Magazine Cinéma

A perdre la raison - 6/10

Par Aelezig

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Un film de Joachim Lafosse (2012 - Belgique, Luxembourg, France, Suisse) avec Tahar Rahim, Emilie Dequenne, Niels Arestrup

Bizarre. Et pas gai.

L'histoire : On commence par la fin : Muriel, dans un hôpital, demande que ses trois enfants soient enterrés au Maroc. Que s'est-il passé ? Muriel, professeur de français, et Mounir, étudiant, sont amoureux. André, le père adoptif de Mounir, leur propose de s'installer chez eux, car ils n'ont pas les moyens d'avoir leur propre appartement. Mais, un job pour Mounir, et quatre gosses plus tard... ils sont toujours chez André. Or, Muriel le vit mal, très mal...

Mon avis : Douloureuse histoire, inspirée de faits réels, qu'on a parfois un peu de mal à digérer. Non par le geste commis par Muriel... on peut comprendre, on le sait, les psychiatres l'expliquent bien, qu'une grave dépression peut mener non seulement vers l'acte suicidaire mais vers le meurtre des membres de la famille, que l'on croit aussi malheureux que soi. L'interprétation d'Emilie Dequenne est irréprochable ; mais par la psychologie des personnages - et c'est bien dommage pour un film qui explore la maladie mentale - qui n'est assez définie. On ne saisit pas très bien les comportements des uns et des autres, les objectifs, les raisons profondes...

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D'abord, dès le début, on se demande pourquoi Mounir a été "adopté" par André. On s'aperçoit rapidement qu'il a une mère au Maroc, une soeur qui a fait un mariage blanc avec André (?) et un petit frère... pour qui on n'a rien fait. Ce dernier, comme nous, a de quoi se poser des questions... Pourquoi diable André a-t-il élevé Mounir en France comme son propre fils, épousé sa soeur Fatima pour qu'elle ait un passeport français, mais ne se soucie que très tardivement du sort du petit dernier. Est-ce juste un homme seul, qui veut être entouré ? Quelle est vraiment la source de l'histoire entre lui et cette famille marocaine ?

Et là, il cherche quoi ? A garder ses enfants auprès de lui ? Rien de répréhensible. Beaucoup de parents ont cette attitude. La plupart des mères veulent garder leurs bébés à la maison. Et la société d'aujourd'hui fait que de nombreux jeunes couples sont obligés de vivre chez papa/maman. Ce qui d'ailleurs existait autrefois : les familles restaient unies, et on gardait les vieux à la maison. Bref, André, moi, je ne lui jette pas la pierre. Si ce n'est pour son caractère un peu autoritaire. Mais ils n'ont qu'à se défendre, un peu les jeunes ! D'habitude, dans la vraie vie, ils ne se gênent pas pour vous dire vos quatre vérités ! Et même s'il les "tient" par l'argent, l'argument ne convainc pas : ils ont tous les deux un boulot ! Il fait aussi un peu de chantage affectif sur la fin... mais on peut le comprendre, il ne fallait pas lui donner l'habitude qu'il jouerait ainsi le chef de famille, le patriarche, toute sa vie... Tout le monde me semble bien mou là-dedans.

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Ensuite, Mounir. Il est tout gentil, tout mignon, tout amoureux... puis quand Muriel vient vivre chez eux, elle devient la bonne à tout faire... Et personne ne comprend pourquoi elle est fatiguée. Quels gros machos ! Et André exerce-t-il une telle fascination sur lui qu'il se place toujours de son côté plutôt que de celui de sa femme ? Si tant est qu'il y ait "litige"... car pendant les 3/4 du film, on sait que Muriel est fatiguée, déprimée, mais elle ne semble jamais au bord de la rupture.

D'ailleurs, cette Muriel, malgré toute la sensibilité que lui donne Emilie Dequenne, qui défend bec et ongles ce personnage infanticide, on a du mal à mettre des mots sur l'origine de son malaise. Elle étouffe chez André ? Pourquoi n'en a-t-elle pas parlé à Mounir avant qu'ils ne fassent le quatrième gosse ? Manque de dialogue dans le couple ? Peur d'André ? Mais pourquoi ? Il n'a pas l'air si méchant... Bon... vous me direz, la dépression, c'est une maladie, on ne peut pas toujours expliquer. Mais dans un film qui veut montrer comment une femme peut en arriver à tuer ses propres enfants... il faut un peu d'arguments quand même !

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Et si Muriel souffre de la promiscuité à Paris... curieusement, elle se sent mieux, plus libre, dans la famille marocaine de Mounir. Il s'agit pourtant d'un autre enfermement : les femmes entre elles, le foulard, la djellaba jusqu'aux pieds. Moi je dis : bizarre. 

La psychologue, à un moment, est outrée... bof... par quoi donc ? En quoi le fait de vivre chez le "père", avec son mari et ses enfants, est grave ? Elle voit le mal partout, cette psy, non ? Car André ne nous est jamais montré comme un pervers, il a toujours une attitude très paternelle. Un peu trop, sans doute, c'est là qu'est l'os... mais comme disait je ne sais plus quel pédopsychiatre, en s'adressant aux parents "quoi que vous fassiez, vous le ferez mal" ou un truc de ce genre-là. Merci, au passage, de nous encourager, c'est sympa... André est donc somme toute assez normal, et le fait de vivre avec ses parents est vieux comme le monde, à part une parenthèse minuscule des années 60 aux années 90.

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Non, franchement, je n'ai pas tout compris. Et même si l'interprétation des trois acteurs est parfaite... j'ai été déçue. Ce n'est pas le chef d'oeuvre annoncé par la plupart des critiques, qui louent l'oppression, la tension, l'intelligence et l'émotion du film. M'ouais. Bof. Je me sens plus proche des Cahiers du Cinéma qui parlent de la "passivité invraisemblable du personnage", d'Ecran large : "Les trous béants du scénario troublent dangereusement le propos du film" ou de Marianne : "Joachim Lafosse ne nous demande pas de comprendre ni de juger." Bon d'accord, je la ferme, alors...


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