Magazine Politique

Boualem Sansal, le solitaire laïque

Publié le 19 décembre 2013 par Rolandlabregere

Dans la saison des prix littéraires, il y a les grands prix. Ils font du bruit comme la formule 1. Connus de tous, ils assurent les tirages joufflus à l’éditeur et une rente de notoriété à l’auteur. Une flopée de petits prix succède entre novembre et janvier aux locomotives des prix d'automne.  C'est le cas du Prix Jean Zay. Créé en 2005 à l’occasion de la célébration du centenaire de la loi de Séparation des Eglises et de l’Etat, il est attribué chaque année, le 7 décembre. Il est symboliquement doté d’un chèque de 1905 €, en référence à l’année de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat, étape fondatrice dans l’établissement des valeurs républicaines.

Gouverner_au_nom_d__Allah_s1
Boualem Sansal, écrivain algérien dont l’œuvre discrète et dense est ignorée des autorités de son pays, s’est vu décerner le prix 2013 pour son essai Gouverner au nom d’Allah, Islamisation et soif de pouvoir dans le monde arabe, (Gallimard, 2013). L’auteur, avec les mots de la vie quotidienne s’en prend à la propagation de l’islamisme « pauvrement insignifiant » mais répandu dans toute l’Algérie des années1990 et encore à l’œuvre aujourd’hui. En mettant en perspective l’ensemble des courants musulmans, Boualem Sansal n’élude pas la question des auteurs-acteurs de la propagation de l’extrémisme religieux. Sans concession et fort lucidement, c’est toute la mouvance des acteurs sociaux qui a trouvé quelque intérêt cette propagation qui est dévoilée. Qui  gagne à la diffusion de l’intégrisme ? Boualem Sansal livre la réponse. Elle ne fera pas plaisir aux nominés. Les États prosélytes, les élites opportunistes, les intellectuels silencieux, les universités, les médias, « la rue arabe » partagent, selon l'auteur, cette responsabilité. Boualen Sansal ne s’en tient pas à ces constats, par ailleurs évoqués ça et là, il souligne aussi la naïveté et la duplicité des pouvoirs occidentaux qui peuvent avoir des arrières pensées à laisser voir les dérives du radicalisme religieux. A aucun moment, l’auteur ne sort de la route de l’humanisme radieux qui se dévoile au fur et à mesure que paraissent les romans d’une œuvre originale et aujourd’hui essentielle.

Dénoncer la militarisation de la société algérienne et le totalitarisme religieux, c’est se mettre à dos la galaxie des bien-pensants. Le Prix Jean Zay à Boualem Sansal est une double bonne nouvelle. Elle honore un écrivain algérien à la plume vive et à l’inspiration singulière. Elle exprime le besoin de laïcité, comme valeur au caractère universel des sociétés multiculturelles. Son projet est de renvoyer la religion dans la sphère privée. L’ouvrage de Boualem Sansal est dans la même ligne que Sortir de la malédiction. L’Islam entre civilisation et barbarie (2008) d’Abdelwahab Medded qui dénonce les incohérences entre la charia et la tradition juridique européenne. Il n’est pas courant, dans le contexte actuel, de rencontrer des informations qui défendent le modèle de la laïcité à la française.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Rolandlabregere 12 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines