mise en évidence et bien synthétisée lors de la production de "It’s more than TV!".  On sera plus réservé quant à la conclusion du documentaire, qui se réfère à l’impérialisme Américain dans le genre Série TV. Ils seraient, quelque part, les seuls à oser autre chose. A juste conséquence, ce sont les seules à s’imposer à nos yeux. Mais ce sont probablement aussi les seules productions à pouvoir bénéficier de soutiens de l’ordre de quelques millions de Dollars pour quelques épisodes d’une Saison. N’oublions pas les Etats-Unis ont aussi leurs ratés, bien ou non assumés, mais qui ne figurent pas dans ce regard synthétique. Combien de séries non abouties ? Inachevées ?

Une créativité financièrement possible aux USA ?

Cela dit, l’Europe a encore du chemin de parcourir afin de lancer ses tentacules télévisés sur les postes mondiaux. En dépit de ses défaillances, le documentaire propose des problématiques qui rendent compte du phénomène actuel. La Série TV devient entité à part entière car soutenue et demandée. Tout indique qu’un horizon parfaitement créatif dépend, probablement, d’un espace où tous les outils ne tiennent compte de moins de charges. Hollywood se meurt, vérolé de trop près par la demande de Super-Héros rapporteurs. Quelles exigences pour la réussite de la Série TV ? Le documentaire semble laisser place à un espace TV utopique sans pour autant mettre l’accent sur les contraintes du système, finalement identique aux productions cinématographiques : système de producteur, d’épisodes pilotes soumis à l’attente ou à la demande des téléspectateurs …

"It’s more than TV!" est disponible sur Internet (Arte.TV) malgré quelques problèmes de droit. Si votre curiosité a été piquée au vif, n’hésitez pas à prendre 52 mn de votre temps pour vous en inspirer.

"It’s more than TV!" reste un support idéal de prise de connaissance, de support à la connaissance d’autres productions télévisées. En ce sens, il permet une ouverture d’esprit à laquelle nous aimerions aboutir sur le Blog La Maison Musée : lancer quelques interprétations (Cinéma, Séries TV) tout en nouant la possibilité de coups de cœur, de déceptions.


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