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Les couleurs de Virginie, par Virginie Tanguay…

Publié le 24 décembre 2013 par Chatquilouche @chatquilouche

Élégance au Parc

   En ce jour terne, je me réveille et dois faire le deuil d’un être cher.  Les yeux fermés, je visualise quelques événements de ma vie : ma jeunesse a fui, emportant avec elle sa folie, je suis tombée amoureuse et j’ai donné naissance.  Les épreuves m’ont renforcée.  À mon âge, je me sens en pleine vigueur, je grandis.  J’agis naturellement avec mon cœur ou avec la raison.  Puis, viendra la vieillesse que j’apprivoiserai avec le sourire.  Voyant la mort arriver, je souhaiterai laisser de mon passage le mot « amour », comme l’a fait une femme que j’admirais de par sa chaleur et sa bonté : ma grand-mère Colombe.

   Elle était croyante et étudiait depuis plus de cinquante ans la religion catholique, tout en appliquant les volontés de Dieu.  Le dimanche, elle s’avançait discrètement près du jubé où son complice de toujours l’attendait : un banc de chêne, qui l’avait supportée dans les tristes comme dans les heureux moments de sa vie.  Bien mise, elle était gracieuse dans sa fourrure de vison.  Je la regardais.  J’étais impressionnée par l’écoute qu’elle portait au discours du vieux curé.  À son oreille, les messages de paix prenaient tout leur sens.

   De sa vie de jeune fille à celle d’une arrière-grand-mère heureuse, elle avait traversé plusieurs générations.  Elle s’interrogeait souvent sur les valeurs qui, selon elle, s’égaraient quelques fois, s’inquiétait de l’avenir, et les souffrances humaines l’attristaient.

   Provenant d’une grande famille, des liens solides les unissaient.  Ils prônaient l’entraide, la débrouillardise et l’harmonie.  Ce qui comptait le plus était d’être ensemble… pauvres, mais épanouis.  Cette famille de Couture a transmis à plusieurs descendants la passion de la musique.  Je savoure cette joie qui m’habite.

   Certains soirs d’hiver frisquets, le gin de Kuyper coulait à flots, l’accordéon et les tapages de cuillères animaient les alentours.  Il n’y avait pas de temps à perdre, il fallait s’amuser et chanter !  Des dizaines de manteaux s’empilaient maladroitement sur les lits et il y avait tellement de bottes à l’entrée que la porte n’ouvrait plus.  Un copieux festin accompagnait ces veillées.  Le fumet de la tourtière s’amalgamait aux notes exquises des gâteaux épicés.

   À l’affût des nouvelles et cultivée, la lecture occupait une place de choix dans ses loisirs.  Tout en feuilletant ses romans, elle écrivait son récit et tournerait bientôt la dernière page de ses quatre-vingts chapitres d’histoire.

   Dans son regard immense, l’ange peint par sa petite-fille représentait toute une vie ; il était un symbole de continuité.  Assises au pied de son lit, accompagnées de ma guitare, toutes deux en apesanteur, nous fredonnions une mélodie d’Yves Duteil : Prendre un enfant.  Cette chanson l’envoûtait depuis sa sortie dans les années soixante-dix.

   J’avais l’impression que ma créature céleste prenait grand-mère par la main et lui donnait confiance en son pas.  Je lui chantais son refrain, sachant qu’elle s’endormirait à la tombée du jour.  Je souhaite qu’un ange l’accompagne à jamais… dans la lumière.

 Virginie Tanguay

Notice biographique de Virginie Tanguay

Les couleurs de Virginie, par Virginie Tanguay…
Virginie Tanguay vit à Roberval, à proximité du lac Saint-Jean.  Elle peint depuis une vingtaine d’années.  Elle est près de la nature, de tout ce qui est vivant et elle est très à l’écoute de ses émotions qu’elle sait nous transmettre par les couleurs et les formes.  Elle a une prédilection pour l’aquarelle qui lui permet d’exprimer la douceur et la transparence, tout en demeurant énergique.  Rendre l’ambiance d’un lieu dans toute sa pureté est son objectif.  Ses œuvres laissent une grande place à la réflexion.  Les détails sont suggérés.  Son but est de faire rêver l’observateur, de le transporter dans un monde de vivacité et de fraîcheur, et elle l’atteint bien.  Elle est aussi chroniqueuse régulière au Chat Qui Louche.   Pour ceux qui veulent en voir ou en savoir davantage, son adresse courrielle :  [email protected] et son blogue : virginietanguayaquarelle.space-blogs.com.  Vous pouvez vous procurer des œuvres originales, des reproductions, des œuvres sur commande, des cartes postales.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


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